Stéphane Richard : un dirigeant proche du "pouvoir"

Marc Paller
Publié le 07 avril 2016 à 10h15
Multimillionnaire, ex-PDG de grandes entreprises, Stéphane Richard est un entrepreneur aux multiples facettes. Après avoir longtemps occupé la casquette du directeur de cabinet, l'homme d'affaires de 54 ans s'est imposé à la tête d'Orange.

Natif de Bordeaux, Stéphane Richard a passé la majorité de son enfance en Gironde avant de rejoindre Marseille, sa ville d'adoption. Très jeune, l'homme a déjà un projet ambitieux en tête lorsqu'il se lance dans des études de commerce à HEC.

Fraîchement diplômé, il rejoint l'École Nationale d'Administration d'où il sort cinquième de la promotion Fernand Braudel. L'ENA réserve en général ses meilleurs recrues aux Finances publiques. Stéphane Richard ne dérogera pas à cette règle. Sa réussite va lui permettre de pousser la porte de l'Inspection des finances en 1987. Sa carrière débute ainsi sous la direction de Christine Lagarde. En 1991, l'homme étoffe son réseau lorsqu'il vient à occuper le poste de conseiller technique au sein du cabinet du ministre délégué à l'Industrie et au Commerce extérieur, Dominique Strauss-Kahn.

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Un an plus tard, Stéphane Richard quitte la fonction publique pour s'occuper du pôle immobilier de la Compagnie générale des Eaux (CGE), renommée Nexity en 2000. A cette époque, Jean-Marie Messier, à la tête du groupe, l'a choisi pour réaliser une acquisition destinée au pôle immobilier. Très remarqué au sein de la direction, il participe à de nombreux projets d'investissements au sein de l'entreprise. Après avoir contribué au redressement de la société immobilière dont il finira par devenir actionnaire et président, Stéphane Richard rejoint la branche transport de Veolia en 2003.

Un directeur de cabinet dans l'âme

En octobre 2006, le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy lui fera une déclaration d'amitié en le décorant, place Beauvau, de la Légion d'honneur. Quelques mois plus tard, en mai 2007, Jean-Louis Borloo, ministre de l'Économie, lui propose de devenir son directeur de cabinet. Quinze ans après, l'inspecteur des finances retrouve Bercy et décroche un salaire de 11 000 euros par mois. A Bercy, il use de son expérience pour la mettre au service du ministère. Il affiche alors ses propres convictions économiques, profondément libérales.

Un mois seulement après ces déménagements ministériels, Christine Lagarde remplace Jean-Louis Borloo à Bercy. Stéphane Richard demeure quant à lui à son poste. La ministre se retrouve avec un directeur de cabinet qui a le contact direct avec l'Elysée. Une proximité avec le chef de l'État qui lui sera reprochée par certaines personnes du milieu politique. Il participe toutefois à de nombreuses réunions en compagnie de François Pérol, le secrétaire général adjoint de l'Élysée.


L'homme d'affaires sera même aux premières loges de la crise financière de 2009 en participant à la création d'un plan de sauvetage des banques et à la mise en place du Fonds stratégique d'investissement. Ce fin connaisseur du monde de l'entreprise n'a toutefois pas pour ambition de rester dans le privé. « Il a rejoint le service public parce qu'il avait l'opportunité de faire des réformes », avait confié un de ses proches à la presse.

L'ère France Telecom

Annoncé à la tête de EDF, la Poste ou encore la SNCF, Stéphane Richard prendra finalement ses fonctions au sein du groupe France Telecom (devenu Orange) en septembre 2009. Il occupe alors le poste de directeur général adjoint en charge des opérations France. L'homme d'affaires, habitué au secteur financier, impose un style de gestion particulier. Il décide également de mettre l'accent sur la communication et l'image donnée par l'opérateur. Le 1er mars 2010, il remplace Didier Lombard à la tête de France Telecom.

Ce protestant, père de cinq enfants, veut instaurer une nouvelle stratégie « Conquêtes 2015 » au sein du groupe en insistant sur la confiance et le développement commercial. Le but de Stéphane Richard est alors de « réhumaniser » l'entreprise après une vague de suicides de salariés. Un point sur lequel le dirigeant doit axer son travail.

Son prédécesseur, Didier Lombard avait dû démissionner avant la fin de son mandat suite à plusieurs suicides au sein du groupe. Officiellement, depuis 2006 et le lancement du plan NExT, 58 décès de ce type ont été recensés, à cause en partie des mutations forcées.

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La question sociale est lourde chez Orange. La structure sociale du groupe est en effet des plus complexes et le groupe fait le choix de rationaliser ses dépenses. En 2012, l'opérateur historique explique qu'il procédera au recrutement de 4 000 personnes sur trois ans. Dans le même temps, la société s'attend à enregistrer 9 000 départs à la retraite sur la même période. Son effectif total devrait donc diminuer de 5 000 collaborateurs. Une lame de fond est donc engagée.

De son côté, Stéphane Richard « rempile » en 2014 pour un deuxième mandat de cinq ans dans un contexte difficile sur le marché des télécoms. Orange doit faire face à une guerre menée sur les prix, à une pression concurrentielle ainsi qu'à un vaste mouvement de concentration. L'année 2015 est également lourde pour le dirigeant. Il est mis en examen, avec 5 autres personnes dans l'affaire d'un arbitrage relatif à la vente d'Adidas. La justice lui reproche, alors qu'il officiait au cabinet de Christine Lagarde d'avoir participé à cet arbitrage, qui s'est révélé favorable à Bernard Tapie.

Horizon 2020

Pour l'horizon 2020, la bataille promet d'être rude. La guerre des prix entamée en 2012 par Xavier Niel avec l'arrivée de Free dans le mobile a mis à mal la rentabilité des opérateurs mobiles. Après avoir répondu à l'offensive grâce aux solutions sans engagement qualifiées de « low cost », Stéphane Richard et Orange doivent évoluer dans un paysage des télécoms en pleine recomposition. Suite à l'offensive de Numericable, le marché en France se contracte et se concentre, entre des mains toujours moins nombreuses.


Stéphane Richard voit également poindre des investisseurs désireux de prendre des parts au sein de l'opérateur historique. Martin Bouygues souhaitait par exemple entrer au capital du groupe à hauteur de 15%. De quoi laisser une large marge de manœuvre à un nouveau capitaine d'industrie... Mais la vente de Bouygues Telecom à Orange finit par échouer, en grande partie à cause des exigences du patron du BTP, mais aussi des craintes du ministère des Finances.

Outre ces volets stratégiques, Stéphane Richard entend poursuivre la diversification des activités du groupe. En ce sens, les objets connectés et les services bancaires (Orange Money, le paiement sans contact Orange Cash...) figurent parmi les tentatives en la matière. A l'horizon 2017, l'opérateur aimerait ainsi lancer son service bancaire totalement mobile et numérique. Avec cet investissement, Orange compte générer environ 400 millions d'euros de revenus supplémentaires d'ici à 5 ans grâce aux services financiers. De quoi, pour Stéphane Richard, anticiper le futur d'Orange.

Marc Paller
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