Année 2020

Alors que le CES arrive à grand pas, et espérons quelques (r)évolutions, il est temps pour nous de nous replonger dans l'année 2020. Cette dernière année n'a pas révolutionner le secteur, en partie à cause de la crise, mais elle fut l'occasion de consolider certaines orientations, de dessiner un peu plus l'avenir et, d'une certaine façon, de préparer le bouleversement à venir pour le Bluetooth. Petite revue de l'étrange
année 2020 et des tendances pour l'année 2021.

Le nomade, entre démocratisation et attentes

Le milieu nomade est, d'autant plus avec l'arrivée des écouteurs True Wireless en 2016 (avec quelques modèles antérieurs), le secteur le plus dynamique dans l'audio. Croissance insolente pour les écouteurs zéro-fil, et excellente tenue des modèles Bluetooth en général. À ce titre, la révolution n'est pas forcément sonore mais pratique, les modèles devenant de plus en plus des objets connectés, avec tous les avantages (nombreuses fonctions) et tous les défauts (type obsolescence rapide) que cela comporte. Un modèle économique se rapprochant toujours plus du principe ultra-consumériste des smartphones, avec tout de même des progrès côté recyclage pour certains, Apple en tête.

Le True Wireless à l'âge de la quasi-maturité

Pas de nouveautés côté Apple sur les True Wireless, misant toujours sur l'incroyable succès des Airpods Pro sortis fin 2019, et des Airpods 2 toujours très populaire bien que déjà un peu vieillots. Ainsi, pas de locomotive traçant une tendance lourde.

Creative Outlier Air

La vraie nouveauté de 2020 est la démocratisation de plus en plus importante de ce secteur, pas tant en termes de prix qu'en termes de qualité, pour un secteur déjà pas loin de la maturité. Ainsi, l'entrée de gamme n'a pas spécialement diminué de prix, s'articulant autour des 50 euros, voire moins sur certains produits chinois, mais leur qualité s'est largement affinée. Par exemple, alors que 2 ou 3 h était une norme pour l'autonomie, celle-ci arrive très vite à 4 ou 5 h, même pour des écouteurs peu ambitieux. Cela participe à l'allongement des cycles de recharge et, par conséquent, à l'augmentation théorique de la durée de vie des modèles.

Des marques comme Xiaomi, 1More ou JBL, pour le marché français (non-import) tirent assez bien leur épingle du jeu, mais d'autres constructeurs, parfois moins connus, ont également permis de démocratiser le principe. À ce niveau de prix, il ne faut pas encore s'attendre à de l'audiophilie, même d'un point de vue True Wireless, mais la qualité est devenue correcte en quelques années seulement, largement écoutable en tous cas.

Mais surtout, d'anciens modèles un peu plus chers auparavant, comme les bons Creative Outlier Air, plus ou moins supplantés par les Outlier Gold et Outlier Air V2, naviguent maintenant dans les 50 euros, sans être
ringardisés par leurs remplaçants.

Mais plus encore que l'entrée de gamme, c'est le milieu de gamme (80 – 200 euros) qui a véritablement évolué. Ici, aucune vraie révolution en soi, mais l'arrivée de technologies habituellement réservées au haut de gamme et, surtout, très récentes. Sony et Libratone ont lancé, autour de juin 2019, les premiers True Wireless à réduction de bruit
vraiment efficace, Apple a suivi au dernier trimestre. Longtemps inaccessible, cette technologie s'est démocratisée à vitesse grand V tout au long de 2020.

Et de ce côté, ce sont les constructeurs chinois, comme Huawei et Oppo, qui tirent le mieux leur épingle du jeu. Avec un modèle à moins de 100 euros, le Freebuds 3i, succédant à l'imparfait Freebuds 3, le constructeur fait jeu égal avec les meilleurs sur l'ANC, chose impensable fin 2019. Pour un peu plus, autour des 150-180 euros, nous avons déjà ce qui aurait été un très haut de gamme il y a à peine un an. En montant en gamme, la technologie s'affine un peu, et ce sont les autres points (autonomie, son, IPX7, etc.. ) qui permettent au produit de se détacher. Ainsi, l'ANC n'est pas encore un standard, mais il a toutes les armes pour l'être.

Le haut de gamme n'a, de son côté, pas totalement réagi, si ce n'est via le réveil de nouvelles marques sur ce marché, comme Devialet, Technics ou encore Grado.

La démocratisation totale viendra très probablement de solutions clés en main, comme ce que propose de plus en plus Qualcomm. Au lieu d'engouffrer une montagne d'argent en R&D, afin de rattraper sans espoir un Sony, un Bose ou un Apple sur le traitement ANC, le géant propose aux "petits constructeurs" de véritables puces prêtes à l'emploi. Une marque ayant de bons transducteurs ? Qualcomm peut maintenant fournir une puce Bluetooth avec traitement sonore complet : synchronisation droite/gauche, conversion, amplification, réduction de bruit active, réduction de bruit en kit main-libre, adaptativité du son suivant l'oreille de l'utilisateur, etc.  Une bonne nouvelle pour la diversité des marques en audio.

Difficile de connaitre l'avenir sur le True Wireless, si ce n'est la démocratisation de l'ANC donc. Passé cela, l'avenir est un peu flou. Une
nouvelle fonction, s'axant davantage vers la santé ? La norme IPX7 ? Les
tendances arriveront sans doute lors du CES. Mais surtout, le Bluetooth LE
Audio risque de jouer le métronome dans les années à venir.

Casque, le haut de gamme qui annonce la foudre

À l'inverse des True Wireless, le casque Bluetooth n'a pratiquement pas bougé. Des modèles intéressants sont bien arrivés, permettant de constater que, dans ce secteur aussi, l'ANC devenait une quasi-obligation,
que ce soit dans l'entrée de gamme (comme avec le SoundCore Q20 ou Q30) ou autour des 100-150 euros (Philips PH805 par exemple). Rien qui ne dessine totalement l'avenir de ce produit déjà mature.

Sony a péniblement mis à jour sa gamme 1000X, avec un WH1000Xm4
certes très bon mais tout de même peu innovant, Bose n'a rien proposé, et aucune marque n'a vraiment émergé, si ce n'est Huawei (avec le très bon Huawei Freebuds Studio).

Aucune nouveauté, à une nuance colossale près : Apple. Seule marque pouvant à elle seule orienter tout un secteur, le géant de Cupertino a sorti son très attendu casque Airpods Max en toute fin d'année. Par cette seule action, la marque a légitimé le marché du casque Bluetooth ANC, en le remettant immédiatement sur le devant de la scène. Difficile de dire si cela lancera un marché très haut de gamme, ou si cela déclenchera un simple rebond du marché ANC, mais les bases sont posées. True Wireless pour la légèreté, casque pour un son plus haut de gamme et plus de luxe ? C'est ce qui ressort, tardivement, de l'année 2020.

Enfin, dans ce qui n'est pour le moment qu'une micro-niche, quelques constructeurs Hifi commencent à créer un marché du casque Bluetooth
Hifi, ou casque Bluetooth de salon, suivant les visions de chacun. Audeze avec son Mobius et son Penrose, modèle gamer mais fonctionnant en Bluetooth, Hifiman avec son haut de gamme Ananda BT (autour de 1 200 euros) et son Deva à 300 $, Grado avec son GW1 (même si sorti un an avant), ou encore le très ambitieux THX Panda, véritable succès sur Drop (anciennement Massdrop). Une année charnière pour le secteur nomade donc, s'axant sur la démocratisation et non sur de pures innovations.

L'univers de salon, un enjeu immensément connecté

La longue bataille des assistants

Alors que le nomade vit une existence très dynamique, l'année 2020 a été beaucoup plus calme pour l'univers sédentaire. Là non plus, pas de véritables évolutions, mais des tendances s'affinant toujours un peu plus, sans changement notable. Et, surtout, l'arrivée des consoles next-gen dans les foyers, ouvrant la voie à quelques évolutions, en particulier sur l'audio 3D.

Premier enseignement de l'année, une consolidation attendue de l'univers connecté. Apple, avec ses enceintes connectées : Homepod Mini, montre que le son connecté concerne maintenant toutes les gammes de prix, même de son côté.

Plus encore que le son, ce sont les fonctions qu'il aura fallu mettre en avant en 2020, placer son assistants vocal maison pour gagner la
bataille de géant entre Google, Apple et Amazon. Ce type de produit est démocratisé chez les technophiles, mais pas encore pour les utilisateurs lambda.

Derrière tout ceci, le concept d'enceintes intelligentes va bien plus loin qu'un concept sonore. Le son est un argument oui, parfois un argument très solide, que l'on tente de rendre plus attractif via une bonne qualité, l'appairage stéréo, le Dolby Atmos, le multiroom, etc. mais il sert avant tout, pour les marques, comme d'une élégante porte d'entrée à un univers domotique, l'accès à toute la maison de l'utilisateur à plus ou moins long terme. Cela n'a rien d'un secret, 2020 étant dans la continuité des années précédentes.

Lampes connectées, capteurs en tout genre, appareil électroménager,
l'enceinte constitue le cerveau central, ou l'un des cerveaux de la révolution domotique. La mode semble alors (ce qui est le cas en cette fin d'année), vers des produits plus simples et plus compacts venant des géants responsables des assistants, et vers des produits de plus en plus qualitatifs chez les autres constructeurs.

Les marques Google, Amazon et Apple restent sur des produits pas trop ambitieux sur le plan sonore, mais complets, avec un service de musique en fond, et un écosystème verrouillé mais attirant.

En marge, et indépendamment ou presque des assistants, les autres marques développent leur univers multiroom/connectées dans un chaos ne s'étant toujours pas, même en 2020, organisé. Des applications et technologies plus ou moins propriétaires (univers Sonos, système Heos, Yamaha Cast, DTS Play-Fi, etc…), des compatibilités plus ou moins grandes avec les protocoles déjà en place (DLNA/UPnP, Airplay, Google Cast, Spotify Connect), les assistants pouvant être intégré, ou vecteur de pilotage des produits. Le marché connecté est à ce titre extrêmement
englobant, et pas aussi mature qu'on pourrait le croire. Entre des enceintes clés en main, et un haut de gamme Hifi voulant s'affranchir des nombreux et volumineux composants, comme ce que fait Kef avec ses fabuleux LS50 Wireless II, le marché possède des tendances, une dynamique imperturbable, mais s'inscrit avant tout sur le long terme.

La Next-Gen, accélération 3D ?

Alors que le concept de Atmos ou de DTS:X est à peu près connu du grand public, il n'est pas démocratisé pour autant. Le moyen de plus simple est pour cela de proposer des produits universels, avec des solutions toutes prêtes, liées à des produits parfaitement identifiables.

C'est par ce biais que les nouvelles consoles, en première ligne, pourraient faire avancer le secteur audio 3D, comme la PS2 avait pu démocratiser le DVD, et la PS3 le BLU-RAY. Ici, nous parlons d'un principe un peu plus englobant, mais toujours avec des technologies différentes s'affrontant.

Cette démocratisation a déjà été en partie effectuée par les barres de son, beaucoup plus simples et moins couteuses qu'un vrai système surround
ou atmos, mais la vraie 3D passera quant à elle par l'utilisation du casque
Audio. Plus simple à mettre en place, une 3D sur casque s'affranchit des
multiples dispositions d'une pièce. Il suffit pour cela de transformer un signal multipiste, avec objet sonore ou non, en un signal stéréo adapté. Nos deux oreilles suffisent pour notre environnement sonore 3D réel, un signal stéréo est donc suffisant.

Plusieurs technologies s'affrontent ainsi et, paradoxalement, ne révolutionneront pas le casque en tant qu'objet, mais la manière d'aborder le son. Certains se basent sur une technologie déjà existante, comme le Dolby Atmos for Headphones, ce que propose Microsoft avec Windows 10
ou sa Xbox (avec licence payante).

Autre solution, toujours dans la même idée, développer son propre système sonore, destiné à son écosystème. Sony, pas le dernier à vouloir
créer des solutions propriétaire, propose par exemple le 360 Reality Audio pour la musique, concept pas extrêmement convaincant et n'ayant pas vraiment décollé en 2020, mais toujours un principe misant sur l'avenir. Mais surtout, sa Playstation 5 sert de support à son traitement Tempest, fonctionnant sur la même base que le Dolby Atmos For Headphones. N'importe quel casque stéréo peut fonctionner si raccordé à la PS5, en filaire ou en sans-fil (via un dongle compatible). Preuve que le casque est prioritaire ici, le traitement Tempest n'est pas encore déployé pour les enceintes.

Pour le moment à ses balbutiements, le traitement 3D vraiment cohérent et grand public, sur console donc (impossible de penser plus grand public), devrait montrer son plein potentiel dans les premières années des
consoles, 2021 et 2022 donc, pour faire passer ce qui ne ressemble encore qu'un effet wahou au statut d'incontournable option immersive. Reste que la révolution, ses bases, ont bien été plantées en 2020.

Une révolution auquel Apple a pris part à pas de colombes (très grosse colombe), là-aussi dans le courant de l'année, avec l'Audio Spatial. Encore limité à quelques contenus vidéos, avec une ambition assez peu claire, ce traitement très efficace pourrait bien, si intégré à l'Apple TV et aux jeux vidéo iOS/Mac OS, implanter définitivement l'audio 3D dans les usages plus sédentaires. Pour le moment, la preuve que l'audio 3D est déjà à maturité, après des années (voire des décennies) à n'être qu'une émulation poussive à base de réverbérations sonores.

Qu'attendre en 2021 ?

2020 fut, avec les circonstances que nous connaissons, une année bien plus plate qu'elle n'aurait dû l'être, 2021 devrait ainsi être beaucoup plus dynamique.

Alors que l'univers de salon devrait rester assez calme, en tous cas dans la continuité, avec un développement assez important de la 3D sonore, notamment poussé par les consoles next-gen, le nomade pourrait bénéficier d'une avancée majeure annoncée au CES 2020 : le Bluetooth LE Audio, auquel nous avons déjà consacré un dossier.

Intégrable à partir du Bluetooth 5.2, le Bluetooth LE Audio est une sorte de nouveau protocole dans le protocole Bluetooth, permettant se servir de la couche Bluetooth Low Energy, habituellement réservée aux objets connectés (type montre) pour l'intégration d'un profil audio. En plus de futurs produits à l'autonomie optimisée, ce protocole beaucoup plus moderne que le Bluetooth utilisé jusque-là risque d'ouvrir la voie à une véritable révolution des usages. Permettant de gérer le multi-flux, le broadcast (envoi/réception à l'aveugle), et des profils avancés (appareils auditifs par exemple), il embarque dans ses valises un nouveau codec obligatoire, le LC3, bien plus optimisé que les SBC, AAC et AptX, le tout avec une latence indécelable. Le Bluetooth LE, plus souple sur les profils, permettra surtout aux écouteurs et casques d'intégrer des fonctions connectées plus poussées.

Il ne faut pas rêver, 2021 ne sera pas l'année de sa pure démocratisation.
Mais, il est presque sûr de voir apparaitre, enfin, les premiers casques et
smartphones compatibles, que ce soit au CES 2021 ou dans le courant de l'année, avec l'intégration des puces Qualcomm compatibles. La standardisation arrivera sans doute en 2022 ou 2023, mais 2021 risque d'être l'année charnière.

Via Qualcomm, le True Wireless risque fort de démocratiser encore plus les modèles ANC, via ses solutions clés en main et ses codecs dédiés. A l'inverse, le marché du casque nomade pourrait bien profiter d'un regain d'intérêt, en particulier sur le haut de gamme. Le fondeur pourrait même amener ses technologies dans les casques audio ANC, histoire de faire rentrer des marques plus "audiophiles" dans la danse, comme cela commence à être le cas pour les écouteurs.

Pour le marché des enceintes, difficile d'imaginer de vrais perspectives, si ce n'est le rapprochement de plus en plus important avec le secteur domotique, bataille de standards avant tout. En marge, le petit marché filaire, casque et enceinte, continuera toujours d'évoluer dans sa niche, lente mais imperturbable, la Chifi (chinese Hifi, très présente sur les écouteurs et baladeurs audiophiles) ayant suffisamment bousculé le secteur pour lui donner un peu d'intérêt.

2020 classique, 2021 innovant ? c'est que ce nous souhaitons.