Plus jeune et plus rapide vainqueur du Vendée Globe de l'histoire, le skipper français âgé de seulement 32 ans a aussi remporté la fameuse Route du Rhum en 2014. Sous les couleurs de son sponsor, la MACIF, le jeune prodigue passe à la vitesse supérieure en prenant pour la première fois place à bord d'un maxi-trimaran concourant dans la classe reine « Ultime ». Celle-ci inclut les plus grands multicoques de course à partir de 60 pieds (30 m).
Le MACIF est un mastodonte de 14,5 tonnes qui mesure 30 m de long pour 21 m de large avec un immense mât qui culmine à 35 m de hauteur. Conçu pour la course autour du monde en solitaire, le voilier embarque un véritable arsenal technologique. Titulaire d'un diplôme d'ingénieur en génie mécanique, le navigateur a mené la conception du bateau de bout en bout. Il multiplie les partenariats et les projets avec des spécialistes des nouvelles technologies, dont le fabricant de processeurs Intel qui fournit une partie de l'équipement informatique.
Pour la 12e édition de la Transat Jacques Vabre qui se court en double, François Gabart a pris la barre du MACIF aux côtés du skipper Pascal Bidegorry. Après 12 jours de course dans des conditions métrologiques particulièrement musclées, le duel a franchi la ligne d'arrivée en première position ! Pas moins de 17 bateaux sur les 42 en lice ont abandonné ou chaviré avant de pouvoir atteindre les côtes brésiliennes. Une performance impressionnante pour la toute première course du bateau, à peine deux mois après sa mise à l'eau. Tour du propriétaire de ce nouveau bolide des mers.
Un bateau hors norme
La construction du MACIF a duré 18 mois, nécessité plus de 100 000 heures de travail, et mobilisé plus d'une centaine de personnes. Les innovations technologiques commencent par la structure du voilier à la fois légère (pour sa taille) et suffisamment solide pour résister aux conditions extrêmes de navigation qui rythment les courses comme le Vendée Globe.Pour créer la forme hydrodynamique la plus performante possible, Intel a mis à disposition des concepteurs ses centres de calculs basés au Royaume-Uni afin de leur permettre de faire des simulations numériques. Ils ont réalisé 150 simulations complexes pour tester virtuellement différentes formes de bateau et leur comportement dans toutes sortes de conditions à une vitesse maximale de 45 nœuds. Théoriquement, ce voilier de dernière génération en matériaux composites constitue l'un des bateaux de course les plus rapides jamais conçus. L'objectif est d'établir de nouveaux records de courses autour du monde à l'horizon 2017.
L'une des innovations majeures du trimaran réside dans la conception de la zone de vie appelée « la cabane ». Outre sa forme inspirée des cockpits des avions, elle possède la particularité d'être placée sur le pont à l'arrière du bateau dans le prolongement des postes de barre, et non pas à l'intérieur de la coque centrale comme c'est l'usage sur les grands trimarans. Cette configuration novatrice permet au marin de passer en un pas de la zone de vie à la zone de manœuvres (winch) et de pouvoir gagner un temps précieux durant une course. La cabane et le cockpit sont par ailleurs protégés par une « casquette » intégralement recouverte de panneaux solaires. Chaque centimètre du bateau a été optimisé pour offrir un maximum de confort et de sécurité au skipper.
« Je considère la voile comme un sport mécanique. La course commence bien avant le jour du départ : il y a peut-être 70 à 80 % du boulot qui est déjà fait avant de partir durant la mise au point du bateau, la préparation et le travail avec l'équipe. Je pense que c'est pareil dans le sport automobile : plus un pilote va aider au développement de la voiture, plus elle va être performante. Le jour du départ, on sait déjà qu'il y en a qui ont plus de chances de gagner que d'autres. J'adore la technique, je suis amoureux des bateaux, et je suis super fier de ce qu'on a réussi à faire » explique le marin qui reconnaît que sa double casquette d'ingénieur et de navigateur représente un sérieux avantage.
La course technologique
Au-delà du talent des navigateurs, les courses en solitaire autour du monde sans assistance et sans escale requièrent des équipements technologiques de premier plan. Pour pouvoir intervenir à tout moment sur le bateau, traiter les informations météo, optimiser le routage, communiquer avec son équipe à terre, manger, ou encore dormir, tout en continuant à avancer, le navigateur confie la barre au pilotage automatique, la grande majorité du temps. Par sécurité, le MACIF embarque trois systèmes de pilotage automatique. Cette assistance informatique demande une importante capacité de calculs.Le système doit en effet être en mesure d'analyser et de traiter très rapidement les données récoltées en temps réel par les différents instruments de navigation - comme les scenarii météo, le cap, le vent, les mouvements dynamiques, la gîte (inclinaison du bateau), etc. - de façon à barrer le bateau de manière très précise en lieu et place du skipper. Pour réaliser des performances dans une course en solitaire, François Gabart estime que la précision du pilotage automatique est absolument fondamentale.
Le bateau comprend deux barres de navigation à gauche et droite du cockpit, et une multitude d'instruments de navigation intégrés dans la zone de manœuvre indiquant en permanence la vitesse, le cap, l'angle du vent, etc.
Les équipements high-tech
L'équipement électronique et informatique embarqué à bord d'un voilier de course doit être à la fois léger, fiable, résistant et consommer le moins d'énergie possible. Toute la puissance de calculs et le câblage sont dissimulés à l'intérieur de la coque centrale, sous la cellule de vie du pilote. Le MACIF embarque notamment deux mini-ordinateurs Intel NUC basse consommation, équipés de processeurs Corei5, et rendus étanches par le spécialiste Akasa. A l'intérieur de la cabine où le skipper passe la majorité de son temps, le pilote a accès à tous les périphériques : deux écrans tactiles avec un clavier sans fil équipé d'un joystick, un micro-casque pour communiquer par visioconférence, plusieurs GPS, des téléphones satellites, ou encore, le pilote automatique.Deux antennes satellites positionnées à l'arrière du bateau et reliées aux PC assurent la connexion à Internet. Au total, le trimaran compte plus d'une quinzaine d'écrans. Deux afficheurs étanches et de très haute définition Sailmons sont intégrés de chaque côté de la base de l'immense mât pour que le skipper puisse toujours avoir les informations importantes sous les yeux (cap, vitesse...). Pour produire l'énergie nécessaire à l'alimentation de l'électronique embarquée, le bateau possède un moteur à gazole destiné à faire tourner un groupe électrogène, des panneaux solaires, et une éolienne de secours en cas de coup dur.
La « cabane » est la zone de vie du skipper qui comprend une partie des équipements électroniques, mais aussi le nécessaire pour manger et dormir.
Le temps où les skippers se servaient de leur instinct et de cartes marines sur la « table à cartes » pour mettre au point leur stratégie de course est bel et bien révolu. Aujourd'hui, les concurrents reçoivent d'innombrables informations en temps réel. Outre des GPS et le système AIS qui permet au skipper de savoir quels concurrents se trouvent aux alentours ainsi que leur vitesse et leur cap, le MACIF reçoit en permanence des informations de météo marine très précises fournies par le spécialiste Squid. Il dispose aussi du logiciel de prédiction Adrena qui se charge de calculer la trajectoire idéale du bateau, ou encore du programme Deckman de B&G qui fournit de puissants outils tactiques pour optimiser la stratégie de course. Pour la communication audio/vidéo, le navigateur utilise tout simplement Skype sur l'un des ordinateurs de bord.
Sur l'écran d'ordinateur, le logiciel Adrena fournit des prédictions pour optimiser la trajectoire du bateau. Au-dessus, deux des nombreux instruments de navigation B&G qui affichent différentes informations comme la vitesse du vent et du bateau, le cap, la direction du vent, etc.
Une course technologique
Outre le matériel intégré, le navigateur possède des équipements nomades dont un ordinateur portable 2-en-1 renforcé Asus Transformer Book T300 Chi. Il lui permet de modifier les informations à afficher sur les écrans, disséminées sur le bateau, depuis le cockpit. Sur lui, le skipper dispose de deux montres, dont une qui ne le quitte jamais pour commander le pilote automatique à distance. Elle lui permet de l'enclencher, ou au contraire, de l'éteindre pour reprendre la barre, ou de modifier le cap au degré près. Il porte aussi une montre connectée physio Basis Peak destinée à collecter des données sur sa fréquence cardiaque, sa température, ou encore ses cycles de sommeil.Le skipper participe à un programme de recherche scientifique sur la gestion du sommeil qui constitue le nerf de la guerre dans une course en solitaire. Les relevés sont analysés afin de permettre au sportif d'améliorer ses cycles de sommeil d'une course à l'autre. « Pour le moment, les informations récoltées par la montre ne sont pas envoyées en temps réel à mon équipe à terre, mais après la course. Mais je pense que c'est l'avenir et qu'à terme, il y aura des montres qui permettront d'avoir par exemple un suivi permanent avec une équipe médicale à terre, et de lancer une alerte en cas de malaise ou d'avarie du bateau ». C'est l'ingénieur qui parle... Précurseur, François Gabart mène de front de nombreux projets avec Intel pour essayer d'améliorer les outils informatiques embarqués. Ils développent notamment un écran étanche sans fil qui serait capable d'afficher toutes les informations des outils de navigation pour diminuer le nombre d'écrans à bord, le câblage, et ainsi réduire le poids global du bateau.
Autres projets en cours de développement : des vêtements connectés qui pourraient fournir des informations sur son état physique, et un système de communication binaural. Il s'agit pour le moment d'un prototype comprenant des écouteurs et deux micros pour enregistrer les sons à bord du bateau avec une restitution spatiale très précise. Outre un son en haute définition qui améliore la qualité des communications, cette technologie pourrait permettre au skipper de faire écouter à son équipe technique au sol, les éventuels bruits causés par une avarie afin qu'ils puissent l'assister dans une réparation.
Le MACIF prend son envol
Outre les différentes évolutions technologiques, François Gabart ambitionne de pouvoir faire à terme « voler » le MACIF dans les courses en solitaire. Dans la dernière course de l'America Cup, les catamarans équipés de foils de nouvelle génération volaient littéralement sur l'eau. Les foils sont des sortes d'appendices en forme d'aile d'avion recourbées placées sous les coques et qui permettent de diminuer la résistance à l'eau et de soulever le bateau au-dessus de l'eau lorsqu'il prend de la vitesse. « Ce qui s'est passé sur la coupe de l'America dans la notion de faire voler les bateaux est énorme. Aujourd'hui on sait faire voler les bateaux sur une mer plate, près des côtes et en équipage, mais on ne sait pas techniquement voler au large avec de grosses vagues et en solitaire. L'un des objectifs du projet MACIF est d'y parvenir. Pour l'heure, cette technique va déjà nous permettre d'alléger la portance du bateau et d'aller beaucoup plus vite ».Faute de temps, l'équipe n'a pu installer qu'un seul foil sur les deux de prévu sur le MACIF avant le départ de la transat. Cela n'a pas empêché François Gabart et Pascal Bidegorry de réaliser une incroyable performance en se hissant à la première place du podium. Tous les espoirs sont désormais permis pour que le navigateur parvienne à établir un nouveau record de vitesse autour du monde en 2017.