A l'inverse de Google, qui ne se cache pas pour collecter et réutiliser nos données personnelles, Qwant fait du respect de la vie privée un pilier indispensable à la bonne tenue de son modèle. Le moteur de recherche européen, qui jouit d'une excellente réputation, continue de grapiller des parts de marché. Il est même devenu l'un des 1 000 sites les plus consultés au monde.
Tristan Nitot a répondu à 5 questions que nous lui avons posées. Pour que vous puissiez survoler ses réponses en un coup d'œil, nous avons raccourci ces dernières. Mais vous pouvez retrouver l'interview dans sa totalité juste après.
5 questions à... Tristan Nitot, de Qwant
L'interview complète de Tristan Nitot
Clubic - Quels sont les avantages concurrentiels de Qwant par rapport à un moteur de recherche comme Google ?Tristan Nitot - Qwant, c'est le moteur de recherche européen qui protège la vie privée des utilisateurs. Notre data center est en Europe, avec des valeurs européennes, via une société qui paie ses impôts en Europe. L'aspect vie privée, c'est simple : lorsque vous allez sur Qwant, il n'y a pas de tracking. C'est vraiment dans notre ADN, ça a été décidé par les fondateurs. Aujourd'hui, la situation sur les moteurs de recherche et les grandes plates-formes en général est très préoccupante en matière de vie privée.
Clubic - Au mois d'avril, Qwant est devenu le deuxième moteur de recherche français, et est rentré dans le cercle très fermé des 1 000 sites les plus consultés au monde. Quelle est la prochaine étape à franchir pour la start-up ?
Tristan Nitot - C'est de devenir particulièrement visible, et d'être diffusé aussi largement que possible. On a quadruplé notre nombre d'utilisateurs entre 2016 et 2017. Désormais, il va falloir augmenter en Europe nos parts de marché pour devenir la référence, avec des produits de qualité, parce qu'il n'y a pas que le search.
Clubic - Justement, quelle stratégie vous allez privilégier pour conquérir ce public plus large ?
Tristan Nitot - Je crois qu'aujourd'hui, nos valeurs résonnent particulièrement fortement auprès de nos audiences européennes. Il faudrait peut-être remercier Cambridge Analytica et Facebook pour leurs scandales successifs. Qwant, moteur européen du respect de la vie privée, c'est quelque chose qui parle aux gens.
Clubic - Quels sont les retours de l'Union européenne aujourd'hui au regard des valeurs défendues par Qwant ?
Tristan Nitot - Tous les gens à qui l'on parle dans l'Union européenne, ou les équivalents de la CNIL en Europe, voient d'un œil extrêmement intéressé ce qu'on fait chez Qwant. Pour mettre les choses dans leur contexte, le RGPD est quelque chose qu'on a commencé à faire en interne chez Qwant à peu près au moment où il commençait à germer dans les conversations de la Commission européenne. Chez nous, c'est une valeur qui se transforme en acte. Si, dès le départ, on a travaillé sur la minimisation de la collecte des données personnelles, c'est parce que pour nous c'était important. Et c'était un vrai bonheur que de voir qu'on était conforme au RGPD sans faire d'efforts particuliers, alors que les autres plateformes font des circonvolutions dans tous les sens pour essayer de s'adapter et pour pouvoir continuer à faire du business en Europe. Nous sommes alignés avec les valeurs européennes. La CNIL est née en France, avec ses valeurs, et il y a un vrai alignement entre les institutions et Qwant.
Clubic - Au niveau de la santé financière de la start-up, il y a un chiffre d'affaires qui est en progression constante. Est-ce que vous êtes en avance ou en retard sur vos prédictions, et l'entreprise est-elle à l'équilibre ?
Tristan Nitot - L'objectif en 2019 est d'atteindre les 10 millions, 20 millions à l'horizon 2020. Là, nous sommes à 3,5 millions d'euros de chiffre d'affaires sur 2018.
Samuel Pujol (attaché de presse Qwant) - On est à l'équilibre. On l'a perdu l'année dernière, avec le recrutement massif. On sera de nouveau à l'équilibre l'année prochaine. En un an, nous sommes passés de 40-50 à 165 salariés. Il y a pas mal d'investissements faits par la boîte qui sont partis dans le recrutement. Avec le nombre d'utilisateurs qui a explosé, nos serveurs ont été down pendant quelques heures, parce qu'on a eu un regain de connexions démentiel. Il a fallu nous équiper en cerveaux assez rapidement.
Clubic - Une ultime question un peu plus personnelle Tristan Nitot. Si vous deviez définir Qwant en trois mots, quels seraient-ils ? Et enfin, comment décririez-vous, selon votre propre ressenti, la différence entre l'Internet d'aujourd'hui et celui de l'époque où vous débutiez chez Netscape, à la fin des années 90 ?
Tristan Nitot - Europe, vie privée et éthique.
J'ai vu l'histoire de l'Internet se dérouler. Il y a un parallèle intéressant. Je suis fier d'être passé par Netscape, qui a démocratisé Internet pour le grand public. Ensuite, Mozilla. Et aujourd'hui, Qwant, à une époque où le web a un peu perdu son innocence. Dans les années 90, le web, c'était une promesse extraordinaire, qui a donné des choses fabuleuses comme Wikipedia, qui est un trésor de l'humanité. Ça a donné aussi l'émergence de l'Open Source avec Mozilla. Aujourd'hui, on est dans une ère où Google, Facebook et compagnie se battent pour l'attention des gens, où on est en train de passer d'une économie de l'attention à une économie de l'addiction. On a transformé les citoyens en consommateurs de contenus et en bétail qu'on nourrit avec du pain et des jeux. Au fond de moi, il y a toujours cette envie de faire un Internet plus respectueux des individus. Mon objectif, ici, c'est d'inventer un Internet d'une nouvelle génération, un Internet qui ne traque pas ses utilisateurs, dans lequel les gens peuvent avoir conscience, dans lequel ils sont vraiment acteurs. Si vous regardez ce qu'on a annoncé jeudi dernier en fin de journée, on a aussi parlé d'Open Source et comment Qwant participe à des projets Open Source. Il y a les paroles, mais aussi les actes derrière.