Pour la cinquième année consécutive, l'esplanade des Invalides de Paris s'est transformée en circuit de course pour la Formule E, mais également pour des SUV boostés à... l'électricité ! Cette année fût l'occasion de découvrir la toute nouvelle « Gen2 » (deuxième génération) de Formules E qui augmente sérieusement l'intérêt de cette jeune discipline. Plus rapides, plus intelligentes, plus autonomes, ces bolides préfigurent les citadines électriques de demain et autant dire qu'elles tiennent déjà toutes leurs promesses. Prêt, feu, partez...
Déjà la cinquième saison pour le FIA Formule E Championship
La compétition internationale de course automobile ABB FIA Formule E Championship qui se déroule sur des circuits citadins temporaires a entamé sa cinquième saison.Comme chaque année entre les mois de décembre et de juillet, elle comprend 13 courses organisées dans 12 villes jugées progressistes réparties sur 5 continents, dont Paris, Rome, Monaco, Mexico, New York, ou encore Hong-kong. Entouré des emblématiques monuments de la capitale, l'E-Prix de Paris est considéré comme l'un des plus beaux tracés, mais surtout l'un des plus difficiles avec 14 virages en épingle à cheveux qui s'échelonnent sur 1,93 km de routes très étroites. Attirant toujours plus de spectateurs, l'étape parisienne s'est jouée à guichets fermés le samedi 27 avril dernier sous un déluge de pluie et de grêle. C'est dans ces conditions extrêmes que le public a pu découvrir la nouvelle génération « Gen2 » des Formules E.
Sans odeur et « presque » sans bruit, les électrisantes monoplaces foncent désormais aussi vite que leurs grandes sœurs thermiques. Beaucoup plus baraquées que ces dernières avec leur nouveau design, leur autonomie a été multipliée par deux grâce à de nouvelles batteries plus efficientes. Une évolution majeure permettant aux pilotes de ne plus avoir à changer de monoplace en milieu de course comme par le passé et boucler la compétition en une seule traite.
Outre une capacité de stockage d'énergie passée de 28 kW à 54 kW, les bolides embarquent une nouvelle motorisation plus puissante de 250 kW (338 chevaux), soit 50 kW de plus que la saison précédente. Bridées à 250 km/h pour les courses par la FIA, les voitures sont désormais capables d'atteindre une vitesse de pointe en ligne droite de plus de 300 km/h!
Autant dire que les pilotes en ont sous le pied, mais une course de Formule E ne repose pas uniquement sur la vitesse. Contrairement aux courses de Formule 1 durant lesquelles les pilotes doivent réaliser un certain nombre de tours, celles de Formule E durent 45 minutes plus 1 tour. Autre différence majeure avec la F1, toutes les voitures sont identiques.
D'un poids de 900 kg minimum avec le pilote, elles disposent notamment de la même coque fabriquée par Dallara, de batteries signées McLaren, ou encore d'une pneumatique unique Michelin « Pilot Sport » (18 pouces) pour piste sèche et mouillée.
Malgré le gain en autonomie des monoplaces, l'une des principales difficultés d'une course de Formule E réside dans la gestion de l'énergie. Concrètement, il faut que les pilotes réussissent à rouler le plus vite possible tout en s'assurant de ne pas consommer trop d'énergie pour pouvoir terminer la course.
Une compétition 3.0 à la Mario Kart
La Fédération Internationale de l'Automobile (FIA) qui organise le championnat de course de Formule E a créé la surprise cette année en instaurant une nouvelle règle largement inspirée de l'univers des jeux vidéo. Il s'agit d'un « Mode Attaque » (Attack Mode) permettant aux pilotes de bénéficier pendant quelques instants d'un surplus de puissance durant la deuxième partie de la course en passant dans une zone prédéfinie du tracé. Un peu comme dans une course de Mario Kart, des leds placées sur le halo de protection des monoplaces s'illuminent en bleu pour signaler quand un pilote active le Mode Attaque. Le nombre et la durée des activations du mode sont déterminés par la FIA avant chaque course.Cette nouvelle règle s'ajoute au fameux Fanboost qui pimentait déjà le championnat. Le Fanboost est un surplus de puissance à utiliser une seule fois entre 240 kW et 250 kW à partir de la 22e minute de la course. Ce bonus possède toutefois la particularité de ne pas être attribué à tous les pilotes.
Avant chacun des 13 E-Prix que compte la saison de Formule E, la FIA organise en effet un vote sur Internet pour que les fans puissent décerner le Fanboost au pilote de leur choix. Seuls les cinq pilotes comptabilisant le plus de votes peuvent bénéficier de ce coup de pouce. Ils ont une fenêtre de cinq secondes durant la seconde moitié de la course pour pouvoir l'utiliser.
Lorsqu'un pilote déclenche le Fanboost pour dépasser par exemple un concurrent, le halo de la voiture s'illumine en violet. Tout à chacun peut voter sur le site Internet de la FIA, l'application mobile officielle de la Formule E ou Twitter durant les six jours qui précèdent la course et jusqu'à 15 minutes après son départ. Cette règle inédite permet d'impliquer les fans de courses de Formule E en leur offrant la possibilité d'interagir avec les coureurs et d'influencer la course. À travers ces innovations, la FIA vise surtout à conquérir un nouveau public fan de high-tech et sensible à l'écologie.
Du sport dopé à l'intelligence artificielle
L'équipe Envision Virgin Racing (EVR) financée par Richard Branson nous a reçu dans son garage pour nous parler... d'intelligence artificielle.L'emblématique écurie, dont le pilote néerlandais Robin Frijns a remporté la course de Paris pourrait bien avoir bénéficié d'une botte secrète concoctée par la société Genpact, une entreprise américaine spécialisée dans la technologie de l'information ne comptant pas moins de 90 000 salariés dans le monde.
À l'occasion du AI Summit de New York qui s'est déroulé le 5 décembre 2018, l'écurie Envision Virgin Racing a annoncé qu'elle avait conclu un partenariat avec Genpact visant à exploiter ses solutions d'intelligence artificielle et de machine learning pour améliorer ses performances.
Grâce à une multitude de capteurs internes et externes, mais également la caméra et le système de communication audio embarqués dans la monoplace d'EVR, l'équipe recueille d'énormes masses de données en temps réel durant les courses : positions GPS, statistiques, température des pneus, état de la piste, pression, trajectoires, vibrations, consommation énergétique, etc. Les «data analyst » et « data scientist » de Genpact sont désormais à la manœuvre dans l'écurie pour extraire et analyser ces données, mais aussi celles recueillies sur les concurrents afin d'élaborer la meilleure stratégie de course possible.
Avec le talent des pilotes et de leurs équipes, l'analyse et le traitement des données constituent l'un des seuls points sur lequel les écuries de Formule E peuvent faire la différence. C'est justement ce qu'EVR cherche à faire en collaborant avec Genpact, dont trois experts en analyse de données et en IA travaillent en permanence avec l'équipe de Virgin.
« La Formule E nous permet vraiment d'innover avec nos logiciels d'analyse de données et nos technologies d'intelligence artificielle, car dans ce sport passionnant, la stratégie est toute aussi importante que la vitesse » s'enthousiasme Armen Kherlopian, directeur scientifique de Genpact en charge du partenariat avec Envision Virgin Racing.
Passionné de mathématiques, il explique que les algorithmes de Genpact ont déjà permis de faire progresser EVR : « Nos algorithmes permettent aux pilotes d'optimiser la gestion de l'énergie du véhicule et de conduire plus vite aux moments clés de la course. On arrive par ailleurs à faire des analyses prédictives sur le nombre de tours qu'ils devront faire en 45 minutes. Cela permet à l'équipe de mieux gérer ses plans de course tout en renforçant la sécurité de ses pilotes ».
Tout au long de la course, les pilotes reçoivent en effet des informations stratégiques de Genpact directement dans leur cockpit. « Nous aidons l'équipe à prendre les bonnes décisions au bon moment que cela soit pour dépasser un concurrent, activer le Mode Attaque ou le Fanboost » ajoute l'ingénieur. Difficile de savoir si les technologies de Genpact ont permis à Robin Frijns de faire la différence lors de l'E-Prix de Paris, mais le coureur est bel et bien monté sur la première place du podium au terme d'une course particulièrement disputée.
Bien plus qu'une course
Outre les essais et les qualifications des Formule E qui se sont déroulés la veille de la course, le public parisien a pu assister au Jaguar I-Pace eTROPHY. En marge du ABB FIA Formula E Championship, le constructeur britannique organise une nouvelle discipline de courses internationales de voitures électriques de série. Doté d'un prix de 500 000 £ (583 615 €), ce championnat se déroule la veille de 10 courses de la saison de Formules E dans neuf villes différentes (2 ont lieu à New York). Il regroupe 20 participants pilotant chacun une version customisée pour la course automobile de la première voiture électrique de Jaguar. Un gros coup de pub pour le constructeur qui n'était toutefois pas le seul à convoiter le public des Invalides. Plusieurs autres constructeurs impliqués dans le développement des Formules E ont pris place quant à eux dans le village jouxtant le circuit parisien où le public pouvait notamment profiter de nombreuses attractions de e-sport et de réalité virtuelle.Audi, Mercedes, Porsche, BMW, Jaguar ou encore DS faisaient la promotion de leurs modèles électriques, et pour certains leurs bolides de Formule E sur des stands tirés à quatre épingles. La Formule E constitue l'antichambre des voitures électriques où les constructeurs ont l'occasion de mettre leurs technologies à rudes épreuves et enrichir leurs connaissances pour concevoir les modèles de série de demain. L'E-Prix de Paris constitue incontestablement l'une des plus belles vitrines possibles pour exposer leurs dernières innovations dans ce domaine. Malgré la pluie et l'absence des grands constructeurs français, l'événement a été une fois encore couronné de succès.
Les organisateurs ont d'ores et déjà annoncé que le circuit parisien a été reconduit pour les trois prochaines années, c'est-à-dire jusqu'en 2022.