Les communications en entreprise évoluent à petites touches. Hier incontournable, la combinaison téléphone fixe/e-mail, déjà mise à mal par l'arrivée du téléphone mobile, pourrait dans les prochaines années, céder sa place à un outil de communication encore plus intégré et plus riche en fonctionnalités : les communications unifiées (CU).
Autour de la voix sur IP, que de nombreux éditeurs définissent volontiers comme un « socle », ont été agrégés d'autres moyens de communication : l'e-mail, la messagerie instantanée, la messagerie unifiée (un outil qui permet, notamment, de recevoir un message vocal sur un e-mail), la visioconférence, les conférences web et la présence (la disponibilité d'un contact). Editeurs et fabricants ajoutent désormais deux briques supplémentaires : le partage de documents et les réseaux sociaux.
La construction de cette offre trouve ses origines dans plusieurs phénomènes. « Je pense que les communications unifiées sont surtout le fruit de la multiplicité des terminaux. Avant, nous avions un seul PC, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Certains managers possèdent jusqu' à sept terminaux ! », explique Luc Haillon, directeur du développement chez Mitel, fournisseur de solutions dédiées. « Par le passé, nous avons utilisé des services comme MSN, des Blackberry, puis des iPhone. De nos jours, il y a davantage un besoin d'instantanéité, le besoin d'être contacté en tous lieux et en toutes circonstances. Je dois avoir une réponse immédiate à mes questions et savoir qui est disponible et qui ne l'est pas ». Entre acteurs du marché, la définition des communications unifiées varie peu.
« Chez Avaya, nous parlons de communications et de collaboration », précise Edouard de Fonclare, directeur général d'Avaya France. « La téléphonie est le socle. Elle est enrichie avec des informations présentielles. (...) En fonction du service et du terminal, cela permet aux utilisateurs d'ouvrir une session audio ou de partager des documents ». Chez Cisco, on préfère davantage insister sur le passage aux communications en temps réel. « Qu'il s'agisse de la voix, de la vidéo, de la messagerie instantanée ou du partage de documents, tous ces services permettent de communiquer en temps réel », explique quant à lui François Moïse, responsable de la collaboration et des communications unifiées chez Cisco France.
Les conclusions ne sont pas différentes chez IBM. « Avec les communications unifiées et la collaboration, nous répondons en fait à une question : comment puis-je communiquer en temps réel sans attendre. C'est la principale différence avec les modes de communications asynchrones », indique Thierry Batut, responsable vente Social Communications au niveau Europe chez IBM. Plus lapidaire, Etienne Lacourt, chef produit en charge des communications unifiées chez Microsoft, rappelle qu'il n'y a pas forcément lieu de parler d'invention au sens strict. « Il s'agissait uniquement de faire converger des moyens de communication qui jusqu'à maintenant étaient en silo ».
Des PME aux grands comptes...
L'intérêt pour ce mode de communication est réel, aussi bien chez les grands comptes que chez les PME. « Si j'ai une entreprise de plus de 300 personnes réparties sur plusieurs sites et une centaine de clients dans différents pays, j'ai plutôt intérêt à choisir une solution qui me permet de travailler avec plusieurs médias », estime Thierry Batut. « Sur ce sujet, il n'y a plus de fracture entre les entreprises », assure Cédric Parent, directeur en charge des communications unifiées chez Orange Business Services (OBS). « Les entreprises entre 10 et 10 000 salariés ont de plus en plus besoin de téléphonie, de messagerie instantanée et de vidéo ».Une bonne partie des acteurs du marché s'accordent pour dire que désormais, les CU concernent tout autant les grands groupes que les PME. Les éditeurs, qui l'ont bien compris, ont rapidement adapté leurs offres. Pour Luc Haillon, « il n'y a plus vraiment de typologie d'entreprises qui choisissent des outils de communications unifiées. Tous les acteurs ont fait des efforts pour proposer aux PME des fonctionnalités qui jusque-là étaient en option ».
L'appétence des PME pour les CU semble se confirmer, même si de fortes disparités demeurent. Ces derniers mois, « on a assisté à un rattrapage du milieu de marché », constate Bruno Teyton, consultant chez IDC. « Sur le segment de la messagerie unifiée, il y a peu de différence entre les grands comptes et les PME. En visioconférence, les grandes entreprises restent majoritaires ». La récente étude menée auprès des PME par le cabinet Frost & Sullivan pour Aastra révèle quelques données intéressantes. 83% des entreprises de taille moyenne déploient des briques d'audioconférence et 81% des solutions de VoIP. 69% des PME choisissent des solutions de messagerie unifiée et elles sont 66% à opter pour des services de convergence fixe mobile. La visioconférence sur le bureau semble, pour le moment, susciter une adhésion mesurée. En effet, 41% des PME interrogées ont indiqué avoir adopté la visioconférence sur le poste de travail.
Interopérabilité et pérennité de l'existant ?
Lorsqu'il s'agit de déployer des solutions de CU, les cas sont différents. Rares sont les entreprises qui choisissent l'ensemble des briques. « Les entreprises ne prennent pas toutes les solutions dès le départ », explique Axel Perret-Gentil, directeur des ventes télécoms chez Sennheiser Communications. Certaines briques sont plus utilisées que d'autres. « La téléphonie est le service le plus employé », précise Edouard de Fonclare. La présence et la messagerie instantanée se développent beaucoup aussi.
Chez Mitel en revanche, on note que la messagerie unifiée est le service le plus couramment mis en place. Ces choix, sont, d'une part, dictés par les métiers mais également par l'existant des entreprises. Les grands comptes dotés de plusieurs sites et de plusieurs milliers de salariés ne déploieront pas leurs outils de CU de la même manière qu'une PME de 100 salariés dotés de locaux dans la région de Tours. « Pour une grande entreprise il y a un existant », explique Cédric Parent. « Une structure qui a fait des acquisitions dispose de plusieurs systèmes différents, de plusieurs outils de messagerie unifiée et de messagerie instantanée. C'est un vrai sujet ». À cela s'ajoutent d'autres paramètres.
Certaines entreprises disposent de contrats et d'équipements en fin d'amortissement. Les grands groupes doivent évidemment prendre ces éléments en compte. Chez Cisco, on estime que raisonner en termes de « briques » doit permettre aux entreprises d'intégrer plus aisément les solutions souhaitées dans le système d'information (SI). « La voix, la vidéo ou la présence sont des services qui peuvent être installés individuellement », estime François Moïse. « En fait, il s'agit d'intégrer ces applications dans le système d'information. Ajouter un serveur et les applications souhaitées » est suffisant.
Un avis partagé par Edouard de Fonclare. « Les communications unifiées ne redéfinissent pas l'infrastructure. Elles doivent s'y intégrer. (...) Ces nouveaux outils reprennent ce qui existe », estime le responsable. Pour les PME la situation est différente. Dotées, dans de nombreux cas, de systèmes d'information plus légers, les structures de moyenne taille sont en mesure « d'absorber » plus aisément de nouvelles solutions.
Dans tous les cas, qu'il s'agisse de grandes structures ou de PME, le SI est amené à évoluer. « Pour intégrer des CU dans le système d'information, il y a évidemment besoin de faire évoluer son SI », indique Bertrand Pourcelot, directeur général de Centile. Pour ce dernier, l'une des questions les plus importantes qui doit être posée est celle de l'interopérabilité. « Il s'agit d'un vrai challenge. Dans les entreprises, les équipements sont de plus en plus hétérogènes. Il devient difficile d'imposer un système, à part pour certains milieux très spécifiques comme les banques ».
L'intégration d'une solution de CU dans un SI, ajoute logiquement un défi supplémentaire à des directions déjà très sollicités. Au moment du déploiement de solutions de communications unifiées, les impératifs techniques voisinent avec les besoins métiers.
« Les DSI se demandent comment faire pour migrer vers le cloud et continuer à faire fonctionner certaines applications sur leur infrastructure Internet », indique Cédric Parent. Le statut d'opérateur-intégrateur d'OBS pousse les DSI à poser des questions sur le meilleur constructeur, sur le nombre de fournisseurs à choisir. « L'un de nos clients avait des produits Polycom et Cisco. Il y avait bien sûr des relations contractuelles. Ce qui ajoute un peu plus de complexité. , les clients veulent une aide sur le schéma directeur. Ils ne perçoivent pas totalement le problème des communications unifiées ».
Certains DSI s'interrogent sur les fonctionnalités du produit qu'ils s'apprêtent à sélectionner. « La première question que nous posent les DSI est relative au fonctionnement de la solution envisagée », précise Edouard de Fonclare. « Ils veulent avoir un maximum d'information sur les potentialités du produit que nous leur proposons : savoir s'il peut gérer la vidéo, la présence et l'audio ». Pour d'autres responsables d'infrastructures informatiques, les premières questions sont davantage liées aux besoins métiers. « Ils se demandent comment offrir des services à tout le monde de façon homogène en tenant compte de la montée des usages grand public », ajoute, quant à lui, François Moïse. « Le DSI voit venir vers lui des gens qui viennent avec leur tablettes, leur smartphone ou leur PC perso et qui veulent pouvoir utiliser les nouvelles solutions sur leurs équipements ».
Les Ressources Humaines s'y intéressent aussi
Les DSI ne sont toutefois pas les seuls à être sollicités. A l'instar du BYOD (Bring Your Own Device), d'autres directions s'intéressent également aux CU et à leur impact sur l'organisation du travail. « La direction commerciale et les ressources humaines veulent s'assurer que les salariés disposent d'un outil capable de les aider à travailler plus simplement à distance. A ce titre, la mobilité est primordiale. Ces directions veulent notamment s'assurer qu'un smartphone relié à un réseau 3G puisse utiliser ce réseau pour gérer de la vidéo », précise Frédéric Batut. « Il faut souvent intégrer les ressources humaines dans la réflexion lorsqu'il est question de communications unifiées. Lorsque certaines entreprises changent d'immeuble ou que les gens sont amenés à travailler à distance pour éviter de se déplacer dans des quartiers jugés peu sûrs » , les ressources humaines ont leur mot à dire.
La mobilité, un enjeu de taille
Les CU prennent désormais en compte la mobilité. « C'est un critère d'adoption et de choix », explique Etienne Lacourt citant l'exemple d'un de ses derniers clients en date, le groupe PSA. « Pour ce groupe, il s'agissait de gagner en mobilité et de réduire les déplacements ». Cette logique est également partagée par les administrations publiques comme les conseils généraux. Les solutions de communication prennent en compte la diversité des équipements et des écosystèmes. Chez Microsoft, par exemple, on annonce une compatibilité avec les terminaux sous Windows Phone 8, iOS ou Android. « L'expérience et la logique de navigation est adaptée au terminal », prend soin de préciser Etienne Lacourt. Chez Mitel, on souligne que les solutions sont compatibles avec des environnements Blackberry, iOS et Android. « La mobilité est essentielle », martèle Luc Haillon. La solution CU de Mitel a récemment intégré les solutions de visioconférence de Vidyo. Avec cet outil, il est possible de rendre fluide la vidéo sur tablette.
Optimiser les coûts et intégrer plus de fonctionnalités
Les communications unifiées touchent différents types d'entreprises. Pixmania, le géant de la vente en ligne n'y a pas échappé. L'entreprise, avant de se lancer, était déjà équipée d'un PBX de marque Alcatel avec des postes analogiques et quelques postes IP mais ne disposait pas d'un standard. « Avant de nous lancer nous voulions répondre à plusieurs questions : comment optimiser les coûts ? Comment homogénéiser notre parc et enfin, intégrer plus de fonctionnalités », indique Tristan Balozian, directeur général d'e-merchant, une filiale du groupe Pixmania. La transformation des communications pour le groupe est loin d'être une question anodine. Tous les mois, l'entreprise paie la bagatelle de 4 000 euros pour ses communications téléphoniques. Une telle économie est essentielle pour le groupe.« Nous sommes une entreprise d'e-commerce. Nous déménageons, nous refondons les équipes », poursuit le responsable. Le groupe veut également s'assurer que ses salariés basés en République Tchèque puissent travailler en toute simplicité. « Nous voulions que nos salariés qui quittent la République Tchèque et viennent à Paris puissent avoir le même outil que leurs collègues, qu'ils n'aient pas le sentiment de quitter leur bureau ».
Après un appel d'offre, l'entreprise décide de quitter Orange, son fournisseur historique, pour Mitel. La solution du Canadien permet au groupe Pixmania de migrer vers une solution de communications unifiées. Sur le plan technique, l'entreprise a virtualisé son serveur, un processus qui s'est fait sans difficulté. Le groupe Pixmania va également avoir accès à la « roadmap » et donner son avis sur les futurs produits développés par Mitel. « Nous pourrons participer et nous exprimer », assure Tristan Balozian.
Plusieurs séances de formation ont été nécessaires pour assurer une conduite fluide du changement. A ce jour, l'entreprise utilise surtout un service : la messagerie unifiée. Elle n'utilise pas encore la présence, par exemple. Selon le responsable, une entreprise qui migre vers un système de communications unifiées doit être attentive à trois points. « L'entreprise doit disposer d'un réseau bien dimensionné, bien penser à collecter ses données du PABX si elle ne veut pas de problèmes par la suite et prévoir un accompagnement ».
Les CU, plus économique ? Difficile de répondre...
Aborder la question financière lorsqu'il est question des CU et, surtout, obtenir une réponse claire s'avère quasiment impossible, du fait, notamment, des besoins et des profils des entreprises. Pour Mitel, la réponse est oui. « On économise sur les frais de déplacement des salariés », explique Luc Haillon. Un avis partagé par Edouard de Fonclare pour qui « l'économie est quantifiable lorsqu'il s'agit de la mettre en face de déplacements physiques. En revanche, l'économie sur la partie opérationnelle est plus difficilement évaluable », reconnaît-il. Chez OBS, on estime qu'il est « difficile de répondre ». « Si une entreprise ne change pas son PABX, ça veut dire qu'elle ne choisira probablement pas d'intégrer une solution de CU avec de la vidéo et de la messagerie instantanée. C'est un sacré risque ! », indique Cédric Parent. En clair, à défaut d'être certain de réaliser des économies, les CU constituent pour les entreprises un pari sur l'avenir.
Les acteurs du marché cherchent à se différencier
Pour répondre à tous ces besoins, éditeurs, fabricants et opérateurs ont développé au cours de ces dernières années, toute une foule de produits destinés à simplifier les communications unifiées. La plupart proposent en grande partie les mêmes outils. Microsoft Lync, perçu comme un outil en mesure de favoriser l'adoption des CU par les entreprises, est souvent cité comme l'une des solutions les plus déployées. « Nous avons fait converger dans notre outil le chat, l'audio et la visio », explique Etienne Lacourt. Ce dernier, prudent, se refuse à indiquer la part de marché de Lync. Le responsable préfère réfuter le qualificatif « majoritaire ». « Il y a un attachement fort à notre partie messagerie pour plein de raisons, notamment le calendrier. Il n'existe aujourd'hui aucune étude qui pointe une part de marché dominante pour Lync ».Entre les différents fournisseurs, la concurrence ne se limite donc pas à la part de marché à proprement parler. Chacun cherche surtout à mettre en avant la spécificité de son produit. Centile par exemple, ne propose pas sa solution, Istra, directement à l'utilisateur final. Ce sont les clients de Centile (opérateurs et hébergeurs) qui la fournissent directement à leurs abonnés. « C'est notre principale différence par rapport aux concurrents. Leur produit peut être installé en mode hébergé. Toutefois, il faut déployer une machine virtuelle pour chaque entreprise. Cela induit une gestion plus complexe. Ce n'est pas le cas de notre outil ».
Le canadien Mitel mise lui aussi sur la simplicité. L'offre contient trois produits : Mivoice, Micollab et Micontactcenter. « C'est très simple à déployer car nous n'installons qu'un seul serveur », assure Luc Haillon. Mitel met également en avant la compatibilité de son produit avec Microsoft Exchange et Lync. Orange Business Services met quant à lui la puissance de son réseau d'opérateur au service de sa solution, Business Together as a Service. « En France, nous sommes les seuls à gérer la voix dans le cloud. Il n'y a que deux ou trois opérateurs dans le monde qui peuvent gérer cela comme nous dans le monde entier », souligne Cédric Parent.
Chez Cisco, c'est la convergence qui est davantage mise en avant. « Nous travaillons beaucoup sur l'aspect technologique de nos solutions », explique François Moïse. « Aujourd'hui, notre travail consiste à (faire fonctionner de manière équilibrée) des éléments voix et vidéo. Les utilisateurs de Communication manager, notre solution, peuvent faire les deux. Nous ne faisons plus de différence entre ces deux briques. Nous sommes capables de fournir cette expérience sur différents systèmes, Windows, Android ou iOS ».
IBM s'appuie notamment sur son statut d'acteur « historique » de l'informatique et de sa maitrise du Web, de la vidéo et de la brique « sociale ». L'offre continue à évoluer. Au cours de cette année, Siemens Entreprise Communication va lui aussi proposer un nouvel outil. Baptisé, pour le moment, Projet Ansible, ce futur outil a pour objectif de faire fondre les barrières entre les différents équipements de communication. L'utilisateur pourra notamment passer un appel vidéo depuis un iPhone puis le poursuivre sur un iPad d'un seul geste.
Freins persistants et passage au cloud
Malgré les avantages que les entreprises peuvent en tirer, les déploiements de CU décollent lentement. Plusieurs facteurs l'expliquent. « Les investissements nécessaires au départ peuvent être importants », assure Bruno Teyton. « Quand on parle vidéo, il est possible que des réinvestissements dans le réseau local soient nécessaires. Toutes les entreprises n'y sont pas prêtes dans un contexte économique tendu comme celui que nous connaissons ». Cette réflexion sur les coûts est également partagée par d'autres acteurs du marché. « Il y a des coûts frontaux qui peuvent sembler importants. Notamment lorsque les entreprises se demandent comment quantifier le retour sur investissement. C'est l'une des principales raisons », commente Edouard de Fonclare.Axel Perret-Gentil estime que les freins sont davantage culturels. « En Europe du Sud, le téléphone fixe est bien ancré. Certes, le passage à la VoIP a fait évoluer les comportements, cependant, dans certaines administrations, il y a encore des résistances ». « Un bon poste téléphonique avec un bon PC, ça marche encore. Nous n'avons pas voulu intégrer de gadget et (...) nous avons également souhaité éviter les problèmes de pertes et les disparitions de micro-casques », assure Tristan Balozian. Luc Haillon considère quant à lui que les entreprises n'ont pas suffisamment pris de recul par rapport aux réponses qu'offrent les communications unifiées. « Il n'y a aucune analyse de la valeur », déplore-t-il, « et pourtant, ça correspond à un besoin ».
Le facteur humain constitue également un élément de blocage, avance Bertrand Pourcelot. « Le changement introduit des réticences. Les secrétaires et les standardistes peuvent, par exemple, être réfractaires au changement de logiciels ». Face à la présence, qui permet d'être disponible quasiment à chaque instant, le téléphone fixe laisse une certaine marge de manœuvre, d'où la frilosité de certaines entreprises ou de certaines administrations. Ces réticences ne concernent pas uniquement le marché français. En Belgique, le CESI, l'équivalent français de la médecine du travail, pense elle aussi à se munir d'une solution de CU. Cependant, la brique présence suscite des craintes, une partie des salariés craignant d'être surveillés.
Pour lever toutes ces inquiétudes, les acteurs du marché multiplient les efforts pour rendre indolore le passage de la téléphonie traditionnelle vers les CU. Une bonne partie des acteurs s'accorde à dire que l'accompagnement au changement est primordial. « Nous avons organisé cinq séances de formations. A chaque fois, 10 salariés étaient présents. Il y a plusieurs référents par service. En cas de doutes, les utilisateurs en difficulté trouvent toujours quelqu'un pour répondre à leurs questions », explique Tristan Balozian.
Chez Microsoft, on préfère penser que les freins disparaitront vite avec la démocratisation de ces solutions. Les ponts jetés entre Skype et Lync devraient permettre aux collaborateurs de se familiariser encore plus rapidement avec les CU.
Les communications unifiées migrent vers le cloud
Les solutions hébergées (dites UCaaS ou Unified Communications as a Service) pourrait encore se renforcer dans les prochaines années. « Aujourd'hui, toute le monde y va », indique Luc Haillon. Pour ce dernier, l'avènement du cloud souverain, notamment en France pourrait encourager les entreprises à adopter ce type de consommation. « Les services qui relèvent de la commodité comme la voix se retrouveront assez vite dans le cloud », veut croire François Moïse. Selon le cabinet IDC, la tendance se dessine assez nettement. « Les grandes entreprises pourraient opter pour des solutions hybrides. Cela leur offrirait un avantage. Elles pourraient déployer certaines briques plus rapidement et conserver le mode traditionnel pour d'autres », prévoit Bruno Teyton.
D'après une étude du Gartner, l'UCaaS pourrait générer des revenus de l'ordre de 2,2 milliards de dollars dans le monde en 2015. « Nous sommes à l'aube d'un nouveau modèle », assure Luc Haillon. Pour autant, la fin du bon vieux téléphone fixe et des PABX est-elle pour demain ? Difficile à prévoir. Le marché mondial du PBX affiche un recul de 10 % au premier trimestre de 2013 par rapport à l'année dernière, à trimestre comparable, selon des données du cabinet Infonetics Research. Les licences des communications unifiées s'envolent avec un chiffre d'affaires en croissance de 21% entre le premier trimestre 2012 et le premier trimestre 2013. En clair, les communications unifiées progressent mais la mort du téléphone n'est pas pour demain.