Cela fait déjà une décennie que l'ancien directeur opérationnel a succédé à Steve Jobs. C'est l'occasion pour nous de revenir sur les changements discrets mais importants qu'a apporté Tim Cook au sein d'Apple.
Le 24 août 2011 Steve Jobs annonçait sa démission de son poste de CEO d'Apple suite à ses ennuis de santé. Il annonçait dans le même temps que Tim Cook, son fidèle bras droit en charge des opérations prenait les rênes d'Apple.
Si la nouvelle n'était pas une surprise, beaucoup s'inquiétaient du profil extrêmement lisse du nouveau patron, à l'opposé de celui de son bouillonnant mentor, et prédisaient la fin de l'âge d'or du constructeur californien.
Une prise de pouvoir discrète
Les deux premières années de Tim Cook à la tête d'Apple furent effectivement difficiles.
Si les ventes des différents appareils sortis en 2012 et 2013 ont été très satisfaisantes, Tim Cook a eu du mal à sortir de l'ombre de Steve Jobs durant les premiers mois.
Ses prestations sur scène furent loin d'être aussi marquantes que les one-man show du fondateur d'Apple et personne aujourd'hui ne se souvient des présentations soporifiques de l'iPhone 5 ou de l'iPhone 5C.
Pourtant en coulisses l'homme a opéré quelques changements radicaux. En premier lieu Tim Cook a fait partir Scott Forstall, le vice-président en charge du logiciel de l'époque et « papa » d'iOS suite au lancement calamiteux de l'application Apple Plans.
iOS 7 en 2013 est également un vrai tournant pour Apple, avec l'adoption marquée du « flat design », très en vogue à l'époque et l'abandon total du skeuomorphisme, un design qui reproduit fidèlement les objets du quotidien et dont Steve Jobs était extrêmement friand.
Quelques nouveaux produits marquants…
On a beaucoup dit de Tim Cook qu'il n'était pas un homme de produit. Steve Jobs ne s'était pas fait prié, dans la biographie qui lui est consacrée, pour livrer la même analyse. Tim Cook lui-même l'admet et a décidé d'une gestion collégiale de la société pour se concentrer sur son domaine de prédilection : la gestion opérationnelle et financière d'Apple.
Dire pourtant qu'Apple ne produit plus rien sous l'ère Cook est toutefois injuste car Apple a sorti plusieurs produits qui se sont vendus à des centaines de millions d'exemplaires et qui n'ont pourtant pas été tamponnés par Steve Jobs.
Le premier sont évidemment les AirPods, sortis à la fin de l'année 2016. Les écouteurs sans fil ont été moqués lors de leur présentation et comparés à de simples coton-tiges hors de prix mais cinq ans après, les AirPods et AirPods Pro sont l'un des succès les plus éclatants de l'Apple de Tim Cook, avec des ventes qui avoisineraient les 120 millions d'exemplaires pour la seule année 2020.
L'Apple Watch est également l'autre réussite de Tim Cook sur le plan matériel. La montre connectée a connu un démarrage poussif, la faute à un lancement désastreux et un marketing axé sur le luxe qui a découragé les fans de la marque. Le constructeur a néanmoins très vite revu sa copie avec de nouveaux modèles pensés pour le sport et la santé qui ont manifestement trouvé leur public. Aujourd'hui Apple aurait vendu 100 millions d'Apple Watch dans le monde et avec plus d'1 milliard d'iPhone en circulation, la marge de croissance reste très importante pour le constructeur.
…et quelques échecs
Tout n'est pas parfait sous l'ère Tim Cook et le nouveau CEO a subi quelques revers.
On peut évoquer le cas du HomePod, cette enceinte connectée haut de gamme qui n'a clairement pas rencontré son public. Censée révolutionner le son dans la maison, le produit a été discrètement abandonné en mars 2021, remplacé par un HomePod mini moins cher mais aussi moins ambitieux.
La refonte des Apple Store est aussi une épine dans le pied de Tim Cook. En embauchant Angela Ahrendts, la CEO de Burburry, le nouveau patron avait l'ambition de transformer les magasins en espaces de vie et de découverte et de fusionner le magasin en ligne avec le site en web.
Si les derniers points de vente, comme celui situé à Paris sur les Champs-Elysées, sont très réussis d'un point de vue architectural, les vendeurs se sont plaints d'un lien perdu avec des clients incapables d'en comprendre le fonctionnement ou tout simplement d'acheter un accessoire sans passer 20 minutes à courir après un vendeur (à l'instar de l'auteur de ses lignes). Les Apple Store sont désormais plus des lieux de passage, pour suivre une formation sur un logiciel, qu'un simple magasin où l'on peut rapidement acheter des produits flanqués d'une pomme.
Angela Ahrendts a depuis quitté Apple et l'onglet « Store » est réapparu sur le site de la marque, comme un aveu d'échec.
Cap sur les services !
iCloud et l'App Store restent les vaches à lait d'Apple sur le plan des services mais Tim Cook n'a eu de cesse que de multiplier les offres de contenus et les abonnements pour consolider son écosystème.
On peut citer évidemment Apple Music, désormais deuxième service de streaming musical loin derrière Spotify, mais aussi les lancements d'Apple Arcade et son offre de jeux vidéos mobiles ou encore Apple TV+ pour le streaming video. Apple Fitness+, le petit dernier, permet quant à lui aux utilisateurs d'Apple Watch de bénéficier de cours de sport à la maison.
Apple n'hésite plus à sortir de ses domaines de prédilection et s'illustre également du côté du paiement mobile avec Apple Pay mais aussi Apple Card, une carte de crédit réservée pour le moment aux clients américains.
Cette stratégie axée sur les services fonctionne parfaitement et au trimestre 2021, cette activité représentait à elle seule 17,5 milliards de dollars et 21% du chiffre d'affaires total de la marque.
Le héros de Wall Street
Tim Cook est un homme de chiffres et l'a brillamment démontré en une décennie avec une valorisation d'Apple multipliée par sept à près de 2 500 milliards de dollars à l'heure où nous écrivons ses lignes. Le chiffre d'affaires de l'année fiscale 2021 sera probablement le meilleur résultat jamais enregistré dans l'histoire d'Apple, avec un dernier trimestre 2021 au-dessus de la barre des 100 milliards de dollars de chiffre d'affaires, une première historique pour le groupe.
On a pu dire à l'époque que Steve Jobs gérait Apple comme une immense start-up. Tim Cook lui en a fait une multinationale, plus classique, plus ennuyeuse peut-être aussi, mais avec une stratégie commerciale absolument imparable et dont la croissance semble aujourd'hui inarrêtable.
Une image publique de plus en plus assumée
Tim Cook est l'antithèse de Steve Jobs, avec un profil plus terne voire « ennuyeux » selon d'anciens collaborateurs.
Pourtant l'homme s'affirme de plus en plus comme la voix d'Apple et n'hésite plus à monter en première ligne pour défendre les grands principes de la marque comme le respect du droit à la vie privée. C'est ainsi lui qui s'est opposé au FBI lorsque l'administration exigeait d'Apple une porte dérobée pour accéder aux informations personnelles d'un individu suspecté de terrorisme.
Tim Cook est également un des rares capitaines d'industrie homosexuel a avoir fait un coming-out public : « Si découvrir que le PDG d’Apple est gay peut aider quelqu’un à s’accepter comme il ou elle est, permettre à quelqu’un de se sentir moins seul, ou donner envie aux gens de lutter pour l’égalité, alors ça vaut bien la peine que je sacrifie ma vie privée », écrivait-il alors dans une tribune publiée par Bloomberg. Un choix personnel qui va de paire avec les intentions de son entreprise dont la communication se veut toujours inclusive de la publicité aux keynotes.
Apple a su, sous sa présidence, mettre plus de femmes et de membres de l'équipe issus des minorités sous le feu des projecteurs lors des grands-messes de la marque.
2021 marque le point de départ d'une nouvelle décennie pour l'Apple de Tim Cook, qui sera aussi la dernière. Il y a quelques mois le dirigeant confiait qu'il ne serait plus à la tête du groupe d'ici 10 ans. Charge à lui désormais de lancer les prochains projets stratégiques du constructeur, possiblement dans les secteurs de la santé ou l'automobile comme la rumeur l'évoque depuis de nombreux mois, et d'organiser sa succession.
Jeff Williams, actuel directeur des opérations et au profil calqué sur celui de Tim Cook, serait le plus pressenti pour le poste mais nous n'en sommes pas encore là et il reste encore quelques années à l'actuel CEO pour préparer le futur d'Apple.