Le CES 2022 a été témoin du lancement d’une nouvelle technologie d’affichage : le QD-OLED. Seuls quelques produits sont,pour le moment, concernés et, effet d’annonce ou pas, les attentes sont d’ores et déjà importantes. En quoi cette technologie est prometteuse ? Le QD-OLED est-il une variante de l’OLED ? Est-ce la révolution tant attendue pour les téléviseurs ? Et d’abord comment ça fonctionne ? Autant de questions qui méritent qu’on y réponde avec plus de précision !
Pressenti depuis plusieurs mois, le QD-OLED est enfin une réalité. Entre les faits, les arguments marketing et les attentes des consommateurs et autres technophiles, on fait le point sur ce qui est sans doute la plus grosse annonce de ce Consumer Electronics Show, du moins dans le domaine des technologies d’affichage.
QD-OLED face à l’OLED : un face à face 100 % coréen
Connu depuis 2019 via la publication des travaux de Samsung Display, le QD-OLED (pour Quantum Dot-Organic Light Emitting Diode) a de larges ambitions et pourrait bien venir bousculer les plans de LG Display.
En position monopolistique depuis 2013 sur le marché du téléviseur OLED, et par conséquent sur le haut de gamme, la filiale LG Display du coréen fournissait jusqu’alors l’ensemble des fabricants en dalles OLED pour leurs téléviseurs. Ce sera toujours le cas, en grande partie, pour 2022. Mais il faut désormais compter sur le QD-OLED, déjà choisi par Sony sur sa gamme Master Series avec son Bravia XR A95K, alors que Samsung devrait dévoiler plus tard son fameux Samsung 65" QD-Display TV, apparu lors du CES comme lauréat du prix Best of Innovation 2022.
Numéro un mondial sur le marché TV, Samsung l’est surtout grâce à ses téléviseurs QLED abordables, et plus récemment grâce à son passage au Mini-LED pour son catalogue de téléviseurs haut de gamme. Pourtant, Samsung est également l’un des leaders sur l’affichage OLED de petits et moyens formats, on pense bien sûr aux écrans de smartphones, laptops et autres tablettes.
Quelques années plus tôt, en 2012 pour être précis, Samsung s’était pourtant essayé à l’OLED avec un téléviseur qui a rapidement été retiré de son catalogue. Ça, c’était avant de s’opposer frontalement à LG et de montrer du doigt les faiblesses de l’OLED, à savoir l’usure rapide des composés organiques, et bien sûr le phénomène de rétention d’image ou marquage, plus communément appelé burn-in. Bien qu’inconfortable en sachant que le cycle de renouvellement d’un téléviseur n’est que de cinq ans, Samsung a finalement tenu sa position. Sans pour autant abandonner l’idée d’améliorer la technologie OLED qui, avouons-le, possède des caractéristiques qui la placent bien devant les téléviseurs LCD, qu’ils soient Full-LED ou Mini-LED.
Le "frère ennemi" de LG revient finalement sur le devant de la scène avec une stratégie bien établie qui consiste à dire, en quelque sorte, "voilà une technologie OLED grand format dans laquelle vous pouvez avoir confiance". Alors, qu’en est-il vraiment ?
Qu’est-ce que le QD-OLED et comment ça fonctionne ?
Vous l’aurez compris, le QD-OLED est une technologie d’affichage OLED développée par Samsung Display. Il s’agit donc d’une nouvelle variante de l’OLED, et non d’une nouvelle technologie d’affichage à proprement parler. Pour la faire courte et comme vous avez sûrement dû l’entendre un peu partout ces derniers jours, l’objectif du QD-OLED est de combiner les propriétés de l’OLED avec celles des Quantum Dots. Mais comment ?
Le point sur la technologie W-OLED de LG Display
Pour comprendre le QD-OLED il faut déjà regarder le fonctionnement des dalles OLED, dont celles de LG Display sur le marché depuis plusieurs années. En substance, l’OLED a recours à une couche de matériaux organiques placée entre une cathode et une anode. Le courant transitant entre ces deux électrodes traverse ainsi plusieurs couches de matériaux, conductrices et émissives, afin de produire les fameux photons : la lumière ! Par conséquent, nul besoin d’un rétroéclairage comme c’est le cas sur les téléviseurs LCD. De plus, chaque pixel est individuellement contrôlable avec l’OLED, ils peuvent donc être complètement éteints, là où un écran LCD fonctionne au mieux avec un contrôle de quelques centaines ou milliers de zones avec des téléviseurs Full-LED ou Mini-LED. En clair, on obtient autant de zones de gradation qu’il y a de pixels avec l’OLED, soit plus de huit millions sur un téléviseur 4K !
Chez LG, les dalles sont de type W-OLED (pour White OLED). Cette méthode utilise des composés bleus et jaunes pour produire des pixels qui émettent une lumière très proche d’un blanc pur. Ils sont ensuite divisés en sous-pixels grâce à un ou plusieurs filtres de couleurs : rouges, verts et bleus. La méthode a sensiblement évolué, les LG OLED C1 ou LG G1 disposent par exemple d’un quatrième sous-pixel, blanc, qui permet de booster l’intensité lumineuse de ces téléviseurs, on parle alors de WRGB. On remarque d’autres évolutions au fil des années, avec des sous-pixels de différentes tailles ou formes afin d’optimiser le rendu des couleurs ou la luminosité.
Les avantages de cette méthode sont nombreux et bien visibles par rapport aux dalles LED et QLED. Le contraste est excellent grâce à la possibilité d’éteindre chaque pixel et surtout sans blooming ou autres phénomènes liés au rétroéclairage, alors que les angles de vue très ouverts et sans dégradation de l’image en l’absence de matrice LCD. Enfin, en raison de leur structure plus simple, les téléviseurs OLED sont plus minces et légers.
Maintenant, il y a encore des inconvénients, notamment en raison de ces fameux filtres de couleurs. Ceux-ci absorbent en effet une partie de la lumière produite par les pixels ; à cela s’ajoute le fait que la petite taille des pixels ne leur permet pas de produire une intensité lumineuse très élevée, résultant in fine sur une efficacité lumineuse en retrait.
Du moins, l’OLED pourrait être plus lumineux, mais non sans dégrader plus rapidement que voulu les pixels. Voilà donc des problèmes de taille : la durée de vie de la dalle, la rétention d’image et le burn-in, ou encore la reproduction des couleurs sur les hautes lumières.
Dernier inconvénient et pas des moindres : les reflets ! Associé à une luminosité moyenne, le revêtement brillant des dalles OLED renvoie quasiment comme un miroir les reflets directs. Le visionnage peut alors être désagréable en journée, dans une pièce bien éclairée, ou avec des sources de lumière directe. Les dalles plus lumineuses, comme certains téléviseurs QLED ou Mini-LED, n’ont pas ce problème et peuvent avoir recours à un filtre antireflet plus efficace sans craindre pour autant de perdre en intensité lumineuse. En revanche, les modèles LED moins coûteux adoptent souvent une finition semi-brillante, moins sensible aux reflets directs, mais qui absorbe aussi beaucoup moins la lumière (qui se diffuse donc sur l’écran).
Le QD-OLED pour repousser les limites de l’OLED ?
Et pourquoi émettre une lumière blanche alors que la couche autoémissive pourrait, comme l’AMOLED de nos smartphones, directement diffuser du rouge, du vert et du bleu ? Pour la simple raison que la production de telle dalle sur de grands formats est beaucoup plus complexe et coûteuse, ce n’est d’ailleurs pas pour rien si Samsung a abandonné la technologie OLED RGB quelques années en arrière.
Le QD-OLED a deux objectifs : gommer les faiblesses du W-OLED de LG tout en réduisant les coûts de production
Le QD-OLED a deux objectifs : gommer les faiblesses du W-OLED de LG tout en réduisant les coûts de production. Samsung serait en effet parvenu à quasiment diviser par deux le nombre de couches nécessaires à l’assemblage d’une dalle, en grande partie en se débarrassant des filtres de couleurs.
Pour relever ce défi, Samsung a repris le concept de ses téléviseurs QLED, à savoir d’utiliser une source de lumière bleue (autoémissive cette fois-ci) traversant un convertisseur à points quantiques. Lorsque le spectre de lumière vient frapper un Quantum Dot, il émet à son tour des photons dans une longueur d’onde spécifique en fonction de la taille des nanocristaux, autrement dit il produit de la couleur. Pour information, ce convertisseur est encapsulé, au choix, au sein d’un film QDEF (Quantum Dot Enhancement Film) ou d’un verre (Quantum Dot on Glass) ; enfin, les boîtes quantiques se comptent par milliards !
Bye-bye filtres de couleurs, la source lumineuse est ici directement convertie en rouge et en vert alors que le troisième sous-pixel laisse filer une partie de la lumière bleue de la source. Comme le souligne Samsung Display dans sa communication, c’est un fait capital, car le bleu "a la plus forte énergie lumineuse". Un compromis gagnant-gagnant sur le papier puisque contrairement aux filtres de couleurs les points quantiques ne gaspillent quasiment aucune énergie lumineuse. Cela permet à Samsung d’affirmer que ses dalles QD-OLED seront plus lumineuses, sans pour autant perdre sur le volume des couleurs dans les hautes lumières. Un argument qui fait mouche face à l’OLED de LG Display qui a besoin d’un sous-pixel blanc pour monter en luminosité.
Pour résumer, on retombe sur nos pattes : le QD-OLED reprend tous les avantages de l’OLED et des Quantum Dots tout en gommant l’un des inconvénients majeurs des dalles de LG Display : la luminosité maximale et le volume de couleurs dans les hautes lumières.
D’autres arguments sont avancés, comme de meilleurs angles de vision (déjà excellents sur l’OLED), et même une meilleure durée de vie grâce à l’utilisation de trois couches autoémissives. Enfin, il est évoqué une réduction de près de 50 % des dangers liés à l’exposition à la lumière bleue artificielle. Selon Samsung, son matériau bleu produira essentiellement une lumière avec une longueur d’onde supérieure à 455 nm, valeur plafond dans les études qui incrimine l’effet néfaste de la lumière bleue. Autant d’affirmations à prendre avec des pincettes pour certaines, ou qui demanderont à être vérifiées en condition réelle comme lors de nos tests ou ceux de nos confrères.
Le QD-OLED est-il sensible au burn-in ?
Et le burn-in dans tout ça, n’est-il pas lui aussi un inconvénient majeur ? La technologie OLED s’est suffisamment peaufinée ces dernières années pour éviter ce phénomène de « marquage », les constructeurs ayant mis en place divers systèmes relativement efficaces pour le contrer.
Reste qu’il s’agit toujours d’une éventualité ! Le burn-in, c’est lorsqu’une partie ou une zone précise de l’écran semble plus sombre, ou même complètement "brulée". Cela peut arriver en affichant une image statique à l’écran pendant trop longtemps, mais en général il y a surtout une rétention d’image qui disparait au bout de quelques minutes, ceci arrive d’ailleurs aussi sur des téléviseurs LED. Ces soucis ne datent pas d’hier, et ne sont pas inhérents à la technologie OLED. Les écrans CRT et Plasma étaient également atteints, pour des raisons différentes.
Difficile d’imaginer que ce ne sera pas le cas avec le QD-OLED, d’autant qu’aucun n’est encore commercialisé et que nous n’avons aucun recul sur cette technologie pour dire si elle sera plus ou moins sujette au burn-in que l’OLED. De son côté, LG est parvenu à améliorer ses dalles, au niveau de la dissipation thermique d’abord, puis grâce au développement d’outils pour prévenir le marquage. On pense au décalage de pixels, à l’affichage d’un écran de veille au bout de quelques minutes lorsqu’une image statique est détectée, ou encore à des algorithmes qui analysent l’image pour détecter les zones statiques (logo, hud, etc.) et en réduire l’intensité. Il y a fort à parier que Samsung proposera quelque chose de similaire, tout comme Sony qui dispose déjà de l’expérience nécessaire avec l’OLED.
Enfin, on peut trouver rassurant que deux moniteurs gaming aient déjà été dévoilés ; premièrement car nous n’avons jamais vu de tels produits équipés de dalles OLED auparavant, et deuxièmement car l’usage sur PC a toujours été montré du doigt pour l’OLED en raison des plus grands risques … de burn-in. Encore une fois, rendez-vous dans plusieurs mois pour voir ce qu’il en est.
Qu’en est-il des nouvelles dalles OLED.EX de LG ?
LG Display a surement vu venir le loup. Le coréen a en effet préparé une nouvelle dalle qu’il nomme OLED.EX (Evolution/eXperience). La démarche n’est pas aussi novatrice que celle de Samsung Display, il s’agit en substance de modifier la composition du matériau organique en remplaçant l’hydrogène par son isotope naturel, le deutérium, ou hydrogène lourd.
Pour en résumer les avantages, LG Display annonce un gain en luminosité de 30 % par rapport à la génération précédente, une meilleure durée de vie, des couleurs plus intenses et un design encore plus mince. D’un autre côté, le fabricant indique également avoir développé un algorithme prédictif inédit, basé sur le machine learning. Son rôle sera de gérer avec une fine précision les courants appliqués aux diodes organiques afin d’améliorer l’image en temps réel. On attend de voir ça !
Le QD-OLED sera-t-il plus abordable ?
Dans l’immédiat, il y a peu de chance de voir des téléviseurs QD-OLED plus abordables que des TV OLED. Certes, les tarifs ne sont pas encore connus, mais on constate déjà que Sony a placé son A95K tout en haut de son catalogue OLED. Le QD-OLED va devoir faire ses preuves, et s’il est adopté à plus grande échelle, nous profiterons peut-être rapidement (dans les années à venir) de tarifs plus accessibles. L’arrivée d’une concurrence sur le marché de l’OLED devrait également tirer les tarifs vers le bas, surtout si Samsung a réellement trouvé le moyen de baisser les coûts de production pour ces dalles. En attendant, le secteur du téléviseur OLED est un marché qui va continuer de se cantonner au segment haut de gamme, malgré des prix en baisse constante depuis plusieurs années.
Les promesses ne manquent pas à l'appel avec le QD-OLED ! Samsung profite de l'aura de "celui que l'on attendait plus" et une technologie que beaucoup aimerait déjà contempler depuis leur canapé. Maintenant il reste tout de même à attendre la sortie et les premiers tests du seul et unique modèle annoncé pour le moment… du côté de chez Sony. Samsung ne devrait plus trop tarder à annoncer son fameux Samsung 65" QD-Display TV, qui ne porte même pas encore de nom à l'heure actuelle. Enfin, on espère !