Grâce aux algorithmes, à l'intelligence artificielle et plus largement au digital, Royal Canin propose de nouvelles solutions à ses clients et à leurs chiens et/ou chats, solutions davantage personnalisées. Au détour d'une interview, Clubic a voulu en savoir plus sur cette transformation numérique de l'entreprise.
Qui a dit que Royal Canin s'était ringardisée avec le temps ? L'entreprise fondée par le vétérinaire Jean Cathary en 1968, qui a surpris par sa présence au salon Viva Technology au mois de juin, a profité de l'occasion pour montrer au public (professionnel et particulier) qu'elle n'a pas loupé le virage du tout-numérique, bien au contraire. Non seulement, la technologie est devenue l'alliée de Royal Canin, mais la société recrute aussi dans ce secteur. À VivaTech, nous avions rencontré, sur nos quatre pattes, Pierre-Charles Parsy, vice-président de la Transformation digitale de l'entreprise. Arrivé il y a trois ans chez Royal Canin en provenance d'IBM Interactive pour donner une nouvelle impulsion à l'accélération digitale de cet acteur majeur de la santé et de la nutrition animales, il est celui qui en chapeaute le renouveau numérique. Interview.
L'interview de Pierre-Charles Parsy, de Royal Canin
Clubic : La première question est un peu bateau, mais sans réflexion, comme ça et sans que ce soit péjoratif, quand on place Royal Canin à côté de Viva Technology, on se demande, "pourquoi ?" Alors justement Pierre-Charles, pourquoi ?
Pierre-Charles Parsy : C'est une excellente question. Royal Canin, c'est une entreprise qui a été créée il y a 53 ans par un vétérinaire, Jean Cathary, qui était situé dans le Sud de la France, en Camargue. Il avait découvert que la nutrition pouvait être la première médecine de l'animal. Il a aidé à sauver un berger allemand qui souffrait de problèmes d'eczéma récurrent, et la nutrition lui avait permis d'être soigné. Dans le développement de Royal Canin, au travers du temps, la société s'est rendue compte qu'on opère de plus en plus dans un format d'écosystème, où il y a des vétérinaires, des éleveurs, des refuges, des magasins spécialisés, des amoureux ou académiciens de l'animal, et des passionnés propriétaires d'un chien ou d'un chat, qui ont besoin de se connecter ensemble.
"Le digital va aider à créer une relation personnalisée avec ce propriétaire"
Cette connexion peut se faire de manière physique, mais le digital peut être un moyen d'amener une dimension de connexion supplémentaire. C'est pourquoi depuis quelques années, Royal Canin accélère la transformation digitale de son groupe pour offrir à tous ces acteurs plus de services où la technologie joue un rôle très fort, parce que nous sommes en capacité, par exemple, d'aider un éleveur à gérer les activités du quotidien qu'il a dans les phases de reproduction, d'adoption, d'accompagnement au démarrage de la vie d'un animal avec son nouveau propriétaire etc. Le digital va aider à créer une relation personnalisée avec ce propriétaire.
Mais cette transformation, et c'est la raison de notre présence ici, on ne peut pas la faire en restant uniquement de notre côté. Quand on est un groupe un peu corporate et vieux de 53 ans, il y a ce besoin d'un petit coup de pied par derrière pour vous rebooster. Les start-up et partenaires externes technologiques qui viennent réinventer nos marchés et nos industries, nous avons fait le parti pris de les embarquer avec nous, de travailler avec eux pour se réinventer continuellement et inventer un meilleur monde pour tous les chiens et chats.
Sur quoi porte concrètement le travail mené avec les start-up et partenaires dont vous parlez ? Si l'on devait donner des exemples ?
Le premier exemple nous montre comment la data science et comment les mathématiciens et statisticiens avec lesquels on travaille aujourd'hui nous ont permis de créer des solutions nutritionnelles uniques. Nous avons récemment lancé Royal Canin Individualis, qui est à la base d'un algorithme apprenant que nous avons développé, et qui permet à des vétérinaires de faire le diagnostic de la bonne nutrition adaptée pour chaque chat et chaque chien.
"Notre solution Royal Canin Individualis est à la base d'un algorithme apprenant que nous avons développé (….) Nous avons modélisé des données avec l'algorithme (….) pour fabriquer sur-mesure la nutrition adaptée au chat ou au chien"
Lorsque vous allez chez votre vétérinaire, votre chien a un âge, une race, des caractéristiques de vie bien à lui et éventuellement des pathologies ou des facteurs de risque. Nous avons donc modélisé toutes ces données avec l'algorithme qui nous permet de fabriquer sur-mesure la nutrition adaptée au chat ou au chien. Nous avons travaillé avec des start-up spécialisées dans la modélisation de données.
Le seconde exemple de partenariat technologique, c'est celui avec la société Blücare, qui a développé une solution de détection et de monitoring de problèmes urinaires pour chat, qui sont des petites gélules que l'on met dans la litière du chat et deviennent bleues au contact de présence de sang dans les urines. Cela permet autant d'informer le propriétaire d'un problème dont il ne s'est pas rendu compte que de faciliter le suivi par le vétérinaire.
Donc ici on parle bien de machine learning ?
Oui, tout à fait, nous sommes bien sur de l'intelligence artificielle. L'algorithme a, à présent, été confronté à des dizaines de milliers de situations de recettes nutritionnelles différentes, en faisant des études cliniques pendant 3 ans, de façon à s'assurer que l'algorithme soit suffisamment fiable pour recommander par le biais d'un vétérinaire la bonne solution nutritionnelle. Outre une collaboration avec les vétérinaires, nous avons amélioré la plateforme digitale pour que ces derniers aient facilement la capacité à rentrer les caractéristiques, les données nécessaires pour faire tourner cet algorithme.
Comment les données sont remontées par les vétérinaires ?
C'est relativement simple. La mécanique doit prendre entre 1'30'' et 3'00'' pour un vétérinaire pour pouvoir rentrer les informations qui ensuite vont être absorbées par notre algorithme, qui va ensuite permettre de faire la proposition nutritionnelle. L'algorithme a encore un potentiel d'amélioration. 30% des données que l'on collecte sur un animal nous ont servi à faire cette modélisation. Donc imaginez le potentiel de finesse et de précision qu'il reste encore à notre disposition.
"Les développeurs full stack n'ont pas tendance à se dire "je vais aller bosser chez Royal Canin demain." (….) Ce que l'on veut montrer, c'est que Royal Canin offre des possibilités d'évolution, de développement professionnel pour des talents dont on a besoin aujourd'hui"
Quel est le message que vous souhaitez apporter au grand public ?
Il y a trois messages que l'on veut faire passer. Le premier est que nous avons la mission de faire de ce monde un monde meilleur pour chaque chien et chaque chat, parce qu'ils rendent notre monde meilleur. Le second message, c'est que pour se faire, il faut aussi qu'on fasse évoluer notre façon de travailler, et pour cela, nous avons conclu ces partenariats avec des start-up, au service de l'animal. Et le troisième élément, c'est que le grand public, c'est aussi des talents potentiels dans un monde technologique qui n'est pas forcément compatible avec Royal Canin lorsqu'on est designer, data scientist ou développeur. Les développeurs full stack n'ont pas tendance à se dire "je vais aller bosser chez Royal Canin demain." Ce que l'on veut montrer, c'est que Royal Canin offre des possibilités d'évolution, de développement professionnel pour des talents dont on a besoin aujourd'hui, dans des métiers reconnus au sein de l'entreprise, dans une usine digitale que nous avons mis en place il y a 3 ans, avec une équipe qui dessine, développe et déploie des plateformes digitales dans le monde entier et dans un environnement autour de la passion pour la santé animale.
Si je lis entre les lignes, il y a une vraie volonté de se développer, et on peut dire que Royal Canin recrute dans ce domaine-là et recherche des forces vives ?
Tout à fait, et c'est ce qu'on relaie sur les réseaux sociaux et sites web dédiés. On recherche à renforcer nos équipes digitales. Il y a trois ans, lorsque je suis arrivé, cette équipe n'existait pas. Nous sommes désormais plus d'une quarantaine sur le siège. Nous avons également une communauté digitale, dans le monde, qui s'est énormément développée, avec un peu plus de 250 personnes. On continue à chercher des talents : architectes digitaux, product owner, Scrum Master, data scientist et engineer, qui sont des jobs qui n'existaient pas encore il y a 5 ans dans le groupe, et qui maintenant sont au cœur du système.
"Le secteur de l'animalerie débute à peine sa transformation digitale, ce qui demain va ouvrir plusieurs cas d'usage"
Comment ça s'est passé, sur VivaTech, pour Royal Canin ? La curiosité prime-t-elle ?
Notre présence crée de la curiosité positive, car les gens voient bien le parallèle entre la santé humaine et la transposition qu'il peut y avoir sur la santé animale. Ce qui nous a vraiment étonné, c'est qu'il y a énormément de start-up qui sont, finalement, encore plus en lien avec nos préoccupations, comme par exemple le travail sur la création d'une relation personnalisée avec le consommateur. Les retours sont extrêmement positifs, car nous sommes la première société du monde liée au secteur de l'animalerie à venir dans le monde de la Tech, ce qui ouvre des opportunités énormes, car c'est un secteur qui commence à peine sa transformation digitale, ce qui va ouvrir plusieurs cas d'usage demain.
Est-ce que cette arrivée sur le digital n'est-elle pas aussi un moyen, quelque part, de lutter contre les solutions émergentes notamment relayées par des plateformes de dropshipping et des influenceurs, avec des produits parfois peu recommandables ? Autrement dit, est-ce un moyen de s'ériger, sur les réseaux sociaux notamment, en solution, en marque crédible aux yeux de tous, et notamment du public jeune ?
Je crois qu'en fait Royal Canin, depuis 53 ans, a vraiment placé la nutrition au cœur de la santé et du bien-être de chaque chien et chat, avec l'ambition de se réinventer. La technologie, le digital et la donnée sont devenues des composants essentiels de notre transformation.
On voit bien que nous devons continuer à aider nos partenaires historiques, les professionnels de l'animal, parce qu'ils voient toute une série de chose se passer dans leur industrie, dans leur environnement, qui peuvent les remettre en cause. Des informations qui circulent en ligne, qui ne sont pas forcément scientifiques et qui ne sont pas tout le temps vérifiées ou tamponnées par le vétérinaire qui, lui, a fait des études et sait ce qui est bien ou pas pour l'animal.
Notre rôle, c'est d'aider ces acteurs à s'équiper en solutions digitales, comme Royal Canin Individualis dont nous parlions tout à l'heure, et qui est une solution que personne d'autre que nous peut offrir. La personnalisation est aussi très importante. Tout cela nous porte au quotidien.