Scanner Sense : la modélisation 3D à bout de bras ?
Il y a à peine plus d'un an, nous vous faisions découvrir la Cube, une des premières imprimantes 3D destinées au grand public, et la première à débarquer à la rédaction. La société 3D Solution Systems, qui assure sa conception, nous a cette fois proposé d'essayer le Sense, un scanner portable tridimensionnel supposé transformer la modélisation 3D en jeu d'enfant. Cette étape étant précisément un des principaux points bloquants à l'essor de l'impression 3D dans les foyers (la modélisation exige des compétences spécifiques), le Sense pourrait devenir un outil puissant, sur le papier.
Imaginez qu'il suffise de brandir un appareil, de faire le tour d'un objet ou d'une personne pour obtenir une reproduction exacte en 3D, prête à être imprimée par n'importe quelle imprimante tridimensionnelle. C'est dans les grandes lignes ce qu'est censé faire le Sense. L'appareil revêt la forme d'une poignée, un peu comme une agrafeuse murale, et se base sur trois composants pour opérer : un capteur CMOS est employé à l'analyse la profondeur, un faisceau laser infrarouge donne des informations de distance, tandis qu'un capteur d'image standard emmagasine les textures à apposer sur le volume.
Le constructeur ne précise pas si son système fonctionne par triangulation (mesure d'angle entre CMOS et laser) ou par relevé temporel (mesure du temps entre émission et réflexion du faisceau). Le logiciel Sense réceptionne tout le flux de données, via le câble USB de l'appareil. Puis la magie opère... ou pas.
De notre expérience avec ce Sense, certes assez succincte, c'est un sentiment de déception qui domine. D'un point de vue ergonomie, le balayage autour d'un objet à 38 cm de distance au minimum (mais plus souvent autour de 50 cm voire 1 m) est tout sauf aisé avec un appareil câblé, malgré les 2,13 m de cuivre. Du sans-fil serait beaucoup plus pertinent. L'absence d'un bouton pour lancer et stopper l'acquisition sur le Sense constitue également une réelle lacune. Il faut appuyer sur la touche espace du clavier, et sauf à disposer d'un clavier sans-fil, l'action vous amènera à bouger et donc à créer un flou sur votre capture. La visée n'est pas non plus évidente. 3D Solution Systems préconise de regarder l'écran pour bien maintenir son sujet centré dans la cible. Soit, mais quand on tourne autour de l'objet, on finit forcément par tourner le dos... à l'écran. La visée à l'œil aurait été plus simple si le constructeur avait ajouté un pointeur laser non infrarouge (c'est-à-dire visible).
Cette vidéo promotionnelle montre bien que le constructeur vise le grand public. Mais pour ce qui est de la numérisation du chat en un balayage désinvolte, avec l'appareil collé sur la bête, on se situe dans le domaine du mensonger...
Toutefois les limitations quant à la nature des objets à modéliser et sur la qualité des rendus finaux restent le plus gros souci. L'interface du logiciel, au passage enfantin à utiliser, a beau se découper en petits, moyens ou gros objets, force est de constater que le petit n'est pas si petit que cela. Nous avons essayé de modéliser le porte-clef « Clubic » que nous avions réalisé avec la Cube il y a un an : rien à faire. Et pour cause, l'appareil ne peut en effet pas scanner un volume inférieur à 20 x 20 x 20 cm. Oubliez la pièce de modélisme ou la petite figurine ! Dans tous les cas, il est préférable d'utiliser un support pivotant pour l'objet et de placer le Sense sur trépied, plutôt que de tourner autour du sujet fixe avec le Sense. Enfin la précision des résultats laisse toujours à désirer, et exigera toujours du post-traitement avec les outils pas très précis que propose 3D Solution Systems. Il faut dire qu'avec un capteur en 320 x 240 pixels...
Et les impressions de la Cube 2 sont toujours aussi longues et grossières : si vous faites votre buste, il va falloir imprimer assez grand. Par ailleurs, les zones à imprimer dans le vide (menton, nez, etc.) sont toujours mal effectuées, à l'image des lunettes de notre modèle, Ludo, qui ont tout simplement disparu. Il aurait fallu activer l'option « supports » qui ajoute des sortes d'échafaudages de plastique pour combler les vides. Mais il faut alors prévoir beaucoup de manipulations pour nettoyer l'impression finale, au cutter et à la lime. Et l'impression est encore plus longue...
Conclusion
En conclusion, nous sommes tentés de relativiser en rappelant qu'il s'agit d'un premier coup d'essai pour le constructeur, sur un type de produit encore assez frais. Certes la technologie employée par le Sense existe depuis longtemps dans d'autres domaines, notamment industriel, géologique ou médical. Et une concurrence importante existe déjà, chez Makerbot, Creaform, Fuel3D, Matter & Form ou encore NextEngine. Mais pas à ce prix agressif de 329 €. L'intention de 3D Solution Systems est tout à fait louable, même si pas totalement désintéressée. Il s'agit en effet pour le constructeur de lever la barrière de la modélisation 3D freinant encore la démocratisation des imprimantes 3D qu'il fabrique.
Il serait logique que ce type d'appareil soit amené à se développer, si toutefois la mayonnaise de l'impression 3D, au sens large, prend auprès du grand public. Cela implique des imprimantes plus abordables, plus précises et rapides, et offrant davantage de coloris simultanés. Ce qui reste pour l'instant l'apanage des imprimantes haut de gamme, hors budget pour le quidam. Intéressant donc, mais pas encore à la hauteur de ses ambitions ni de nos attentes. Peut-être qu'un Sense 2 sur une meilleure imprimante (une Cube 3 ?) pourrait nous faire changer d'avis...