L’impression 3D, l’industrie prend une nouvelle dimension

Frédéric Cuvelier
Publié le 26 juillet 2013 à 16h48

L'impression 3D, l'industrie prend une nouvelle dimension

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Une nouvelle technologie est une opportunité pour les entreprises de s'insérer dans un marché, ou de relancer des ventes parfois en perte de vitesse. L'arrivée de la 3D sur les téléviseurs, même si elle n'a pas incarné la révolution espérée, en est un parfait exemple.

Mais de l'avis de certains scientifiques, analystes ou investisseurs, l'impression 3D ne semble pas être une simple innovation au service d'un marché existant, et constituerait une technologie de rupture qui pourrait tout simplement chambouler l'industrie telle que nous la connaissons actuellement, tout autant que nos habitudes de consommation.

L'une des caractéristiques d'une technologie de rupture, c'est souvent qu'on ne la voit pas arriver, ou qu'on en sous-estime la portée. En cela, l'impression 3D a tout de ce genre d'innovation. Car si cette technologie a ses partisans, elle a aussi ses détracteurs. Et malgré la veille technologique accrue des entreprises et la circulation extrêmement rapide de l'information, qui permettent aujourd'hui d'entrevoir les nombreux domaines d'applications de l'impression 3D, il n'en demeure pas moins que personne à l'heure actuelle ne peut prédire l'avenir de cette technologie et ses conséquences réelles sur notre modèle économique.

L'impression 3D, nouvelle révolution industrielle ou simple évolution technologique ? Nous vous proposons dans cet article d'expliquer comment est utilisée, aujourd'hui, l'impression 3D, ce qu'elle peut impliquer pour une entreprise et ce qui pourrait conditionner le succès de cette technologie, ou au contraire limiter son champ d'action.

Note : ce dossier intervient à un moment où le sujet de l'impression 3D est particulièrement vivace. Les informations apportées dans les pages qui suivent sont donc à considérer à la date de publication.

Le potentiel de l'impression 3D

Vous l'aurez compris, le but n'est pas ici d'étudier en détail le fonctionnement d'une imprimante 3D. Pour cela, vous pouvez consulter notre récent test de la Cube de 3D Systems.

Rappelons simplement que l'impression 3D (ou stéréolithographie) a été inventée dans les années 90 par le très réputé MIT. Elle consiste en un procédé dit additif (en opposition aux découpes soustractives, par exemple) qui dépose de très fines couches de matière les unes sur les autres et crée ainsi un objet. Si vous souhaitez voir ce que cela donne dans les faits, voici une petite vidéo qui illustre ce procédé.


L'impression 3D est aujourd'hui capable de créer bien plus que ces petits objets réalisés par nos soins lors de ce test d'une imprimante « grand public ». Cette technologie a en effet de très nombreux domaines d'applications et elle parvient à faire parler d'elle : on se rappelle de la très futuriste robe de la créatrice Iris van Herpen présentée lors de la dernière fashion week.

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La robe de la créatrice Iris van Herpen

Si une telle vitrine attire l'attention, elle pourrait avoir le tort de limiter l'impression 3D a un phénomène de mode qu'elle n'est sans doute pas. Car il y a bien d'autres intérêts à cette technologie que la bijouterie ou la décoration, pour laquelle elle commence à être utilisée.

De multiples domaines d'applications

Le domaine dans lequel l'impression 3D est aujourd'hui le plus en vogue est probablement le prototypage, nous y reviendrons. L'architecture, l'art ou le design (et la possibilité de créer des maquettes de façon très simple) sont également des domaines très sensibles à l'arrivée de cette innovation. Toutefois, les métiers de la création ne sont pas les seuls qui peuvent tirer profit de l'impression 3D. L'aviation, l'automobile, le sport et même le médical sont autant de terrains fertiles pour l'impression 3D.

Certaines industries utilisent cette technologie depuis longtemps. L'industrie aéronautique fut parmi les premières à adopter la stéréolitographie. Sachez par exemple que certains éléments des récents A380 d'Airbus sont fabriqués selon cette technologie, alors que Boeing, qui utilise l'impression 3D depuis 1997, revendique 20 000 pièces conçues de cette manière.

D'autres sociétés découvrent le potentiel de l'impression 3D comme une nouvelle opportunité : Nike et New Balance ont démontré que l'impression 3D permettait de fabriquer certains éléments de leurs chaussures (des crampons ou des semelles, en l'occurrence) que les technologies traditionnelles étaient bien incapables de produire.

L'impression 3D ouvre également la voie à de nouvelles idées : au Japon fleurissent déjà des photomatons capables de recréer des figurine à votre effigie en 3D. Un scanner tridimensionnelle prend vos mensurations tandis que l'imprimante les retranscrits.

Enfin, la recherche et développement, friande de nouvelles technologies, s'est évidemment emparée de l'impression 3D : la Urbee 2, création des sociétés Kor Ecologic et Stratasys, est la première voiture dont la structure a été conçue via un procédé additif (un véhicule imprimé en 104 jours tout de même), tandis que des chercheurs de l'Université de Harvard sont parvenus à créer une batterie de seulement un millimètre de large et constituée de couches de seulement 30 microns d'épaisseur.

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Urbee 2, la première voiture conçue via un processus additif


Des controverses à venir

Enfin, il est des domaines où le potentiel est tellement important qu'il génère déjà son lot de controverses. Le domaine du médical est de ceux-là. La création de la prothèse trachéale qui a récemment permis de sauver un nourrisson, ou celle de cet exosquelette qui s'adapte aux bras d'un enfant au fur et à mesure de sa croissance sont certes des avancées prodigieuses d'un point de vue médical que personne ne vient remettre en cause.

Mais de sérieux problèmes éthiques apparaissent lorsqu'il s'agit de bio-printing, de création d'organes (une société américaine cotée en bourse, Organovo, souhaite en faire sa spécialité) ou de génération de cellules-souches.

Et que dire de l'armement, alors même que le premier cas de fusil imprimé en 3D, particulièrement médiatisé, a réveillé les peurs autour de l'impression 3D ?

L'impression 3D, enjeu politique

Les questions que soulève cette nouvelle technologie imposent inévitablement l'intervention politique. Mais les dirigeants sont pour le moment davantage tournés vers l'aspect économique et industriel de l'impression 3D.

Le 12 février 2013, lors de son discours sur l'Etat de l'Union, Barack Obama a ainsi déclaré : « L'impression 3D a le potentiel pour révolutionner la manière dont nous fabriquons presque tout ». Le gouvernement américain a ainsi investi 30 millions de dollars dans la création d'un institut pilote dans l'Ohio.

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Barck Obama, durant le dernier discours sur l'Etat de l'Union

Une déclaration a priori pavée de bonnes intentions, même s'il convient de ne pas éluder les éléments politiques qui se cachent derrière une telle intervention : l'une des conséquences de l'essor de l'impression 3D serait la possible relocalisation de certaines entreprises. L'impression 3D comme argument protectionniste, véritable outil pour conserver des emplois sur le sol américain ? « Cet institut va permettre de s'assurer que les emplois dans ce secteur ne prendront pas racine en Chine ou en Inde, mais bien sur le territoire américain », a sans détour expliqué le président Obama. Même son de cloche de la part du gouvernement anglais, qui a également investi 17,5 millions d'euros dans cette technologie.

Et quand les anglo-saxons voient dans l'impression 3D un salut pour leurs emplois, les Chinois espèrent quant à eux asseoir leurs déjà impressionnantes possibilités de production : « Les techniques de fabrication par addition vont permettre des cycles de production plus courts, de mieux répondre aux besoins des consommateurs » a ainsi déclaré Chen Deming, ministre du commerce chinois entre 2007 et 2013.

Alors que le français Scuplteo a été récompensé du prix Best of Innovations pour son application mobile d'impression 3D lors du dernier CES, et que sera organisé, en novembre prochain, le salon 3D Printshow à Paris, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault reste pour le moment particulièrement discret sur le sujet. La visite du premier ministre et de Fleur Pellerin au FacLab de Gennevilliers, en février dernier, ou encore l'intervention du ministère du redressement productif lors du récent rachat de Phidias Technologies, sont restées plutôt confidentielles. Un rachat qui illustre pourtant bien les mouvements engagés actuellement autour de l'impression 3D.

Investissements et perspectives

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Raphaël Gorgé
Le Groupe Gorgé, dont le domaine de compétences tourne principalement autour de la sûreté nucléaire, s'est porté acquéreur de 88% du capital de la société Phidias Technologies, spécialisée dans le développement et la commercialisation de machines d'impression 3D.

Plus récemment encore, le français Phenix Systems est tombé dans l'escarcelle de l'américain 3D Systems. En dehors de nos frontières, le géant de la distribution Amazon a investi dans la société Makerbot, cette dernière ayant tout récemment été rachetée par Stratasys pour un peu plus de 400 millions de dollars. Stratasys, dont les clients se nomment BMW, Adidas, Valeo et la Nasa, acquiert l'ensemble de l'écosystème qui gravitait autour de Makerbot.

Spécialisé dans l'impression 3D professionnelle, Stratasys voit surtout là une occasion de se rapprocher du grand public. Un investissement qui intervient à l'heure où le prix des imprimantes 3D pour les particuliers connaît une baisse importante.

Pour expliquer cette tendance, Mark Frauenfelder, rédacteur en chef du magazine Make, explique à Ars Technica : « Il s'agit d'une combinaison de plusieurs facteurs : le matériel coûte moins cher, le marché a changé d'échelle et on commence à savoir faire des économies sur la conception d'imprimantes bas de gamme ».

Ces économies émanent principalement de la standardisation du matériel (têtes d'impression), des caractéristiques (résolution) ou des matériaux utilisés (ABS ou PLA) chez différents constructeurs. La RepRap se trouve ainsi à 600 euros, alors que la Buccaneer est vendue 270 euros.

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L'imprimante 3D RepRap

Mouvements stratégiques, notamment vers le grand public, engagements politiques, potentiel important, lancement d'une application mobile dédiée par eBay, et même prise en charge de pilotes sous Windows 8.1 et Linux : l'impression 3D est donc au cœur de l'actualité. Dans son rapport annuel de 2012, Wohlers Associates indiquait que 30 000 imprimantes 3D se sont vendues dans le monde en 2011, soit deux fois plus qu'en 2010, pour un taux de croissance annuel de près de 30%.

Une croissance à deux chiffres qui, toujours selon ce rapport, devrait perdurer plusieurs années. Le chiffre d'affaires généré par la vente de produits et services associés à l'impression 3D devrait atteindre 3,7 milliards de dollars dans le monde en 2015, et même 6,5 milliards de dollars en 2019.

Le hype cycle de Gartner place de son côté l'impression 3D au sommet des technologies les plus prometteuses. Incontournable, l'impression 3D ?

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De l'entreprise aux particuliers

L'impression 3D recèle un potentiel important, et nombre d'entreprises emploient déjà cette technologie. Que leur apporte-t-elle, en quoi l'impression 3D peut se révéler intéressante, et quelles en sont les limites ?

L'impression 3D, outil de production flexible

Les petites structures, comme les start-up, voient en cette technologie la possibilité de produire des prototypes à moindres frais, aidées en cela par le système de crowdfundig. Le cabinet d'analyse Gartner explique ainsi que « les premiers adeptes peuvent tester les imprimantes 3D en prenant un risque minime de perte de capital ou de temps, en obtenant éventuellement un avantage dans la conception et le délai de commercialisation des produits par rapport à leurs concurrents ».

Nous avons pu questionner un joaillier lyonnais qui utilise l'impression 3D dans la conception de ses modèles et qui a souhaité rester anonyme. Ce dernier nous a confié que « ce que coûte la cire ou les machines, on le récupère dans le temps de conception. Sur une bague très compliquée, nous passons désormais deux fois moins de temps. »

L'investissement est d'autant plus intéressant qu'il offre une certaine réactivité : la demande changeante des clients ne nécessiterait pas, notamment, de repenser l'outil industriel. Le feed back prend alors une place essentielle et des échanges rapides avec les clients / consommateurs peuvent se révéler très fructueux.

Notre joaillier lyonnais nous indiquait à ce propos que l'impression 3D lui avait permis « d'adapter plus facilement sa production à la demande de sa clientèle, puisqu'il suffit de changer les plans sur son logiciel et de relancer une impression ».

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Exemple de résines imprimées en 3D

Pour ces entreprises, l'impression 3D représente une réelle opportunité de se distinguer en profitant également de l'autonomie offerte par cette technologie. Elles peuvent en effet concevoir de nouveaux produits sans avoir à recourir à des intermédiaires.

Autre argument utilisé par les partisans de l'impression 3D : cette dernière autorise un degré de personnalisation important des produits. Un argument marketing qui pourrait convaincre, à l'heure où gagner des marchés en cassant les prix par des économies d'échelle devient de plus en plus complexe.

Une concurrence pour l'industrie de masse ?

Cette personnalisation poussée serait d'ailleurs la clé de voûte de l'impression 3D. Car qui dit production à la carte dit flux tendu. L'impression 3D pourrait donc réduire la gestion des stocks, diminuant l'intérêt des entrepôts et de toute la logistique associée.

Le gain en termes de coûts et de besoin humain serait alors non négligeable. Un prix de revient également diminué par le type même de fabrication : l'outil de production additif gaspille moins de matières premières.

Ces économies pourraient-elles permettre d'éviter des délocalisations ? Barack Obama y croit. Les industriels beaucoup moins. Terry Gou, fondateur et président de Foxconn ou Jeff Bezos, PDG d'Amazon, ont récemment fait part de leur scepticisme quant à l'apport de l'impression 3D, qualifiée par l'un de gadget, par l'autre de technologie cantonnée au prototypage.

Bernhard Hane, chef du département développement chez Playmobil, n'est pas plus enthousiaste : « Au regard des 100 millions de figurines que nous produisons chaque année, l'impression 3D n'est pour le moment pas une option. Notre camion de pompier, par exemple, est constitué de 92 pièces, qu'il faudrait imprimer en 3D puis assembler. Ça ne peut pas être un business model profitable ».

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Christopher Mims, dans un édito publié sur le MIT Review of Technology, est tout aussi tranché : « De là à ce que l'impression 3D [...] devienne mature à une échelle de temps raisonnable, c'est s'engager dans un déni complet de la complexité de la fabrication moderne ».

Tim Maly, l'un des fondateurs de Wired Design, lui répond dans le même MIT Review of Technology : « Il a raison de dire que l'impression 3D, telle qu'elle est aujourd'hui, ne remplacera pas la chaîne d'approvisionnement industrielle contemporaine. Il s'agit clairement d'une technologie de transition. Les matériaux sont nazes. La résolution n'est pas terrible. Les objets sont fragiles. La matière n'est pas recyclable. »

Avant d'ajouter, à propos du futur de l'impression 3D : « Quelque chose d'intéressant arrive quand le coût de l'outillage chute. Il arrive un temps où les cycles de production deviennent assez petits pour que les économies d'échelle qui justifient l'expédition depuis la Chine ne fonctionnent plus. »

Pour le moment, les deux modes de production seraient donc plus voués à cohabiter, voire à se compléter, qu'à se concurrencer. Notre professionnel du bijou est de cet avis : « Tous les métiers évoluent. La fonte à cire perdue a été une évolution naturelle de notre métier. L'impression 3D en est une autre. La planche à voile n'a pas remplacé le dériveur. Tout ce qu'il faut, c'est intégrer la nouvelle technologie, créer la bonne alchimie. »

Et si l'impression 3D est et sera sans doute à l'origine de nouveaux business models comme celui de Sculpteo, ceux qui tirent actuellement le plus profit de cette technologie sont de la « vieille école » : les fabricants d'imprimantes 3D, évidemment, ceux qui fournissent les matières premières, mais aussi les concepteurs de logiciels 3D. D'après Les Echos, Exane BNP Paribas (société d'intermédiation actions européennes) a récemment estimé que pour Dassault Systèmes, leader en la matière (28% du marché), ce secteur pourrait représenter un chiffre d'affaires de 1,4 milliard de dollars.

L'impression 3D, fin de l'hyper consumérisme ?

L'impression 3D tente donc de se faire une place dans la chaîne industrielle, et le prototypage est déjà une vraie conquête. Toutefois, certains voient plus grand et perçoivent cet outil comme un moyen de court-circuiter cette chaîne en permettant la fabrication directement par un consommateur devenu créateur et fabricant.

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Christopher Mims
Se réapproprier l'outil industriel. Tel est le credo, voire la philosophie des makers, ceux qui font. Leur but : rompre avec le traditionnel circuit de vente pour créer une nouvelle voie, solidaire et non-consumériste, qui fait voler en éclat les concepts d'obsolescence programmée, notamment.

Une utopie ? Pour Christopher Mims, cela ne fait pas de doute : « Le rêve de l'impression 3D de prendre en charge la fabrication traditionnelle, doit être qualifié pour ce qu'il est : une idéologie. »

Pour le particulier, les limitations actuelles sont importantes : le nombre de matériaux est limité, ces derniers sont peu recyclables (même si le pavillon mobile d'Amsterdam utilise des bioplastiques) et une telle conception impose de savoir modéliser en 3D. Shapeways, offre d'autres options que le traditionnel ABS pour ses impressions 3D, mais le choix reste restreint. De même, les logiciels de création 3D (SketchUp, Blender pour les gratuits, Autocad ou 3DSMax pour les payants) restent pour le moment hors de portée des novices.

Pourtant, force est de constater que l'élan impulsé par les makers est important, et que la mayonnaise prend à divers endroits : à San Francisco, où ce mouvement est né, mais aussi dans d'autres villes. Et il prend la forme de FabLab ou de TechShop qui se multiplient partout dans le monde.

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Le TechShop, lieu de création

Fablab, TechShop : le compromis Do It Yourself

Les FabLab sont de petits ateliers où sont mis à la disposition des particuliers, souvent de manière gratuite, des outils de production comme les imprimantes 3D ou les découpeuses laser. L'objectif des FabLab : le prototypage avant tout, à moindres frais.

D'après Julien Deprez, co-fondateur de la start-up Dood et créateur du projet DOM (pour Digital Object Maker), soutenu sur KissKissBankBank, « les FabLab sont des lieux associatifs qui vivent de subventions, donc ça ne durera pas, à la différence des TechShop ».

Les TechShop sont des sortes de grosses FabLab, ou l'entrée est payante (souvent à l'heure), car l'outillage est professionnel et la visée souvent commerciale.

Certes, le particulier seul n'a, actuellement, que peu de ressources à sa disposition. Mais dans le cadre d'une mini-usine où sont mis en commun les moyens et les connaissances, les possibilités sont décuplées. Le concept de Do It Yourself (DIY), qui dépasse largement le cadre de l'impression 3D, a ainsi trouvé en cette dernière un terrain de jeu particulièrement prolifique.

Julien Deprez nous précise : « L'impression 3D intéresse les designers, les bricoleurs, les artistes. Elle devra avoir des applications pour certains métiers avant d'intéresser le grand public. Je pense que tout le monde n'utilisera pas d'imprimantes 3D, car il y a toujours besoin de créateurs, de designers ; et tout le monde n'est pas créateur. On se dirige plutôt vers de l'artisanat 2.0 afin de réaliser des pièces pour un coût plus intéressant que par le biais de l'industrie actuelle ».

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Julien Deprez et sa Digital Object Maker

Certains ont bien intégré ce phénomène et tentent de l'utiliser. Sculpteo permet d'imprimer et de recevoir son objet à partir d'un fichier créé par vos soins, alors que l'enseigne Top Office met à disposition des Replicator 2 de Makerbot dans deux de ses magasins.

Sans avoir à s'équiper, ces solutions permettent d'imprimer des plans conçus par ses soins ou par un tiers. On pourrait en effet imaginer qu'un constructeur qui n'assure plus le SAV d'un de ses produits permettent tout de même au consommateur de changer une pièce en lui proposant le plan de l'élément à changer.

Harold Sears, responsable de l'impression 3D pour le constructeur automobile Ford, voit aussi l'impression 3D comme service. Interrogé par Les Echos, il explique : « Je ne pense pas qu'on laisse jamais nos clients produire à partir de leur imprimante personnelle, car les questions de qualité et de sécurité sont essentielles. Mais ils pourront aller dans un garage Ford ou chez un concessionnaire de leur quartier. C'est une rupture essentielle, qui pourrait intervenir dès la fin de la décennie. »

Ces questions de qualité, de garantie et de sécurité sont par ailleurs les arguments majeurs des entreprises qui cherchent à conserver le contrôle de la production en évitant le do it yourself. Un moyen de minimiser son importance. Cependant, l'objectif est-il de reproduire ce que l'on trouve par le biais des constructeurs, ou de créer quelque chose de parallèle ? La notion de good enough, qui revient à réfléchir au rapport qualité / prix d'un objet, ne devra certainement pas être complètement balayée d'un revers de la main par les constructeurs.

Un combat idéologique en perspective

L'impression 3D ouvre un nouveau champ des possibles pour qui a le goût d'entreprendre. Et si les moyens et matériaux actuels limitent l'action, la technologie évoluera probablement rapidement. En revanche, un autre frein potentiel est d'ores et déjà en train de se mettre en place, avec en point de mire le piratage et le respect de la propriété intellectuelle.

Internet, zone de partages en tous genres

Internet est au centre de l'impression 3D. Parce que les vecteurs de communication que sont Google, Twitter ou Facebook sont désormais incontournables pour promouvoir des produits. C'est encore plus vrai pour l'impression 3D : le potentiel viral des créations réalisées avec une nouvelle technologie est particulièrement important.

« L'impression 3D nous a permis d'apporter à nos clients un catalogue conséquent de fabrications spéciales photographiées et répertoriées sur un site Internet, afin que les bijoutiers puissent répondre aux attentes les plus précises de leurs clients. », précise notre joaillier lyonnais.

Mais Internet, c'est surtout un lieu d'échange, formidable outil collaboratif et une mine d'idées quasi infinie. Seulement voilà, le Web est aussi un terrain où circulent toutes sortes de fichiers, de façon légale ou non. Il n'y a en effet aucune raison que l'impression 3D, dont les créations reposent sur des fichiers informatiques plutôt légers, échappe au piratage.

En faisant un tour du côté du fameux The Pirate Bay, on trouve désormais une section « Physibles » qui recense des fichiers exploitables par les imprimantes 3D. Mais pour l'heure, à y regarder de plus près, on trouve très peu de plans reproduisant des d'objets existants.

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La synergie entre Internet et l'impression 3D est plutôt à chercher du côté de sites comme Thingiverse ou Shapeways, sur lequel on trouve une multitude de plans open-source que les internautes partagent entre eux. Une sorte de Jamendo de l'impression 3D.

Inutile toutefois de le nier, il existe bel et bien sur le Net des fichiers permettant des reproductions illégales, car ne respectant pas les principes de propriété intellectuelle, des droits d'auteur ou un brevet.

Droit d'auteur et brevet au cœur de la problématique de l'impression 3D

Dans « Tintin et le Lac aux requins » de Raymond Leblanc, réalisé en 1972, le professeur Tournesol invente une photocopieuse tridimensionnelle convoitée par Rastapopoulos. Ce dernier veut l'exploiter pour fabriquer des faux en copiant des œuvres d'art volées. Les peurs ne datent pas d'hier.

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Le cube de Super 8
En 2011, un internaute partage sur Shapeways un plan permettant la reproduction du cube visible dans le film Super 8. Il faudra 18 heures à la Paramount pour interdire la vente de l'objet et faire retirer le plan. Plus récemment, la chaîne américaine HBO en a fait de même à propos d'un support de smartphones reprenant la forme du trône de Game Of Thrones.

Les ayants droit comme Paramount ou HBO usent de leurs batteries d'avocats pour dissuader ceux qui seraient tentés d'utiliser ce sur quoi ils estiment avoir des droits. À juste titre ?

Les mises en demeure effectuées dans ces deux cas se basent sur le Digital Millennium Copyright Act (DMCA), une loi américaine adoptée en 1998 et dont le but est de fournir un moyen de lutte contre les violations des droits d'auteurs.

Des droits d'auteur qui étaient effectivement bafoués, puisque l'aspect du trône de fer ou celui du cube était la manifestation d'une œuvre de l'esprit, propriété des ayants droit.

Tout comme le sont, pour Bernhard Hane de Playmobil, ses « figurines, créations uniques et donc protégées par le droit d'auteur. En cas de copie et de vente de nos produits, nous étudierons la solution à adopter au cas par cas. »

Ce que le droit d'auteur ne protège pas (les formes purement fonctionnelles, les idées, les concepts, les méthodes...), le brevet le protège, puisqu'il concerne la mise en place d'une solution technique à un problème donné.

Mais un brevet n'est valable que 20 ans, et dans le pays dans lequel il a été déposé. De même, copier une partie d'un objet breveté ne va pas à l'encontre de la loi. Le brevet est-il, pour les ayants droit, une faille juridique à combler coûte que coûte ? En restant innovante et créative, la société Lego, dont la fameuse brique est tombé dans le domaine public, n'a pas vu la concurrence s'approprier son marché.

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La célèbre brique Lego

La cicatrice de l'industrie musicale et le retour des DRM

L'OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) a récemment organisé une exposition dédiée à l'impression 3D sur le thème « Créativité : la prochaine génération », rappelant que « l'impression 3D pose un certain nombre de défis en matière de réglementation relative à la protection de la propriété intellectuelle ».

La musique a été numérisée et s'est retrouvée sur la toile en l'espace de quelques années. Est-ce aujourd'hui le tour des objets ? Pour s'éviter tout pillage massif de créations protégées, certains lobbys privilégieraient l'extension de la portée des brevets, et la multiplication de ces derniers. Avec à la clé un potentiel chilling effect, c'est-à-dire un découragement des petits acteurs de l'impression 3D, provoqué par la menace de poursuites et de batailles judiciaires interminables.

Une piste évoquée par Wired, qui rappelle que la Chambre du Commerce américaine, avec ses quelques trois millions d'entreprises au pays de l'Oncle Sam, dépense chaque année pas moins de 60 millions de dollars en lobbying.

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M. Cornut-Gentille
En France, un parlementaire UMP, François Cornut-Gentille, a récemment questionné le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg sur « les dispositifs envisagés par le Gouvernement relatifs à ces dangers pour la propriété intellectuelle desquels il est nécessaire de se prémunir au plus vite. »

Si certains contre-pouvoirs s'installent (via l'Electronic Frontier Foundation ou Public Knowledge), le combat s'annonce d'ores et déjà complexe. L'ancien directeur technique de Microsoft, Nathan Myrvhold, a ainsi déposé un brevet (accepté) sur une technologie de gestion des droits numériques pour l'industrie de l'impression 3D... dont sa société, la très mal aimée Intellectual Ventures, ne fait absolument pas partie.

Appliqué pour quatre ans, le brevet décrit un système où les imprimantes 3D devront obtenir une autorisation avant d'imprimer les éléments requis par un utilisateur. Plus récemment encore, la société danoise Create It Real a dévoilé une solution logicielle capable d'empêcher la production d'arme à feu via ses imprimantes 3D. Les DRM sont déjà là.

Il existe pourtant des alternatives que Julien Deprez évoque : «Les industriels peuvent s'adapter, en proposant par exemple des fichiers exécutables plutôt que de fournir des plans ».

Une hypothèse que réfute Bernhard Hane, de Playmobil : « Nous ne fournirons pas de fichiers, pour des questions de sécurité et de qualité, car nos produits sont destinés aux enfants. C'est pourquoi nous ne pouvons laisser circuler des copies non autorisées. »

La confrontation idéologique entre les partisans du libre (qui ont conçu les plans de la RepRap ou de la Buccaneer, à l'aide du financement participatif) et du partage de connaissance, d'un côté, et les grands groupes et tout ce qui gravite autour des questions de propriétés intellectuelles de l'autre aura donc bien lieu.L'impression 3D est une technologie qui ne date pas d'hier. Mais cette dernière évolue rapidement, permet d'aller là où certaines techniques actuelles butent et devient de plus en plus accessible. Très utile pour certains usages comme le prototypage, elle constitue un vrai potentiel pour les starts up, avec de nouveaux marchés à l'horizon. Elle pourrait même devenir un véritable outil pour lancer des projets, sorte de catapulte à nouvelles idées. Pour l'entreprise, l'impression 3D constitue et constituera une réelle opportunité.

Mais certains voient même plus loin. The Economist ou Wired ont publié récemment de très nombreux sujets sur le domaine de l'impression 3D, avançant que cette technologie pourrait changer notre vie, ou « pourrait avoir un impact sur le monde aussi conséquent que l'apparition de l'usine ».

Évoquer l'impression 3D comme révolution industrielle qui modifierait les modes de consommation est probablement aller un peu vite en besogne. Car il faudrait pour cela que le processus de démocratisation soit massif. Et cela s'annonce pour le moment délicat. Notamment à cause de limitations techniques (matériaux, nécessité de modéliser), même si ces dernières sont probablement amenées à être dépassées. Mais pas seulement.

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Malgré la bonne volonté et l'élan indiscutable généré par les FabLab ou les TechShop, ou la démocratisation des outils, les bâtons juridiques qui risquent de se retrouver dans les roues de l'impression 3D seront là pour cantonner cette technologie à un usage très contrôlé et réglementé, écartant ainsi la menace qui plane sur l'industrie actuelle.

Finalement, le succès de l'impression 3D dépendra en grande partie de l'évolution technologique, mais aussi et surtout des efforts de promotion et de réglementation. L'intervention politique sera décisive. Un engagement fort prend forme aux Etats-Unis. En France, il se fait attendre.
Frédéric Cuvelier
Par Frédéric Cuvelier

Mes domaines de prédilection ? Les ordinateurs portables et les SSD ! Mais de temps à autre, je m'autorise quelques infidélités pour des boîtiers, des alimentations ou des solutions de refroidissement, tests dont je suis particulièrement friand. Je déteste l'expression "Le mieux est l'ennemi du bien" (notamment lorsqu'il s'agit de rendre mon PC silencieux), les livreurs qui arrivent sans bordereau et les coups de pieds de Polo sous le bureau. J'aime réussir mes photos-produit, améliorer les protocoles de test et cocher la case "Public" de notre interface d'édition. Féru de football, je m'essaie également à la photographie à mes heures perdues et ne recule jamais devant une petite partie de poker. Le tout saupoudré de beaucoup, beaucoup de musique.

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