Xavier Niel : du Minitel rose à Free Mobile

Karyl AIT KACI ALI
Publié le 28 décembre 2015 à 09h31
Partant de peu, le "patron de Free" fait fortune dans l'industrie du Minitel rose avant de bâtir son empire sur l'accès à Internet et les forfaits mobiles. Aujourd'hui, Xavier Niel atteint la dixième place du classement des hommes les plus riches de France.

A l'occasion de l'été, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir des articles publiés précédemment dans l'année.

Trublion aux méthodes agressives pour certains, Robin des Bois des télécommunications pour d'autres, Xavier Niel est un dirigeant qui suscite de nombreuses réactions dans le paysage du Web français. Partant de rien, ou presque, sans argent ni diplôme en poche, il est pourtant parvenu à bâtir un véritable empire.

Ce « self-made-man à la française » est le fondateur du fournisseur d'accès à Internet et opérateur Free, filiale d'Iliad, dont il possède 55%. Le succès de son groupe lui a permis de se hisser à la dixième place des Français les plus riches, d'après le classement annuel de Challenges. Le magazine estime sa fortune personnelle à 7,8 milliards d'euros en 2015.

Pourtant, l'homme d'affaires est bien loin des canons du milieu dans lequel il évolue. Né en 1967 d'un père juriste et d'une mère expert-comptable, Xavier Niel grandit à Créteil, dans le Val de Marne. À 19 ans, il abandonne sa classe préparatoire Maths Sup pour se consacrer à sa passion : l'informatique. Avec un simple baccalauréat en poche, il s'attaque au monde professionnel, et cible rapidement un marché bien spécial.

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Intéressé par le Minitel, alors très prometteur, il crée des services de messagerie rose. L'un des leaders du secteur, 3615 CUM, l'accuse toutefois d'attirer ses propres clients vers ses services. Mais quoi qu'il en soit, le jeune homme a déjà engrangé les fonds suffisants pour investir dans plusieurs magasins spécialisés dans ce domaine avec Fernand Develter, fondé de pouvoir (personnel de direction, ndlr) à la Société Générale. Une trajectoire qui va le suivre comme une seconde peau...

Le père du Triple Play

Xavier Niel gagne déjà bien sa vie. Mais en 1991, il réalise l'investissement qui va propulser sa carrière. Le jeune entrepreneur revend ses commerces et achète 50 % de Fermic Multimédia, une société de Minitel rose fondée par Fernand Develter, puis la rebaptise Iliad. L'entreprise va se développer tout au long des années 90. En 1994, il investit dans Worldnet, l'un des premiers fournisseurs d'accès à Internet français. Puis, il lance l'annuaire inversé « 3617Annu » ainsi que le site d'information légale d'entreprise Societe.com.

En 1999, le marché des télécommunications se libéralise et Iliad obtient une licence d'opérateur. La même année, Xavier Niel lance Free et finance sa filiale grâce à la banque Goldman Sachs, tandis que Fernand Develter lui cède ses parts d'Iliad l'année suivante. En choisissant ce marché, Xavier Niel s'attaque à présent à un gros poisson : France Télécom. Comme à l'époque du Minitel rose, il n'hésite donc pas à s'attaquer à plus fort que lui. Ainsi, il réfléchit à des services que l'opérateur historique n'offre pas.

Et puis, il a une idée visionnaire : centraliser l'accès à Internet, le téléphone, et la télévision au sein d'un même boîtier dans le but de proposer ces trois services à moindre coût. Il pense d'abord à aller aux États-Unis, afin de voir si un tel appareil existe. Mais il se rend compte qu'il est le premier à avoir eu cette idée. En 2002, la Freebox voit le jour. Ce faisant, Niel invente le concept de box, et ce que l'on nomme communément « Triple Play ». Son offre à 29,99 euros par mois rebat les cartes du secteur.

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La toute première Freebox, la Version 1

Niel joue désormais dans la cour des grands. Mais quelques années plus tard, ses « erreurs de jeunesse », comme il les appelle, le rattrapent. La justice l'accuse de proxénétisme et d'abus de biens sociaux durant l'époque où il possédait des sex shops. Si le premier chef d'inculpation est vite abandonné, Xavier Niel reconnaît le second. Il admet avoir touché des sommes d'argent liquide, non déclarées, de la part de ces enseignes. Même s'il règle son différend avec la justice, son image et son passé lui seront à nouveau reprochés.

Un « casseur de monopoles »

Après la sortie de la Freebox, la concurrence n'a d'autre choix que de tenter de s'aligner sur l'offre tandis que de son côté, l'entreprise de Xavier Niel continue de miser sur son image de fournisseur d'accès à Internet « à bas prix ». Un parti pris marketing dont il se fera le premier communicant, et qui définira l'image de marque de Free.

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Dix ans après l'invention de la Freebox, l'entreprise tente de révolutionner un autre secteur : la téléphonie mobile. Surfant sur l'image de Free, Xavier Niel se montre plus provocateur en s'attaquant frontalement à ses concurrents. Lorsqu'il dévoile les forfaits Free Mobile, son discours est rôdé : « Si, pour la partie service de votre abonnement, vous payez plus de 19,99 euros, et que vous n'appelez pas votre opérateur, ou que vous ne venez pas chez Free, les pigeons c'est vous et vous le savez maintenant », déclarait-il.

Encore une fois, le marché entier est déstabilisé. Inévitablement, Xavier Niel se retrouve sous le feu des critiques. On lui reproche d'avoir détruit des emplois et d'empêcher les autres acteurs du marché d'investir dans leurs infrastructures.

Mais l'homme d'affaires préfère se voir comme un « casseur de monopoles », une sorte de "Robin des Bois" du numérique. Dans sa besace, Xavier Niel pointe notamment le fait que les trois opérateurs historiques (SFR, Bouygues, Orange) ont déjà été condamnés par le passé pour entente sur le tarif des abonnements. Citant l'INSEE, il se targue également d'avoir redonné 0,3% de pouvoir d'achat aux Français et d'avoir créé de nombreux emplois grâce à ses divers investissements.

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La Halle Freyssinet

Après ces combats, Xavier Niel explore de nouveaux horizons et investit dans des secteurs variés, notamment dans les médias et dans une école ouverte à tous sur concours (l'Ecole 42), afin de former des développeurs. Allant plus loin dans son projet d'ouverture, il programme l'inauguration de son incubateur de start-up, à la Halle Freyssinet à Paris.

Un travail d'ouverture qui a pour objectif de montrer qu'une autre voie "hors cadre" est toujours possible. Cette ambition ne se dément pas sur le terrain des chiffres. Depuis cinq ans, Xavier Niel est l'investisseur le plus généreux en France avec 35 millions d'euros accordés à diverses start-up du territoire. Une manière de montrer le chemin à suivre.


Ce portrait fait partie d'une série portant sur les dirigeants importants de la sphère numérique. Retrouvez d'autres numéros :
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