Enfin l'année des serveurs ARM en data centers ?

Alain Clapaud
Publié le 12 mars 2015 à 10h17
Elles sont enfin disponibles. Les puces ARM multicoeurs 64 bits vont offrir une alternative à x86 et se faire une place dans les centres de données. Les premiers serveurs arrivent, mais les hébergeurs y croient-ils ?

Avec une consommation électrique de 10 W contre 200 à 250 W pour un serveur x86 traditionnel, la quasi-absence de dispositif de refroidissement et une puissance en hausse à chaque nouveau design, l'architecture ARM a tout pour se faire une place dans les data centers où la consommation électrique est un facteur clé d'efficacité et donc de rentabilité.

Les cœurs de processeur qui animent aujourd'hui l'ensemble de nos smartphones apparaissent comme une solution idéale pour les fournisseurs de solutions cloud telles que l'hébergement de fichiers, de boites e-mail ou de sites web. En 2011, une start-up texane, Calxeda, a même annoncé travailler sur un serveur 480 cœurs à base de processeur ARM quad-cœurs.

Depuis, les espoirs ont été déçus. La puissance des processeurs ARM était alors insuffisante pour beaucoup de sets applications, surtout les processeurs ARM jusqu'alors 32 bits, et ne pouvait adresser suffisamment de mémoire pour délivrer des services sur le cloud. Calxeda, dont les processeurs ARM devaient équiper les serveurs HP met la clé sous la porte en 2013.

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Avec Moonshot, HP est officiellement le premier constructeur à proposer des serveurs ARM aux entreprises.

Les constructeurs de serveurs restent plutôt prudents

Depuis, avec le lancement de l'iPhone 5S, Apple a été le premier à intégrer des puces ARM 64 bits dans ses smartphones et tablettes, rapidement copiés par plusieurs constructeurs de smartphones Android. Or, ce qui peut apparaitre comme un luxe inutile pour un smartphone est une aubaine pour les hébergeurs. « Sur nos offres de serveurs dédiés, toutes nos offres ont 8 Go de RAM minimum » souligne Aurélien Poret, responsable infrastructure chez Ikoula. « 8 Go, ce n'est pas adressable par un processeurs 32 bits, donc pour faire de l'hébergement sur ARM, déployer sur 4 Go, ce n'est pas stable. Le 64 bits va permettre d'augmenter la capacité en RAM et donc le type de services qui seront supportés par les serveurs ARM ».

Pour l'instant l'hébergeur, tout comme son rival OVH, teste diverses configuration ARM. Aurélien Poret vise le lancement des premiers services hébergés sur ARM dans quelques semaines, mais se heurte pour l'instant à la disponibilité d'applications compilées pour ces processeurs ARM. Ikoula travaille notamment sur la création de châssis sur-mesure pour placer le plus grand nombre possible de cartes mini-PC de type Raspberry Pi ou Cubox, et lancer les premiers services cloud « powered by ARM » dans les semaines à venir, un premier service expérimental pour tester le marché.



Si les gros hébergeurs cloud sont capables de produire eux-mêmes leurs serveurs, ce ne sera pas le cas des entreprises. Cependant, les constructeurs de serveurs x86 sont encore très prudents vis-à-vis de ce marché. Dell a bien dévoilé un prototype de serveur de stockage à base de processeurs ARM 64 bits lors de la conférence ARM TechCon de Santa Clara, mais l'américain n'a pas encore commercialisé de serveur ARM, tout comme SuperMicro, un constructeur pourtant très présent chez les hébergeurs.

Actuellement, seul HP a franchi le pas avec son système Moonshot. Celui-ci accepte jusqu'à 45 cartouches serveur dans un rack standard. A son catalogue, une cartouche ARM, la Proliant m400 équipée d'une puce X-Gene d'AppliedMicro offrant 8 cœurs cadencés à 2,4 GHz. Les ingénieurs d'HP estiment que l'économie énergétique engendrée par ce choix de l'architecture ARM est de l'ordre de 30% par rapport au x86.

Le lancement commercial de la puce ARM d'AMD attendu pour cette année

Autre acteur de poids à œuvrer pour la promotion de l'architecture ARM dans les entreprises, AMD. L'éternel rival d'Intel voit dans cette architecture un moyen de rebattre les cartes sur un marché des serveurs d'entreprises outrageusement dominé par Intel. Dès 2012, le fondeur dévoile sa stratégie ARM : des puces X86 et des APU pour le calcul intensif, le rendu 3D, l'encodage vidéo, et des puces ARM et x86 pour le cloud, le big data, l'hébergement Web. En 2014, AMD commence à livrer à ses partenaires les premiers échantillons de ses puces ARM AMD Opteron série A, nom de code « Seattle ».

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Applied Micro avec son X-Gen et Cavium avec son ThunderX sont deux sérieux prétendants pour équiper les serveurs ARM d'entreprise.


Depuis, l'américain a communiqué sur les tests d'une architecture big data Hadoop sur ARM, mais la production en masse de la puce n'a toujours pas commencé. Une stratégie prudente sur un marché dont nul n'est aujourd'hui capable de prévoir quand il va décoller. « Tout au long de 2014, nous avons fourni des kits de développement AMD Opteron A-series » explique-t-on chez AMD, « Des kits qui ont été fournis aux partenaires clés de notre écosystème, aux développeurs de logiciels, aux intégrateurs systèmes afin de bâtir notre écosystèmes 64-bit ARM avant le lancement. » La production en masse sera lancée en 2015 assure-t-on à Sunnyvale.

AMD n'est pas le seul gros fondeur à pousser vers l'émergence d'un marché de serveurs ARM 64 bits. Nvidia a profité de l'International Supercomputing Conference 2014, une conférence pourtant dédiée au calcul intensif, pour dévoiler ses ambitions. Nvidia multiplie les partenariats afin de voir l'émergence de machines hybrides ARM et GPU spécialisées dans le calcul intensif, mais sans la consommation des supercalculateurs actuels. C'est le pari d'intégrateurs tels qu'Eurotech, Cirrascale ou E4 proposant des machines qui couplent des Soc ARM 64 bits à des puces Tesla K20 de Nvidia.

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Open Vault, un serveur de stockage ARM conçu par Calxeda dans le cadre de l'initiative Open Compute lancée par Facebook pour créer des centres de données plus « verts ».

Le hardware est disponible, reste au soft de suivre

Si les hébergeurs semblent reprendre espoir avec cette nouvelle génération de puces ARM 64 bits, la question des logiciels disponibles sur cette nouvelle architecture reste posée. Régis Castagné, DG France d'Equinix, un exploitant qui possède 96 centres de données dans le monde, est convaincu que les systèmes ARM vont se faire une place sur le marché des serveurs : « Equinix croit en l'essor d'ARM dans les serveurs et si nous n'avons pas encore vu arriver ce type de machines dans nos data centers, la raison en est assez simple, cette architecture nécessite des réécritures d'applications. »

L'expert souligne que, tout comme il a fallu du temps pour que la virtualisation et les blade servers s'imposent dans les data centers, il faudra encore un peu de temps avant que les premiers services d'hébergement ARM soient lancés à grande échelle. « L'économie digitale a besoin de plus de puissance, plus de stockage et plus de connectivité. Ce type de technologie offre de la puissance à un coût d'exploitation inférieur, il serait logique qu'elle soit adoptée par l'industrie » conclut Régis Castagné.

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C'est aussi ce besoin de stabilité qui pousse des hébergeurs à tester des solutions telles que le Raspberry Pi pour créer des offres cloud alors qu'elles ne sont pas du tout créées pour cela à l'origine. Raspberry, pour citer un exemple, s'appuie sur une très large communauté avec énormément d'OS et d'outils disponibles, ce qui manque encore aux architectures ARM serveurs.

La course au logiciel est donc engagée et ARM l'a bien compris en mettant en place l'association Linaro pour promouvoir l'Open Source sur sa plateforme. Dans ce cadre, en novembre 2012, un projet dédié aux serveurs a été monté pour notamment porter Linux et ses applications sur l'architecture basse consommation. Ainsi, HP livre ses cartouches HP ProLiant m400 sous Ubuntu server 14.04 LTS, mais pour l'instant, le constructeur les conseille essentiellement pour faire du « Web caching », aiguillant plutôt ses clients vers les cartouches à base d'Intel Atom pour faire de l'hébergement Web et les cartouches x86 pour les applications plus exigeantes.

De son côté, AMD peut annoncer que RedHat Fedora 21 et Xen 4.5 seront disponibles sur son Opteron A1100 Series dès sa commercialisation. L'hyperviseur Xen a aussi été porté sur les Thunder X de Cavium, des puces qui, avec de 24 à 48 cœurs cadencés à 2,5 GHz, pourraient rapidement se faire une place sur le marché des serveurs si elles tiennent leurs promesses. De même que les rumeurs insistantes sur l'arrivée d'un Windows Server sur ARM pourrait ouvrir beaucoup de portes tant chez les hébergeurs, mais surtout dans les entreprises où bon nombre d'applications fonctionnent encore sous Windows.

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