Qu'est-ce que la Directive Copyright (ou loi de réforme du droit d'auteur), dont les fameux articles 11 et 13 sont jugés par de nombreux acteurs du numérique comme une grave menace pour la liberté d'Internet ?
Ce projet de loi à l'échelle européenne fait vivement réagir, aussi bien les GAFAM que les petits éditeurs et les organisations à but non lucratif tels que la Wikimedia Foundation.
Directive Copyright : qu'est-ce que c'est exactement ?
La réforme du droit d'auteur dans le marché du numérique a fait parler d'elle pour la première fois le 14 septembre 2016. Son objectif : rafraîchir le règlement européen, quasiment inchangé depuis les années 2000 et inadapté aux supports numériques ayant émergé ces 15 dernières années. La finalité est de fournir un meilleur équilibre entre les ayants-droits et les plateformes de services.On peut considérer l'objectif louable en soi. Il semble en effet juste qu'un artiste touche une rémunération si son travail est repris par un tiers puis diffusé sur Internet. Si l'ensemble de la réforme est globalement équilibré, deux articles ont vite suscité la controverse. Ce sont les fameux articles 11 et 13. Ces deux textes posent actuellement problème, allant à l'encontre même du fonctionnement d'Internet basé sur le libre partage des informations.
L'Union Européenne semble viser en particulier les grosses plateformes de diffusion des GAFAM, notamment YouTube. Si la loi est adoptée, les géants américains verront leur responsabilité accrue vis-à-vis des contenus versés sur leurs sites, ceci afin d'éviter la diffusion « anarchique » d'œuvres sous droits d'auteur.
De 2016 à aujourd'hui : le point sur la situation
En septembre 2016, la Commission Européenne propose une directive visant à adapter le règlement européen des droits d'auteurs au monde numérique.Le 20 juin 2018, le texte passe devant le Parlement Européen, non sans provoquer un tollé. Ce jour-là, c'est une victoire pour les détracteurs de la Directive Copyright, puisque 318 eurodéputés votent contre face à 278 pour et 21 abstentionnistes. Le texte doit être révisé, en particulier par rapport aux fameux articles 11 et 13.
Le 13 septembre 2018, c'est le second passage devant le Parlement, avec cette fois-ci une adoption massive par 438 voix contre 226. Certains acteurs voient déjà la fin d'Internet libre, même si les choses sont évidemment plus compliquées que ça.
Après son adoption devant le Parlement Européen, la Directive Copyright s'est à nouveau trouvée dans une impasse face au trilogue réunissant Commission, Parlement et Conseil des Etats membres le 21 janvier 2019. Et pour cause : la réunion a été annulée au dernier moment, faute d'accord viable entre les diverses parties.
Depuis cette date, le projet de réforme est à l'arrêt pour une durée indéterminée.
Article 11 et 13 : quels effets sur Internet ?
Ces deux articles sont au coeur de la polémique sur le projet de loi européen.Article 11
Ce texte vise à instaurer un « droit voisin » du droit d'auteur pour la presse. L'objectif est d'obliger les grandes plateformes numériques comme Google Actualités - pour ne citer qu'elle - à rémunérer les médias lorsqu'elles affichent des extraits d'articles ou des vidéos.Article 13
C'est surtout par cet article qu'est venu le débat intense de ces derniers mois. Il vise en effet à imposer aux plateformes de contenus de filtrer automatiquement les œuvres protégées par des droits d'auteurs ou alors à payer des licences aux ayants-droits.Suite à son second renvoi devant le Parlement Européen, ces deux articles ont été réévalués afin de ne concerner en majorité que les gros acteurs à but lucratif du web, à savoir les GAFAM. Wikipédia ou PeerTube pourront ainsi continuer de fonctionner normalement, sans avoir à mettre en place de coûteux systèmes de licence ou de filtrage. Mais cela n'empêche pas la Wikimedia Foundation (entre autres) de se positionner contre le projet de loi, et de le faire clairement savoir...
Une réforme qui divise le monde numérique
2018 aura vu de nombreuses personnalités se prononcer face au projet de loi Directive Copyright. Des associations comme la Quadrature du Net ou l'Electronic Frontier Foundation ont mené tambour battant une riposte sur les réseaux sociaux avec le hashtag #SaveOurInternet. Ce dernier a d'ailleurs été rapidement repris par Google, fervent partisan du rejet de cette réforme.Face à eux, les organismes de presse, les majors musicaux ainsi que de nombreux auteurs ont aussi fait entendre leur voix, montrant l'importance de ce sujet sensible. Tant que la réforme est en suspens, l'avenir d'Internet reste lui aussi en suspens. Il est toutefois nécessaire de noter que si la loi européenne est adoptée, elle devra ensuite être adaptée à la législation de chaque pays membre, ce qui demandera encore plusieurs années. Les acteurs du numérique tout comme les ayants-droits, petits ou grands, auront ainsi un peu de répit afin de s'adapter en conséquence.
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