Officiellement certifiée le 16 septembre 2019, la norme Wi-Fi 6 n’est que l’aboutissement de plus de 20 ans d’évolutions en tout genre.
En quelques années, le Wi-Fi est ainsi passé du statut d’option bien pratique à celui de protocole absolument indispensable que ce soit à la maison ou dans la majorité des lieux publics. Profitons de cette nouvelle norme pour faire un peu le point.
Plus de vingt ans à perdre le fil
Depuis que les câbles existent, l’être humain rêve de s’en séparer. Dès la fin du XIXe siècle, on a commencé à tester les ondes électromagnétiques. Dans un autre registre, les plus anciens d’entre vous se souviendront avec nostalgie de l’EXL100 signé Exelvision : un ordinateur 8-bit qui se distinguait par le lien infrarouge qui « raccordait » clavier et manettes à l’unité centrale. Si la technologie était déjà connue de tous, l’ordinateur a tout de même fait parler de lui… et pas seulement pour son synthétiseur vocal.
Les choses étaient cependant sommaires et le signal infrarouge est contraignant. Dès les années 70, un réseau numérique sans-fil est lancé – AlohaNet par l’université de Hawaï – mais il faut attendre le milieu des années 90 pour que les projets Wi-Fi émergent. Les obstacles avaient été nombreux à commencer par des débits d’abord très faibles : dans les années 80, on ne parle de transférer sans-fil que quelques kilo-octets par seconde. Pour ne rien arranger, chacun y allait de sa solution propriétaire et la réglementation sur les ondes radios étaient extrêmement contraignante.
Le Wi-Fi arrive enfin
En 1997, les premières normes sont établies et deux ans plus tard, le terme Wi-Fi lui-même commence à s’imposer avec la fondation de l’association éponyme. Toujours en 1999, les deux premières normes – IEEE 802.11a et IEEE 802.11b – sont effectivement définies. Souvent précurseur, Steve Jobs introduit sa propre vision de la norme IEEE 802.11 le 21 juillet 1999 au moment de présenter à la fois la connexion AirPort et un portable iBook que le fondateur d’Apple utilise pour naviguer sur scène et sur le Web, sans le moindre câble.
Nous n’en sommes qu’aux débuts du Wi-Fi et, pourtant, le duo de bandes de fréquences que nous connaissons bien aujourd’hui est déjà de la partie. Ainsi, quand l’IEEE 802.11a autorise des débits allant jusqu’à 54 Mb/s. sur la bande des 5 GHz, l’IEEE 802.11b se focalise sur celles des 2,4 GHz avec « seulement » 11 Mb/s., mais une portée plus importante. Pourquoi ce choix des 2,4 GHz et 5 GHz ? Tout d’abord parce qu'il faut trouver des fréquences « disponibles ». D’ailleurs, à l’époque on en avait beaucoup parlé, la bande des 2,4 GHz est partagée avec les fours à micro-ondes.
Pour ne rien arranger, la gestion de ces bandes de fréquences est très différente d’un pays à l’autre et il est donc compliqué d’harmoniser les choses pour les industriels. En France par exemple, ce n’est qu’en fin d’année 2002 que l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes (ARCEP) a enfin autorisé la libération complète de la bande des 2,4 GHz. Pour la bande des 5 GHz, il était interdit de l’utiliser en extérieur jusqu’en janvier 2006, c’est d’ailleurs en partie pour cette raison que les 2,4 GHz ont longtemps été privilégiés.
Premières évolutions et arrivée du dual band
Après des années de tergiversations, tout est réuni pour que le Wi-Fi se développe. Un standard bien réel a enfin émergé, les autorités nationales se sont accordées pour libérer des plages de fréquences et les constructeurs se sont organisés en association, la Wireless Ethernet Compatibility Alliance apparue elle aussi en 1999. Composée dès sa création de plus de 200 entreprises liées de près au monde du sans-fil, elle est aujourd’hui connue sous le nom de Wi-Fi Alliance et a joué le rôle de chef d’orchestre, contribuant au succès du Wi-Fi.
Nous l’avons vu, à l’origine, la norme IEEE 802.11 existait en deux variantes : le 802.11a et le 802.11b qui se distinguaient par la bande de fréquences utilisée. Dès 2003, la Wi-Fi Alliance lance une première évolution majeure avec le 802.11g : l’idée est de booster le 802.11b, le plus utilisé, en gardant la même bande de fréquence des 2,4 GHz, mais en lui octroyant des débits équivalents au 802.11a, c’est-à-dire du 54 Mb/s., théorique vous vous en doutez. À l’époque, il fallait donc encore « choisir » entre deux bandes de fréquences en fonction de la norme IEEE 802.11 utilisée.
Il a fallu attendre la certification – en septembre 2009 – du 802.11n pour découvrir ce que l’on nomme aujourd’hui le dual band et, ainsi, s’affranchir de cette contrainte. Le 802.11n permet d’utiliser aussi bien la bande des 2,4 GHz que celle des 5 GHz… Enfin, pas exactement, ce serait trop facile. En réalité, la norme n’impose que les 2,4 GHz et certains constructeurs lancent donc des produits « simple bande » (2,4 GHz) quand d’autres commercialisent des « double bande » (2,4 / 5 GHz). Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
MIMO, Wi-Fi 4, 5 et… 6
Peut-être plus important encore, le 802.11n prend en charge la technologie MIMO (Multiple Input Multiple Output) qui permet d’utiliser plusieurs antennes à la fois et ainsi « décupler » les émissions spatiales pour l’émetteur comme pour le récepteur. Ce faisant, la norme propose des débits théoriques pouvant atteindre les 600 Mb/s. via l’utilisation de 4 antennes. Problème, entre ça et l’utilisation des simple / double bande, les utilisateurs ont été contraints de « jongler » entre des produits aux caractéristiques radicalement différentes, sans que les choses soient très claires.
Cet « imbroglio technique » est également venu d’un problème entre la Wi-Fi Alliance et certains de ses membres. Alors que l’organisation tardait à ratifier le 802.11n, de nombreux constructeurs ont mis sur le marché des produits anticipant la norme, annoncés comme parfaitement compatibles, ils ne pouvaient cependant pas se parer d’une certification officielle. Un problème de « décalage » qui n’est d’ailleurs pas propre au 802.11n et que l’on retrouve à partir de maintenant à chaque nouvelle norme. Heureusement, sans que cela ne pose de véritables soucis de compatibilité.
Le même problème s’est effectivement reproduit avec le 802.11ac et, plus proche de nous, avec le 802.11ax. Le Wi-Fi « ac » dans sa seconde itération (la Wave 2) a autorisé des débits grimpant jusqu’à 3,47 Gb/s. grâce à l’utilisation de multiples canaux et de quatre antennes, mais il n’a été certifié qu’en décembre 2013. En 2018, la Wi-Fi Alliance essaie de trouver une solution pour simplifier la nomenclature Wi-Fi. Pas sûr que ce soit une franche réussite, mais c’est ainsi que rétroactivement le 802.11n est devenu Wi-Fi 4 et que le 802.11ac est devenu Wi-Fi 5. C’est aussi ce qui explique que l’on parle un peu partout presque autant de 802.11ax que de Wi-Fi 6.
Qu’est-ce qui change avec le Wi-Fi 6 ?
Comme pour les générations précédentes, le Wi-Fi 6 a fait l’objet de multiples brouillons avant la version finalisée par la Wi-Fi Alliance. Comme pour les générations précédentes également, ces brouillons ont permis la commercialisation de périphériques « compatibles Wi-Fi 6 », mais sans aucune certification… et pour cause, cette dernière n’existait pas encore. Avant d’entrer dans le détail de la nouvelle norme, il convient donc de distinguer l’appellation Wi-Fi 6 Compatible de la Wi-Fi 6 Certified apparue il y a peu. Seule cette dernière vous assure un produit officiellement conforme avec la norme officielle.
La garantie d’une meilleure stabilité
Depuis peu, le Wi-Fi 6 est régulièrement mis en avant pour des produits grand public. Pourtant, la principale amélioration offerte par cette nouvelle norme ne concerne justement pas le grand public… ou plutôt, pas directement. En effet, par l’utilisation de l’OFDMA – pour Orthogonal Frequency-Division Multiple Access – le Wi-Fi 6 doit permettre d’optimiser les connexions Wi-Fi dans des environnements particulièrement denses comme les gares et les centres commerciaux. Quiconque a déjà été confronté à des reports massifs d’avions pour cause de mauvais temps sait combien il est alors difficile de se connecter au réseau Wi-Fi de l’aéroport.
Sans entrer dans des détails qui dépasseraient de toute façon nos compétences, signalons que l’OFDMA organise la bande de fréquences utilisée en de multiples canaux. Baptisés sous-porteuses, ces canaux permettent à davantage d’utilisateurs d’être connectés simultanément puisque chacun se voit attribuer une sous-porteuse à l’instant T. De plus, par rapport au 802.11ac, le Wi-Fi 6 vient multiplier le nombre de sous-porteuses par quatre. Vous comprendrez dès lors que dans le cas d’une utilisation dans de grands espaces, le Wi-Fi 6 est bien plus efficace que son prédécesseur. Pour l’utilisateur lambda la différence est sensible, mais de manière indirecte donc.
Des progrès sur la bande des 2,4 GHz
Rappelons tout d’abord que, et c’est souvent oublié par les utilisateurs, le Wi-Fi 5 se focalisait sur l’augmentation des débits sur la seule bande de fréquences des 5 GHz. Les progrès étaient alors plus que notables, mais sur une portée relativement faible, surtout en intérieur. La bande des 5 GHz n’est effectivement pas la meilleure pour la portée. Or, sur les 2,4 GHz, le Wi-Fi 5 – rétro-compatible seulement – se contentait des spécificités de la norme 802.11n.
Au contraire, le Wi-Fi 6 se veut plus universel, c’est une technologie véritablement bibande (2,4 GHz / 5 GHz). De fait, même en utilisant la seule bande de fréquences des 2,4 GHz, des gains seront perceptibles aussi bien côté débits que couverture. Ainsi, la bande passante théorique maximale offerte par le Wi-Fi 6 est d’un peu plus de 10 Gb/s. mais, plus intéressant, elle se répartie en un maximum de douze flux : quatre sont dédiés à la bande des 2,4 GHz et huit à celle des 5 GHz soit, respectivement, un maximum de 1,2 Gb/s. et 9,6 Gb/s.
Comme toujours, le Wi-Fi 6 est bien évidemment rétro-compatible. Autrement dit, un routeur Wi-Fi 6 sera parfaitement capable d’accommoder des périphériques « seulement » Wi-Fi 5. Ces derniers ne profiteront pas eux-mêmes des améliorations du 802.11ax, mais en cohabitant avec des appareils Wi-Fi 6 Certified, ils bénéficieront indirectement de la gestion optimisée des réseaux.
Enfin, terminons par une remarque importante alors que les constructeurs jouent sur le flou artistique qui entoure le Wi-Fi 6. En effet, si la bande-passante est théoriquement plus élevée, il convient de faire attention aux capacités réelles de vos appareils. Certes le Wi-Fi 6 dispose d'une bande-passante théorique de 10 Gb/s., mais dans les faits, bien peu d'appareils pourront atteindre le 1,2 Gb/s. et encore, sur la bande des 5 GHz.