Issue du fameux contrat public-privé « Commercial Crew », Crew Dragon est la capsule spatiale habitée de SpaceX. Réutilisable et fortement sollicitée par la NASA, elle embarque des astronautes vers et depuis la Station Spatiale Internationale depuis 2020. Mais elle est aussi disponible pour le tourisme…
Elle devrait voler durant toute la décennie.
Crew Dragon : les origines
Le programme Crew Dragon trouve ses racines il y a presque 15 ans déjà. Avant le contrat que passe la NASA avec SpaceX en janvier 2015 lors de la sélection avec Starliner de Boeing pour amener des astronautes vers et depuis la Station Spatiale Internationale (ISS). En effet, lorsque la NASA« sauve » SpaceX en 2008 en lui confiant la tâche d'emmener du fret sur l'ISS, il y a d'ores et déjà l'ambition d'en faire une version habitée. Les allers-retours des « cargos » Dragon permettront à SpaceX d'acquérir de très nombreux savoir-faire technologiques critiques, que l'entreprise n'aura plus à développer ensuite ! Néanmoins, elle suivra finalement le calendrier de la NASA pour obtenir les financements du programme « Commercial Crew », et obtient en consécration 440 millions, puis 2.6 milliards de dollars lors des différentes étapes du programme. Le 30 mai 2014, Elon Musk donne l'une de ses fameuses « présentations » devant un parterre d'employés et de journalistes et dévoile Crew Dragon.
Crew Dragon est donc une capsule habitée, conçue à l'origine pour embarquer 7 astronautes et pour pouvoir non seulement s'amarrer à la Station spatiale internationale en orbite basse, mais aussi réaliser des missions en solo autour de la Terre et même éventuellement de la Lune. Crew Dragon devait pouvoir décoller avec deux lanceurs différents, et devait même atterrir sur un sol dur sans système de parachutes, en utilisant ses puissants moteurs SuperDraco installés sur ses flancs. Mais attention : ce n'est pas le cas aujourd'hui, car entre la présentation en 2014 et la capsule qu'utilise la NASA depuis 2020, il y a eu de nombreux changements de ses caractéristiques.
Crew Dragon, c'est quoi ?
La capsule de SpaceX se compose de deux éléments distincts. D'abord, partie pressurisée en forme de cloche qui abrite les sièges et l'espace de vie pour quatre occupants, mais aussi le système d'éjection d'urgence et le bouclier thermique. Puis il y a le « coffre » (ou trunk en anglais), utilisé pour fournir l'énergie à Crew Dragon avec ses panneaux solaires, mais aussi pour assurer l'aérodynamique de la sonde avec ses ailerons et sa forme allongée. Si la partie pressurisée est réutilisable, le coffre, lui, est largué et se désintègre à chaque vol en entrant dans l'atmosphère. Avec un diamètre de 4 m, 13 tonnes sur la balance et 9,3 mètres cubes pressurisés, elle offre un petit peu moins de volume intérieur que sa concurrente Starliner. La capsule n'est plus prévue pour 7, en particulier à cause du placement des sièges et l'agencement intérieur.
Crew Dragon est fabriquée et recyclée à Hawthorne, sur le site historique de SpaceX en Californie, et envoyée en Floride quelques semaines avant son décollage. C'est aussi sur la côte Ouest que se trouvent les simulateurs.
Crew Dragon décolle depuis le Centre Spatial Kennedy, sur le site LC-39A (site emblématique de la conquête lunaire et des navettes) avec un lanceur Falcon 9. Il était prévu un temps d'utiliser Falcon Heavy pour envoyer Crew Dragon jusqu'à l'orbite lunaire, projet abandonné depuis 2018… qui condamne Crew Dragon à rester en orbite basse. Le processus pour certifier Falcon 9 avec une capsule habitée a pris beaucoup de temps, car en parallèle du développement de Crew Dragon, deux échecs de lancements en juin 2015 et septembre 2016 ont entaché la réputation de SpaceX, tandis que les évolutions de la fusée pour sa version réutilisable étaient longtemps vus comme peu compatibles avec la fiabilité attendue pour envoyer des astronautes.
Peignez tout en blanc
L'intérieur de la capsule Crew Dragon est d'un blanc immaculé, et adopte un design le plus épuré possible. Les deux astronautes au centre du véhicule (le pilote et le commandant) ont devant eux un panneau de commandes rétractable et quasi-intégralement tactile, tandis que ceux placés sur les côtés ont une « place hublot ». Il y a peu d'intimité, l'espace étant géré de façon la plus ouverte possible, avec toutefois un dispositif de toilettes (qui a eu son lot de pannes et même une fuite entre cloisons en 2021). Les sièges sont ajustés précisément avant le vol pour correspondre à la morphologie des astronautes, tandis que les combinaisons sont taillées sur mesure. Comme le reste de la capsule, ces dernières, très proches du corps et au design innovant ont beaucoup fait parler d'elles. Blanches et grises, elles ont été dessinées en partie par le costumier d'Hollywood Jose Fernandez, qui a travaillé sur la combinaison d'Iron Man… Elles sont reliées à la capsule Crew Dragon par un tuyau à la cuisse.
L'aller et le retour
Comme Starliner, Crew Dragon est généralement pilotée par son propre ordinateur de bord, y compris pour aller s'amarrer à la Station Internationale, sur laquelle la capsule utilise l'un des deux ports IDA (International Docking Adapter). Les astronautes peuvent toujours reprendre le contrôle en cas de problème durant l'approche… Et vous pouvez même vous y essayer, sur un petit simulateur proposé par SpaceX sur Internet. A la fin de sa mission, Crew Dragon éjecte son « coffre » (qui reste quelques jours de plus en orbite), ferme son cône avant qui protège l'écoutille d'amarrage, puis freine pour entrer dans l'atmosphère. Contrairement à ce qui était préparé les premières années, Crew Dragon amerrit au large de la Floride (côté Atlantique, ou dans le Golfe du Mexique, les deux sont possibles), avant d'être sécurisée et amenée sur le pont du bateau de récupération de SpaceX. Les astronautes, après un bilan médical, sont héliportés à terre et le navire retourne à Port Canaveral.
Quelques petits retards…
Le développement de Crew Dragon ne fut pas aisé. Surtout, SpaceX avait mal anticipé l'agenda nécessaire, avec des annonces initiales prévoyant un vol de la capsule vers l'ISS dès 2017 ! Le 8 mai 2015, l'entreprise impressionne le monde et se donne une publicité avec le test d'éjection d'urgence de la capsule depuis le site de lancement. Pourtant, rien d'autre que les moteurs n'est prêt, la capsule est vide, et n'a quasiment aucune de ses fonctions finales ! Le test suivant attendra mars 2019, avec le vol DM-1 (Demonstration Mission) qui rejoint la Station Spatiale Internationale pour une grosse semaine de tests avant d'amerrir avec succès. La route semble toute tracée vers le premier vol habité… Mais le 20 avril, cette même capsule explose au sol, lors d'un test statique de ses moteurs d'éjection d'urgence. La NASA et SpaceX montent une enquête, qui aboutira à la modification du design des vannes. Néanmoins, le débat sur la sécurité est relancé. Quelques semaines plus tard, SpaceX fait face à d'autres soucis de développement pour ses parachutes.
Il fallut du temps pour que SpaceX et la NASA, qui autorise ou non les vols, puissent mettre en place la première mission habitée. Le 19 janvier 2020, l'entreprise californienne effectue un test réussi d'éjection de la capsule en vol en simulant un problème lors de la phase la plus dynamique de la montée. Très impressionnant, même si ce n'était pas demandé par la NASA. Toutefois, cela renforce la confiance dans le système. Le premier vol habité, avec Douglas Hurley et Bob Behnken, eut lieu quelques mois plus tard le 30 mai 2020. Une fois amarrée à la station, et en l'absence de problèmes, les deux occupants sont finalement restés sur l'ISS pour une mission de deux mois, jusqu'au 2 août. Après avoir examiné en détail les données de ce dernier vol de test, la NASA certifie la capsule Crew Dragon pour les missions habitées. C'est le début des rotations régulières de Crew Dragon vers et depuis l'ISS.
Les astronautes NASA… et les autres !
La première mission régulière de longue durée pour Crew Dragon sur l'ISS a lieu le 16 novembre 2020 (Crew-1). Elles vont alterner avec un décollage tous les six mois environ. En cette mi-2020, la mission SpaceX Crew-4 est en cours, et l'équipage de Crew-5 est à l'entrainement. La NASA a commandé 14 missions en tout pour l'instant, grâce à différentes extensions de contrat. SpaceX opère 4 capsules Crew Dragon, qui sont réutilisées après inspections et éventuels changements des éléments comme le bouclier thermique. Selon SpaceX, il ne devrait pas y avoir de nouvelles capsules à l'avenir, l'entreprise comptant sur ses capacités de réutilisation (chaque Crew Dragon est conçue pour 5 missions au moins)… Mais en 2022, cette affirmation n'est pas gravée dans le marbre.
Leurs noms sont : Endeavour, Resilience, Endurance et Freedom.
Crew Dragon a une aura qui dépasse celle de l'utilisation de la NASA. En effet, dans le cadre du contrat public-privé Commercial Crew, SpaceX a le droit de proposer sa capsule pour des vols hors agence… Et ne s'en prive pas ! Une première mission totalement privée, Inspiration4, a lieu en septembre 2021, sans aucun astronaute professionnel (ni expérimenté), et sans rejoindre l'ISS. Elle atteint d'ailleurs une orbite supérieure de 585 km d'altitude : idéal pour la vue à 180° grâce au hublot panoramique installé par SpaceX. Le milliardaire Jared Isaacman en reviendra conquis, et se commande début 2022 un véritable « programme spatial privé » en partenariat avec SpaceX. Une autre entreprise s'allie avec la firme d'Elon Musk dès 2021, pour proposer des rotations de touristes privés avec l'accord de la NASA au sein même de l'ISS : Axiom Space. La première mission, avec un astronaute privé accompagnateur et trois touristes a eu lieu en avril 2022. Il y en a au moins une autre de prévue.