Patrick Drahi : l'homme à la dette de 45 milliards d'euros

Karyl AIT KACI ALI
Publié le 19 janvier 2016 à 09h56
Patrick Drahi n'est pas un nouveau venu dans les Télécoms mais a su se faire discret. Jusqu'au rachat de SFR par Altice, la maison-mère de Numericable. A présent l'un des hommes les plus riches de France, le patron continue d'afficher sa réussite, malgré des critiques sur son attitude jugée offensive et sa capacité à faire face à d'importantes dettes.

Financer des rachats, créer un empire à coup d'investissements massifs... et générer des dettes importantes. Le modèle de Patrick Drahi peut être qualifié de risqué. Le patron d'Altice, propriétaire de Numericable et SFR doit en effet, à chaque rachat de taille, rationaliser les comptes d'entreprises.

Depuis le rachat de SFR par Altice, la maison-mère de Numericable, à la barbe de Bouygues, Patrick Drahi est sur les devants de la scène. En effet, Numericable a absorbé le géant SFR, propulsant le dirigeant à la tête d'un nouveau titan des télécommunications.

Principal actionnaire d'Altice (52% environ), la maison mère de Numericable, Patrick Drahi est un entrepreneur acharné, un homme discret mais non moins influent. Le magazine Challenges le place en sixième position des plus importantes fortunes de France. Le magazine estime d'ailleurs sa richesse à plus de 16 milliards d'euros. Loin devant les autres, mais talonné par Xavier Niel du groupe Iliad (Free et Free Mobile). Il est également la plus grande fortune française dans le secteur des nouvelles technologies et des télécommunications.

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Patrick Drahi est né à Casablanca, de parents professeurs de mathématiques. À 12 ans déjà, il corrige les copies d'élèves de 3e. Le jeune surdoué poursuit ses études à l 'école Polytechnique, avant de rejoindre Telecom Paris. Après un stage de six mois, il travaille pendant deux ans sur les télécommunications à distance pour le compte de Philips. Mais le jeune homme rêve d'autre chose. Très vite, il va s'intéresser au business et lancer sa propre entreprise.

Patrick Drahi décide donc d'investir le secteur du câble, et crée le câblo-opérateur SudCâble Services grâce au soutien de l'américain Intercomm. Après avoir déployé son réseau en Provence, il lance un autre opérateur, Mediaréseaux, et câble Marne-la-Vallée. Le business du jeune investisseur se développe jusqu'en 1999, lorsqu'il cède ses sociétés à UPC, puissant câblo-opérateur américain. À la veille de l'éclatement de la bulle Internet des années 2000, Patrick Drahi touche ses premiers millions. De son côté, la société UPC déposera le bilan seulement quelques mois plus tard.

Le goût du risque

Patrick Drahi réalise la bonne opération au bon moment. Un mouvement décisif, l'homme d'affaires, que l'on surnommera plus tard le « roi du câble », et qui réalise là l'une de ses plus belles opérations. Il va poursuivre sur sa lancée quelques années plus tard. Dans les années 2000, le secteur du câble s'effondre, peu croient encore en son potentiel, à l'exception de Patrick Drahi. En 2001, il crée Altice et rachète les câblo-opérateurs français les uns après les autres, jusqu'à en contrôler presque l'intégralité 6 ans plus tard. Il s'offre notamment France Télécom Câble, Noos, puis Numericable.

Patrick Drahi est un entrepreneur hors pair. Dur en affaires, déterminé, et sachant tout à fait comment obtenir ce qu'il veut, il n'hésite pas à prendre des risques, en investissant de manière presque compulsive. Ses ambitions sont vastes. Le « roi du câble » ne veut pas se contenter de la France mais compte bâtir un empire hors de nos frontières. Ainsi, il rachète des câblo-opérateurs portugais, africains, israéliens.

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En 2015, l'homme d'affaires a même racheté deux câblo-opérateurs américains, Suddenlink Communications et Cablevision. Il s'offre également des médias, comme le groupe Roularta, propriétaire de l'Express notamment, ou Libération (dont il acquiert 50%), ainsi que le groupe NextRadio TV, propriétaire, entre autres, de BFM TV et RMC. Une poussée acheteuse qu'il devra rembourser.

Les dettes s'accumulent

Pour financer ces nombreux rachats, l'entrepreneur cumule les dettes. À titre d'exemple, le rachat du géant SFR le contraint à s'endetter à hauteur de 8 milliards d'euros environ. Mais Patrick Drahi n'en est plus à son coup d'essai. Il va appliquer le même régime aux structures qu'il acquiert : rationalisation et recherche de bénéfices. Sous son giron, les entreprises débutent une cure d'amaigrissement en termes de dépenses. Son objectif est également de rendre complémentaires les structures rachetées. Des synergies sont alors activement recherchées entre les offres redondantes, celles qui ne sont plus assez rentables... La recherche de la rentabilité devient le leitmotiv des entités nouvellement acquises.

En outre, l'homme d'affaires est un habitué des montages financiers. Le financement du rachat de SFR serait un LBO (Leverage Buy-Out). C'est-à-dire que les intérêts de l'emprunt nécessaire à l'acquisition d'SFR devraient être remboursés grâce aux remontées de dividendes en provenance de l'opérateur mobile. Une opération comptable qui doit en principe permettre à Numericable de faire financer une partie de son achat par SFR lui-même.

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Jusqu'à maintenant, cet alchimiste des chiffres transformait tout ce qu'il touchait en or. Mais les tours de passe-passe de Patrick Drahi ont aussi leurs limites. Après le rachat de Suddenlink Communications et Cablevision, le total des dettes accumulées par Altice dépasse les 45 milliards d'euros. De sorte que les investisseurs boursiers commencent à se méfier de la stratégie du roi du câble.

Plus précisément, ils doutent de la capacité du nouveau géant des télécommunications SFR-Numericable à créer de la valeur dans un marché de plus en plus complexe et concurrentiel. Le roi, ou plutôt le magicien du câble a-t-il trouvé ses limites ? Ou va-t-il, comme à son habitude, parvenir à dégager de nouveaux atouts ? En dépit des difficultés, Patrick Drahi, ambitieux génie de la finance, a réussi son pari d'entrer au classement Forbes des hommes les plus riches du monde. Il en occupe actuellement la 57e place.


Ce portrait fait partie d'une série portant sur les dirigeants importants de la sphère numérique. Retrouvez d'autres numéros :
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