Les américains s’enflamment sur le look des informaticiens… et des informaticiennes

Anicet Mbida
Publié le 07 août 2015 à 09h58
Peut-on être une ingénieure femme et jolie ? Doit-on bannir le jean et le T-Shirt chez les développeurs ? Deux questions sur lesquelles les américains s'écharpent ces derniers jours.

L'habit ne fait pas le moine. Le look non plus. Mais les stéréotypes ont la peau dure. Surtout quand il s'agit de préjugés entre hommes et femmes dans un secteur comme les technologies numériques. Pour preuve, le hashtag : #ILookLikeAnEngineer qui se répand comme une trainée de poudre depuis quelques jours. On le retrouve associé à une photo de femme, plutôt avenante. A côté, une description de son poste : spécialiste J2EE, développeur Open Source, enseignante. On pourrait le traduire par « Eh oui, je suis bien ingénieur. »






Tout a commencé par une publicité dans le BART, le fameux métro de San Francisco. OneLogin, une startup spécialisée dans la sécurité, utilise les photos de ses développeurs pour sa campagne de recrutement. L'un des développeurs en question est une femme, Isis Wenger, et elle est plutôt charmante.

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A la vue de sa photo, c'est l'emballement. Les messages pleuvent sur Facebook et Twitter. Certains incrédules, « c'est pas à ça que ressemble un ingénieur à San Francisco. » Mais la plupart sont carrément vulgaires, ou tout simplement sexistes : « Euh... Ils veulent attirer des femmes ou des hommes là ? »

Des méthodes de recrutement dignes des films pornos

Le volume de commentaires est tel que certains finissent par arriver aux oreilles de l'intéressée. Choquée, Isis Wenger publie un billet sur Medium où elle rappelle combien ces réactions reflètent le sexisme auquel sont confrontées les femmes du secteur.

« La plupart des gens ne se rendent pas compte de tout ce que nous devons supporter à longueur de journée. Pourtant, je n'ai jamais cherché à attirer l'attention » explique la jeune femme. Elle s'étonne d'ailleurs que la photo d'elle, « habillée, mal coiffée et quasiment sans maquillage » ait créé plus de controverses que d'autres campagnes, dans le même esprit, mais figurant des hommes.

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Le premier débat est donc lancé. Pourquoi a-t-on autant de mal à imaginer une femme à la fois jolie et ingénieure ? La question est d'autant plus retentissante que la misogynie de la Silicon Valley a été plusieurs fois montrée du doigt. Un récent article de Newsweek raconte, par exemple, des méthodes de recrutement « dignes de films pornos » ou encore des hôtesses harcelées dans les conventions technologies. Selon une étude de la Harvard Business Review, 41% des femmes travaillant dans le secteur finissent par l'abandonner, contre seulement 17% des hommes.

Aujourd'hui, seulement 30% de femmes travaillent dans le numérique aux Etats-Unis. Et dans des métiers pointus comme celui de développeur, elles font figure d'exception. Or, selon les spécialistes, évoluer dans un environnement essentiellement masculin favorise les comportements machistes. En France, on trouve encore moins de femmes dans le numériques : 27% selon Syntec. Ces comportements sexistes, existent donc certainement aussi de notre côté de l'atlantique.

Les femmes informaticiennes ne sont pas les seules à créer la polémique sur leur look. Les hommes aussi, mais pour d'autres raisons... énumérées en page suivante.Y aurait-il un lien entre le look et la qualité du travail d'un informaticien ? Un débat lancinant depuis quelques jours aux Etats-Unis. De quoi remettre en question le jean, T-shirt, sweat capuche; le sacro-saint uniforme du développeur.

L'affaire commence fin juillet. Le site The Register dévoile un mémo envoyé aux équipes de la division services de HP. Les employés « ne doivent plus se présenter dans les bureaux en T-Shirt ou avec des jeans délavés ou déchirés, des shorts ou des casquettes, des sandales ou des chaussures ouvertes. » Ce mémo n'est pas destiné uniquement aux forces de ventes. Il cible aussi les équipes de développement et de R&D. Son objectif : préserver une image professionnelle auprès des clients quand ils viennent sur le campus.

Tollé immédiat. Là encore, les messages pleuvent. HP est moqué de toutes parts, accusé de vouloir casser le stéréotype de l'informaticien. « C'est ridicule d'imposer un code vestimentaire à une population qui justement revendique une totale liberté dans la façon de s'habiller » peut-on lire. Certains pronostiquent déjà un exode ses meilleurs éléments. BetaBrand, une startup voisine de la Silicon Valley, se jette sur l'occasion pour rappeler, vidéo décalée à l'appui, qu'elle recrute, et sans aucun « dress code ».


Dépassé, HP tente maladroitement de reprendre la main. Il publie à son tour une vidéo pour assurer qu'il n'impose aucun code vestimentaire « global » dans la société. C'est même Alan May, grand patron des Ressources Humaines qui s'y colle... façon Actors Studio.


Il n'empêche, le mal est fait. Quant à la question du look, elle dévie rapidement vers un débat beaucoup moins superficiel : travaille-on mieux en veste ou en T-Shirt ? Dans les échanges, il y a ceux pour qui c'est évident « une équipe informatique n'est pas une agence de mannequins. Les ingénieurs sont jugés sur la qualité du code produit, pas du code vestimentaire. » D'autres enfoncent le clou, forts de leur expérience avec différents looks. « J'ai travaillé chez NewEgg (nrdlr : vendeur de matériel informatique). Je vous assure qu'on vendait plus avec un T-Shirt que lorsqu'on était obligé de porter une cravate. »

Tout le monde n'est pas du même avis. Pour beaucoup même, un laisser-aller vestimentaire peut être révélateur d'un état d'esprit et d'une certaine attitude au travail. « Cela peut se traduire par de la négligence. Le matin, à la maison, on prend la première fringue qui passe. Et au bureau, c'est pareil, on ne prend pas le temps de relire son code. On l'envoie et on réfléchit après » ironise un responsable d'équipe. Là encore, certains en veulent pour preuve leur propre expérience : « la qualité des outils ne cesse de s'améliorer, pas la qualité du code. Regardez les bugs dans les logiciels commerciaux ! »

Qu'il s'agisse du traitement des femmes, du look stéréotypé des informaticiens ou du lien entre attitude et qualité du travail, le débat gagnerait à être poursuivit de notre côté de l'atlantique.
Anicet Mbida
Par Anicet Mbida

On me présente souvent comme le vétéran de l'informatique et des nouvelles technologies. Ma plus grande fierté ? Avoir gagné le concours des "Deux Lignes" d'Hebdogiciel dans les années 1980 et d’avoir développé des jeux pour UbiSoft quand ils étaient encore installés à Créteil dans le Val de Marne. C’est totalement par hasard que j’ai bifurqué journaliste informatique en 1994, dans un titre de presse professionnelle qui plus est (01 Informatique). Une formidable expérience qui m’a permis de commenter toutes les transformations de ces vingt dernières années et d’interviewer les plus grands : Steve Jobs, Bill Gates, Andy Grove, John Chambers, Larry Ellisson, etc. Ce qui me passionne ? L’impact social des technologies : la façon dont Internet a changé notre façon de draguer, d’acheter, de s’informer ou de se distraire. Ce portable, dernier objet que l'on regarde avant de se coucher, le premier au réveil. C’est probablement pourquoi j’ai créé la chronique Culture Geek sur BFM TV en 2009. Et même si certains ne me connaissent aujourd'hui qu'à travers ce miroir grossissant de la télévision, l’essentiel de mon métier, de mon ADN, a toujours été lié à la presse écrite. Hier comme rédacteur en chef adjoint de 01Net et de 01 Business et Technologies, aujourd'hui comme Rédacteur en Chef de Clubic Pro. N’hésitez pas à me contacter. J’essaie, dans la mesure du possible, de répondre à tout le monde.

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