A l'image du salon tout entier, l'audio présenté au CES 2020 a été assez classique, dans la logique implacable de ces dernières années. Ainsi pas de révolution sonore, mais une continuité de l'année 2019. La promesse que, plus que jamais, l'avenir sera sans-fil, nomade ou de salon. En nomade l'archi-domination des True Wireless, pour lesquels la réduction de bruit devient presque une norme. En sédentaire la petite vague des barres de son éclipsant presque toutes les autres enceintes.
Entre continuité et petites surprises, la seule nouveauté de taille a été la présentation du futur Bluetooth LE Audio, un nouveau protocole très prometteur.
True Wireless en Maître, ANC en norme
Sans être une déferlante de dizaines et de dizaines de produits, les True Wireless ont été les grands gagnants du CES en audio, particulièrement les True Wireless à réduction de bruit.La tendance n'est pas sortie de nulle part et ne fera sans doute pas plaisir aux détracteurs de la marque, mais c'est ainsi : Apple a sorti son modèle, les autres doivent suivre, que la marque soit pionnière (ce qui n'est pas le cas ici) ou non. Sony et Libratone ont montré contre toute attente qu'un True Wireless ANC efficace était possible, Apple a comme d'habitude dévoilé cela au grand public, les autres s'engouffrent dans la brèche et cela devient une tendance. Une sorte de prophétie auto-réalisatrice.
Klipsch a tapé en premier et légèrement en amont du salon avec sa nouvelle gamme de 4 écouteurs zéro-fil. Dans ces 4 produits, 2 disposent de la précieuse réduction ANC : les T5 ANC et les T10. Si les premiers sont une mise à jour ambitieuse (ergonomie visiblement mieux pensée) avec réduction de bruit des premiers T5 TW un peu immatures, les T10 constituent un très haut de gamme particulièrement risqué. Décris comme les plus petits True Wireless avec ANC du marché, les écouteurs et leur boite futuriste ne ressemblent à rien de ce qui se fait à l'heure actuelle. C'est également le produit audio le plus marquant du salon pour une raison simple, son prix : 650 $ en version classique, et 1 000$ en édition McLaren, de quoi donner des sueurs froides. Mais Klipsch est toujours un peu à part, avec une approche bien à elle et des tarifs toujours un peu plus élevés. Même son modèle T5 ANC est à 300 $, ce qui est plus élevé que des Airpods Pro par exemple.
Passés ces modèles étranges les autres marques paraissent déjà bien sages. Technics et son haut de gamme (sans réelle point de différentiation) EAH-AZ70W s'établie lui aussi à un très risqué 300 Euros, avec tout de même un transducteur conséquent de 10mm boosté au graphène. Coté plus grand public, l'équivalent Panasonic S500W (pas encore de prix) devrait se retrouver plus proche des 200 euros.
Même son de cloche pour Audio-Technica, qui lui aussi veut mettre le paquet sur cette technologie ANC avec les ATH-ANC300TW. Déjà bien connue des audiophiles, mais un peu en retard technologique (incursion très récente dans le TW), la marque peut compter sur son passif dans l'isolation active (des casques ANC datant d'il y a plus de 10 ans) ainsi que sur sa bonne maîtrise des transducteurs. Ici, l'avantage viendra peut-être de son savoir-faire en matière de surcouche au carbone amorphe, et de son prix un peu en-deçà d'Apple, Klipsch ou Technics, à savoir 250 euros. Audio-Technica fait plus ou moins la même chose que Technics pour sa membrane, mais avec un procédé assez récent, mais un peu plus éprouvé que le graphène.
À défaut de vraiment mettre le paquet sur diverses technologies de transducteurs, d'utiliser les progrès technologiques pour améliorer les membranes, l'année 2020 risque d'être celle de l'utilisation et de la sur-utilisation (avec tout son marketing) du graphène et de ses dérivés, que cela se justifie ou non.
C'est également ce petit manque de risque technologique dans les transducteurs qui pourrait jouer pour 1More, qui a sans doute présenté le modèle le plus attirant du salon. Les 1More True Wireless ANC (pourquoi faire compliqué) intègrent ainsi un design type fibre de carbone, un système d'accroche adapté aux sportifs, une réduction de bruit active, mais surtout une topologie hybride et 2 voies (1 transducteur dynamique pour les basses/médiums, 1 transducteur à armature équilibrée pour les aigus), le tout pour 200$, soit 200-220 euros.
Ainsi le marché pourra toujours receler quelques pépites, mais il semble s'articuler autour de 3 gammes.
La première, à moins de 80-100 euros, abritera tout ce qui constitue les produits simples, mais parfois tout à fait corrects. Une gamme qui ne connaîtra pas vraiment de bouleversement.
La gamme 80-200 euros constituera le noyau dur du True Wireless, très majoritairement sans ANC. Dans ces gammes peuvent déjà se croiser de très bons produits, souvent livrer une application dédiée, de bons micros et une autonomie très correcte.
La troisième, à 200 euros et jusqu'au ciel, ne sera pas forcément supérieure en termes de son à la gamme précédente, mais inclura presque obligatoirement la réduction de bruit. Et puisque ce point est un peu plus mesurable que la qualité sonore, cela risque de faire du mal à pas mal de marques pas encore au point.
Ainsi certains ne semblent pas encore tenter le coup, à l'image du groupe Harman Kardon (propriété de Samsung) : JBL, Harman Kardon, AKG, rien. JBL se contente d'un nouvel écouteur type Airpods et Harman Kardon se remet sur les rails avec les Fly TW.
Autre tendance dans la tendance et évoquée plus haut : les True Wireless typés sport. En plus des certifications IP devenant de plus en plus présentes et de plus en plus fortes (en moyenne IPX4, parfois IPX6 voire IPX7). Klipsch a ainsi présenté la version Sport des T5 utilisant un couple écouteurs/boitier en IP67 (totalement étanche). Même orientation pour les Elite Active 75T de Jabra, version IP57 des Elite 75T.
En partie à cause du marché américain toujours intéressé par les produits Bluetooth en tour de cou, il existe un marché dont Audio-Technica profite (en plus de True Wireless dédiés déjà sortis) avec sa gamme SPORT. Toutes marques ne prennent pas la peine de se pencher sur ce type d'écouteurs, c'est pourquoi il pourrait n'être qu'en sursis. L'architecture tour de cou permet en outre, même si le CES ne semblait pas dans cette tendance, de placer de meilleurs composants et une plus grande batterie.
Le casque, marché plus stable, mais plus polyvalent
Si le casque Bluetooth reste en forme, il n'a pas une croissance aussi insolente que le True Wireless. Des modèles ? Un peu, à peine à vrai dire. La star attendue, le futur WH-1000Xm4 de Sony, n'était pas présente. Et cela reste assez logique, bien dans les habitudes de la marque.Faute de mieux, c'est donc Klipsch qui a montré que le casque audio nomade suivra la même route qu'en 2018 et 2019 : un produit circum-auriculaire, Bluetooth, à réduction de bruit active, sensiblement haut de gamme. Le Over-Ear Active Noise Cancelling Headphones choisi de se battre sur la tranche haute du haut de gamme, à savoir 400 euros.
Sennheiser, sans trop de conviction, a présenté un petit modèle pour les budgets plus serrés, le HD 450BT, en plus d'un équivalent non-ANC. Cela montre également qu'en devenant à ce point une norme, l'ANC baisse de prix tout en devenant de plus en plus au point. Sennheiser ne va pas se risquer à faire une annulation de bruit aussi efficace que sur les PXC 550 II ou Momentum 3, mais compte bien profiter du milieu de gamme.
Ainsi le casque audio ANC tend à légèrement se caler sur les True Wireless ANC en termes de prix, tout en proposant un haut de gamme plus décomplexé : entre 300 et 400 en moyenne. Loin de disparaître, il risque de conserver un avantage sonore et devenir une alternative à long terme.
Le casque gamer reste un peu à part, et aucune tendance n'a vraiment émergé si ce n'est la continuité des années précédentes. Le filaire existe encore pour rester suffisamment universel, le sans-fil est une bataille de modèles propriétaires profitant de la latence élevée du Bluetooth et son approche seulement stéréo. La seule surprise en la matière fut l'arrivée de JBL dans le secteur, avec des produits intéressants positionnés dans toutes les gammes, mais qui devront faire leurs preuves.
Plus intéressant même si une tentative solitaire, JVC a présenté avec son système tout-en-un EXOFIELD la solution ultime pour une représentation 3D sur casque stéréo. Les modèles Surround convaincants sont rares, mais bien présents, surtout dans l'univers gaming, mais les casques 3D (Atmos ou autre) tout aussi convaincants sont rarissimes et le marché assez éparpillé. La verticalité étant bien plus difficile à reproduire pour l'oreille, elle reste le prochain défi. Audeze et Waves l'ont parfaitement relevé avec les modèles gaming Mobius et le Hyperx Cloud Orbit, Sony tente de le faire sur la musique avec son système naissant 360 Reality Audio, JVC veut l'appliquer pour le home cinéma. À 1 000 euros, il ne faudra clairement pas se rater. Difficile en revanche de savoir si cela constitue le début d'une tendance de fond, si le son 3D ne passera pas par du pur hardware ou par du Software. Quelques solutions logicielles comme NX Speakers de Waves ont ainsi présenté leurs solutions 3D universelles.
En revanche, le casque et l'intra nomade filaire sont bel et bien à l'agonie pour le marché grand public. L'un et l'autre (surtout l'intra) continueront a exister tant qu'une branche plus audiophile sera là, mais toujours à la marge, car vue comme passéistes. Seul Audio-Technica a dévoilé, au milieu de 2 casques hifi, un filaire nomade haut de gamme et des intra-auriculaires très haut de gamme. Une sorte de tentative inutile pour certains, mais surtout la vision très occidentale du CES. Au Japon, le marché du filaire reste très important, et les baladeurs audiophiles loin d'être une niche. Il n'est pas si étonnant de voir un géant comme Sony sur ce dernier secteur.
La barre de son, reine du salon
Le CES n'est pas là pour présenter des enceintes hifi, pratiquement tout ce a été dévoilé tourne ainsi autour du Multiroom, mais surtout du home-cinema, l'un et l'autre en connecté. La 4K est bien implantée, la 8K arrive, il faut que le son avance en conséquence. À l'image du casque audio, la praticité est le maître mot, c'est pourquoi les barres de son n'ont jamais été aussi bien portantes. La démocratisation du Dolby Atmos et autres technologies de son 3D amènent une légion de nouveaux modèles, même si encore une fois le CES ne le montre qu'à petite échelle.Klipsch fut là-aussi assez actif avec l'arrivée prochaine de 3 modèles oscillants entre le milieu de gamme et le haut de gamme. Sans être exhaustif, nous pouvons citer les nouveautés de Creative avec son ambitieuse SXFi Carrier, JBL signant son entrée dans le marché avec la Bar 9.1, ou encore LG mettant ses produits à jour. Le point commun de toutes ses barres (sauf lorsqu'il s'agit d'entrée de gamme) est le Dolby Atmos, pratiquement obligatoire d'un point de vue marketing.
La fonction d'un barre de son n'est plus seulement pratique, mais rejoint, tout comme les casques audio, un écosystème complet centré autour des assistants vocaux. Le moindre objets connecté devient une annexe de Google Assistant, d'Alexa ou de Siri.
Point de nouveautés dans les enceintes connectées, toutes éclipsées par l'étrange concept de Royole et son écran enroulé. Un produit très cher et plus proche de la démo technique. UN produit sonore, mais avant tout là pour démontrer un savoir-faire en matière d'écran flexible.
Pour un peu de surprise il fallait compter sur le côté un peu iconoclaste de Klipsch, débarquant au salon avec les très belles enceintes actives The Fives. D'orientation hifi et doté de toutes les entrées numériques nécessaires, le produit est en outre armé d'une entrée phono pour directement raccorder sa platine vinyle. À l'image du vinyle justement, les Klipsch The Fives est un type de produit passant sous le radar du très grand public, tout en étant assez dynamique.
Très à la marge, quelques autres grandes marques proposent des produits Hifi de manière presque annexe, comme JBL et ses très rétro L82.
Tendances et suiveurs au pays de l'audio
En matière d'audio, le CES n'est pas la grand-messe qu'il pourrait être. Un certain nombre de constructeurs y sont absents ou ne dévoilent tout simplement pas leurs cartes.Apple (mais le cas est à part), Bose, Samsung, Sony Sennheiser, toutes ces grandes marques n'ont pour ainsi dire rien montré en audio ou simplement des miettes. L'occasion de rappeler que le CES 2020 est une fois de plus une affaire de tendances, et non de réelle innovation. Les leaders, les marques assez importantes pour définir le futur marché audio, annoncent leurs modèles à travers leurs propres événements. Ne pas oublier non plus qu'un tel salon à tendance à accentuer les modes. Ne voir aucun filaire ou Bluetooth entrée de gamme de veut pas dire que le produit a disparu, simplement qu'il n'est plus dans une dynamique. Ne voir que des True Wireless ne signifie pas non plus que le marché ne se compose plus que de ce type de produits. C'est un indicateur, un indicateur sérieux, mais pas un outil de précision sur le marché.
Pour chercher de la réelle innovation, il fallait se tourner vers un acteur majeur dont on attendait plus rien, et dont toutes les marques citées plus haut font partie, le Consortium Bluetooth.
Bluetooth LE Audio = objet connecté pour faire des sons
Là-aussi il faudra s'y faire ou revenir sur les baladeurs audiophiles : les casques audio et True Wireless ne sont plus vraiment des produits audio, mais des objets connectés pouvant produire du son. La nuance est de taille, puisqu'elle implique que la praticité prime avant tout, et que la qualité sonore est un plus, voire un gros argument, mais pas un impératif.Le Bluetooth a été créé pour consommer peu, par pour un son haute définition. Que des codecs prétendument HD veuillent illusionner un public un peu crédule est une chose, mais cela n'en fait pas une tendance de fond, et cela n'est pas du tout la route prise par l'industrie.Le constat était assez clair : le Bluetooth Audio est vieillissant, un énorme coup de balais était nécessaire. Ce fut chose faite avec l'annonce en plein salon de la prochaine norme, le Bluetooth LE Audio.
Pour la mettre en place, le consortium responsable du Bluetooth a choisi deux choses. Premièrement, passer l'audio sur la même partie du bluetooth que celle responsable des objets connectés (appelée LE ou Low Energy) via une mise à jour à la fois matérielle et logicielle. Deuxièmement développer un codec audio nouvelle génération, le LC3, bien supérieur au SBC actuel à bitrate égal. Dans la foulée les grandes lignes du Bluetooth 5.2 (à partir duquel le Bluetooth LE Audio pourra être intégré) ont été définies, montrant que le Bluetooth LE Audio restera dans des débits très mesurés. Il ne sera par exemple pas possible d'intégrer le LDAC sur ce type de Bluetooth.
Le but de cette future norme sera à terme d'unifier le Bluetooth à terme. En plus de supprimer l'ancien Bluetooth Classic, elle permettra de réduire la consommation et devenir bien plus souple. Multi-streaming, possibilités de partage audio, broadcast, vraie connexion True Wireless, possiblement du multi-canal, tout sera fait pour l'éloigner de son actuel standard sclérosé.
Sans même parler de tendance, le LE Audio sera une règle, puisque tous les acteurs du marché devront bien s'y soumettre. Mais pour avoir une idée de ce futur prometteur, il faudra sans doute patienter jusqu'au CES 2021 voire 2022.
En conclusion
Le CES 2020 a parlé : l'avenir audio grand public se mêle de plus en plus à celui des autres objets connectés.Devenu de très loin le secteur le plus dynamique, le True Wireless va clairement rouler sur l'audio nomade en 2020, accentuant la tendance observée depuis plus de 2 ans. Habituellement dans une moyenne haute de 150-180 euros, le marché va également connaitre une petit explosion des prix de son haut de gamme, pour lequel la réduction de bruit active tend à devenir une norme, gonflant le tarif de 200 à 300 euros en moyenne.
Le casque audio conservera encore son avantage sur le haut de gamme, autonomie, qualité des puces et de l'ANC. En revanche, les milieux et entrées de gamme (ce dernier grignotant ce qu'il reste d'encore vivant côté filaire), risquent de devenir un peu oubliées, des gammes qui seront encore là de nombreuses années, mais sans être vraiment mises en avant par les constructeurs ni vraiment dynamiques.
En sédentaire, la mode des barres de son s'accentue. À la manière des True Wireless, leur côté pratique et connecté prend le pas sur les vrais ensembles multi-enceintes, trop compliqués pour le grand public. Dolby Atmos, DTS:X, multiroom, appel aux assistants vocaux, la barre de son est une enceinte connectée multi-usage, et non plus seulement un produit sonore.
L'annonce du futur Bluetooth LE Audio dessine le futur de ce type de casques et écouteurs. Plus souple, moins énergivore, il risque de marquer une vraie rupture dans l'industrie. La prochaine norme, mais une norme encore lointaine.