Rétrofit : et si on se convertissait à l’électrique ?

Alexis Maniere
Publié le 12 février 2021 à 15h26
Voiture electrique

C'est officiel : le « rétrofit » dispose désormais de son propre cadre réglementaire, facilitant ainsi la conversion des véhicules thermiques en électrique. Mais bien que l'opération soit désormais possible, une question se pose : faut-il se convertir au rétrofit ?

Nouvelle réglementation, fonctionnement, impact environnemental, prix ou encore performances et modèles éligibles : partons à la découverte des pour et des contre, dans l'optique de nous forger notre propre opinion sur le sujet.

Le rétrofit : la conversion du thermique à l'électrique

Avant d'aborder les dernières évolutions réglementaires, il semble important de comprendre le fonctionnement du rétrofit. Derrière ce terme tout droit venu des pays anglo-saxons se cache une pratique consistant à convertir un véhicule thermique en véhicule électrique. Si les voitures sont les premières concernées, d'autres véhicules peuvent également en bénéficier, à l'image des utilitaires, des camions et des deux roues. D'un point de vue strictement technique, on distingue principalement deux types de conversion envisageables.
  • La conversion électrique : l'objectif est de retirer le moteur à combustion d'un véhicule et l'ensemble des éléments qui y sont liés, avant de les remplacer par une motorisation électrique et une ou plusieurs batteries. Dans de plus rares cas, une pile à combustible peut également être mise en place (principalement hydrogène).
  • La conversion hybride : ici, l'opération consiste à remplacer le bloc thermique par un moteur thermique plus petit et un moteur électrique, éventuellement associés à une batterie. Le tout permettant d'obtenir un véhicule hybride ou hybride rechargeable.

Dans la pratique, c'est cependant la première solution qui est privilégiée. Pour cela, plusieurs fabricants ont développé - avant même la nouvelle réglementation - des « kits rétrofit », permettant de réaliser la dépose du moteur à combustion et son remplacement par une motorisation électrique. Que le kit soit généraliste ou spécifique à un modèle de véhicule en particulier, la conversion nécessitera le plus souvent d'intervenir également sur la transmission et sur la boîte de vitesses, cette dernière ne présentant plus d'intérêt une fois le véhicule converti.

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Une pratique jusqu'à présent (presque) interdite en France

À l'heure actuelle, la conversion thermique-électrique est autorisée dans une vingtaine de pays à travers le monde. Toutefois, il n'existe pas - pour le moment - de cadre réglementaire uniforme. On retrouve d'un côté les nations très permissives sur le sujet, à l'image des Etats-Unis qui autorisent même les particuliers à réaliser eux-mêmes la conversion. En Europe, la pratique est mieux encadrée. À titre d'exemple, l'Italie et l'Allemagne autorisent l'immatriculation et la libre circulation des véhicules « rétrofités », mais à condition qu'ils respectent un cahier des charges très précis.

En France, la réglementation était floue et contradictoire jusqu'à présent. Certes, le rétrofit était déjà autorisé depuis maintenant plusieurs années. En revanche, il était obligatoire d'obtenir l'accord préalable du constructeur pour procéder à la conversion du véhicule. Non seulement cela écartait tous les modèles dont les fabricants ont d'ores et déjà disparu, mais cela confrontait les automobilistes à un autre problème : les constructeurs ne donnaient que très rarement leur aval à la transformation. Dans la pratique, seules des initiatives portées par des scientifiques ou des étudiants - et visant à apporter de nouvelles connaissances sur le sujet - étaient parfois autorisées. Certaines opérations pouvant octroyer à la marque des retombées positives importantes ont aussi été validées au compte-goutte, à l'image de l'entreprise 4 Roues sous 1 Parapluie qui propose aux touristes de visiter Paris en 2CV électrique.

Et sans l'accord du constructeur ? Il était malgré tout envisageable de convertir un véhicule thermique en électrique. Toutefois, impossible de le faire immatriculer et, par conséquent, de l'homologuer ou de circuler avec.

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Un nouveau cadre qui change les règles du rétrofit en France

Cette réglementation obscure et contraignante, l'arrêté du 13 mars 2020 relatif aux « conditions de transformation des véhicules à motorisation thermique en motorisation électrique à batterie ou à pile à combustible » y met un terme1. Paru au Journal Officiel le 4 avril 2020, il assouplit les règles encadrant le rétrofit et propose un cadre bien établi.

Des véhicules éligibles clairement identifiés

Déjà en vigueur, la nouvelle réglementation dresse tout d'abord la liste des véhicules autorisés à bénéficier du « rétrofit ». Ainsi, plusieurs conditions sont désormais à remplir :
  • le véhicule doit obligatoirement appartenir à la catégorie M, N ou L, à savoir les voitures, les utilitaires, les camions, les bus, les cars, les deux roues, les trois roues et les quadricycles à moteur ;
  • le véhicule doit obligatoirement être déjà immatriculé en France ;
  • la date de première mise en circulation doit être supérieure à 5 ans pour les catégories M et N et à 3 ans pour la catégorie L (deux ou trois roues et quadricycles à moteur)2 ;
  • le véhicule doit disposer d'une motorisation thermique à compression ou à allumage commandé ;
  • le véhicule ne doit pas être immatriculé au titre de véhicule de collection.

D'emblée, on constate que les véhicules éligibles sont relativement limités. Non seulement ils doivent avoir plus de 5 ans (3 ans pour un scooter ou une moto), mais les voitures de collection sont automatiquement exclues. Or, le rétrofit était jusqu'à maintenant une solution pertinente pour les modèles de collection afin de leur offrir une seconde jeunesse.

Un kit soumis à homologation pour chaque véhicule

Si les véhicules pouvant être convertis sont encadrés, il en va de même pour les transformations autorisées. Tout d'abord, le fabricant du kit de conversion doit obtenir un « agrément de prototype » de la part du Centre national de réceptions des véhicules (CNRV). Celui-ci identifie le véhicule ou la famille de véhicules pouvant utiliser le kit en question. Il faut en effet savoir que « si on part sur un modèle de véhicule type Volkswagen Golf, on aura homologué toutes les Volkswagen Golf qu'on équipe. Si on change de modèle, on devra faire une nouvelle homologation et un nouveau kit qui sera affecté à ce véhicule »3, comme le souligne Jérémy Cantin, membre de la FNA (Fédération nationale de l'automobile) et PDG de la start-up de « rétrofiting » e-Néo.

Pour obtenir cet agrément, le « kit rétrofit » doit a minima prévoir :
  • un groupe motopropulseur (motorisation et convertisseur de puissance) installé en amont de la transmission, dont la puissance est comprise entre 65 et 100 % de la puissance maximale du moteur d'origine4 ;
  • un bloc de batteries qui doit fournir l'énergie et la puissance de traction à 100 % (rendant la conversion hybride impossible) ;
  • une interface pour permettre la recharge de la batterie ;
  • dans le cas d'une pile à combustible, un convertisseur d'énergie chimique-électrique ainsi qu'un réservoir d'hydrogène sont aussi nécessaires.

Au-delà du kit homologué, la transformation d'un véhicule thermique en électrique doit également respecter certains grands principes :
  • aucune modification des dimensions du véhicule n'est autorisée (longueur, largeur, empattement, etc.) ;
  • les principales masses du véhicule doivent rester identiques suite à la transformation5 ;
  • le poids à vide après la conversion doit être compris dans une plage de plus ou moins 20 % par rapport au poids d'origine ;
  • et la répartition du poids à vide entre les essieux après la transformation doit être équivalente à plus ou moins 10 % de la répartition d'origine.

Le processus d'homologation débutant seulement depuis quelques mois, les kits autorisés ne seront probablement pas disponibles avant la fin de l'année 2020, voire même 2021.

Des installateurs largement encadrés

Enfin, l'installation d'un kit de conversion ne peut être réalisée que par un professionnel habilité par le fabricant et situé en France. D'une durée maximale de 2 ans et renouvelable, cette habilitation précise les véhicules ou les types de véhicules que l'installateur peur modifier. Elle aussi est soumise à de nombreuses conditions :
  • le fabricant doit tenir à jour une liste des installateurs habilités ;
  • c'est au fabricant d'assumer la responsabilité de toute éventuelle détérioration du véhicule converti due au kit de conversion ;
  • l'installateur doit obligatoirement avoir bénéficié d'une formation afin de disposer des connaissances et compétences nécessaires à la conversion ;
  • l'installateur reçoit de la part du fabricant un cahier des charges précis, indiquant notamment les véhicules éligibles et les modalités de transformation ;
  • l'installateur a l'obligation de s'assurer que le véhicule transformé répond aux exigences de sécurité en vigueur.

De plus, une plaque de transformation doit être fixée à proximité de la plaque du constructeur sur le véhicule. Elle comporte le nom du fabricant du kit, le numéro VIN du véhicule, le numéro d'agrément pour le prototype et le motif de la transformation (conversion de la motorisation en électrique). À l'issue de la conversion, l'installateur doit aussi fournir une attestation de transformation au fabricant, celui-ci délivrant alors au propriétaire du véhicule un certificat de conformité. Il servira à refaire le certificat d'immatriculation du véhicule (carte grise), démarche obligatoire dans la mesure où les caractéristiques techniques du véhicule ne sont plus les mêmes.

Bon à savoir : jusqu'à présent, un véhicule « rétrofité » devait être homologué afin de pouvoir circuler, notamment en entreprenant des démarches auprès de la DREAL (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement). Ce n'est désormais plus nécessaire. En effet, c'est le kit de conversion qui est préalablement homologué - lors de la délivrance de l'agrément -, limitant ainsi les démarches fastidieuses (et souvent impossibles) des automobilistes.

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Des perspectives au beau fixe selon les acteurs du rétrofit

Le secteur du rétrofit en France n'a pas attendu la modification de la réglementation pour s'organiser. À en croire l'association AIRe (Acteurs de l'industrie du rétrofit électrique), il y aurait déjà plus de 15 acteurs investis sur le sujet. Il faut dire que la profession se veut confiante dans les perspectives d'avenir de la filière. Arnaud Pigounides, co-président d'AIRe et président de Retrofuture, souligne d'ailleurs que « la demande est déjà très grande » pour le rétrofit et que la nouvelle réglementation permettra de « développer une filière positive, répondant à l'enjeu d'une économie circulaire et surtout porteuse d'emplois »6.

Selon les prévisions de l'association AIRe, ce sont 65 000 véhicules qui devraient être transformés dans les 5 années à venir en France, soit un chiffre d'affaires total supérieur à un milliard d'euros. De quoi permettre de créer ou de préserver environ 5 500 emplois directs et indirects. Une projection qui se base sur la conversion de 0,09 % du parc roulant de véhicules particuliers et de 0,72 % du parc de véhicules utilitaires. Dans ses prévisions les plus optimistes, l'AIRe indique même que la conversion de seulement 1 % du parc automobile tricolore - soit près de 400 000 véhicules tout de même - permettrait de générer 5 milliards d'euros de chiffres d'affaires et de créer ou de maintenir plus de 42 000 emplois dans l'Hexagone7. Notons cependant que ces estimations ont été faites avant la publication de la nouvelle réglementation et, par conséquent, incluaient alors la transformation des véhicules immatriculés en collection.

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La conversion électrique : aussi une question de budget

Si les prévisions de l'association AIRe semblent donner raison au développement du rétrofit en France, le coût de la conversion, quant à lui, nous amène à en douter. Heureusement, le secteur peut compter sur le soutien de l'État et des collectivités pour mieux faire passer la pilule.

Rétrofit : un coût amené à diminuer ?

Bien que les possibilités soient - en théorie - nombreuses, le rétrofit va principalement consister à équiper les véhicules « rétrofités » d'une motorisation électrique et d'une batterie lithium-ion. Or, ce dernier équipement est encore relativement onéreux, et ce, même si les initiatives de réutilisation des batteries de voitures électriques fleurissent. L'autorisation étant encore récente, difficile pour le moment de dresser une cartographie précise des prix pratiqués. En moyenne, il semblerait néanmoins que le budget nécessaire à la conversion avoisine les 20 000 €8. De quoi freiner les ardeurs des automobilistes, d'autant plus que les modèles de collection - dont la valeur, au moins affective, est potentiellement plus élevée - n'y sont plus éligibles.

De leur côté, les fabricants et installateurs de kit de conversion sont confiants dans leur capacité à réduire le coût de l'opération. À en croire l'association AIRe notamment, il serait possible de convertir des véhicules thermiques pour « seulement » 10 000 € à court terme, voire même davantage si la demande est telle qu'elle permet de réaliser des économies d'échelle. Une nécessité à l'heure où les frais d'homologation pour les fabricants s'élèvent en moyenne à 30 000 €. Mais pour y parvenir, la filière semble devoir tout d'abord se concentrer sur les poids-lourds et les utilitaires, pour lesquels la standardisation des kits sera plus facile à mettre en place. À en croire Jérémy Cantin, « la voiture particulière viendra dans un second temps, car ce sera quasiment du sur mesure »9.

Une conversion électrique sous subvention de l'État

En attendant ces fameuses économies d'échelle permettant de réduire la facture, c'est l'État qui subventionne le développement du rétrofit en France. Depuis le 1er juin, il est en effet possible de bénéficier d'une aide baptisée « Prime au rétrofit électrique », en vigueur depuis la publication du décret n°2020-656 du 30 mai 2020 relatif aux « aides à l'acquisition ou à la location des véhicules peu polluants »10.

Il sera bientôt possible d'en faire la demande via le téléservice dédié à la prime à la conversion, le temps que la plateforme ne soit mise à jour. Les conditions d'obtention sont d'ailleurs relativement souples pour le moment : hormis le respect du cadre réglementaire entourant le rétrofit (conversion homologuée, installation par un professionnel habilité, etc.), il faut simplement être propriétaire du véhicule depuis au moins 1 an et ne pas le revendre avant 6 mois, ni avant d'avoir réalisé au moins 6 000 kilomètres. Quant au montant de cette prime, il est pour le moins attractif :
  • 5 000 € pour une voiture particulière (2 500 € si le revenu fiscal de référence par part est supérieur à 18 000 €) ;
  • 5 000 € pour une camionnette ;
  • et 1 100 € pour un deux roues, un trois roues ou un quadricycle à moteur11.


En plus de la prime gouvernementale, il existe aussi des aides locales pour encourager la conversion électrique. C'est notamment le cas de la métropole Grenoble-Alpes qui propose un coup de pouce non négligeable pour la transformation d'un utilitaire :
  • pour les particuliers, jusqu'à 6 000 € pour un modèle de moins de 2,5 tonnes et jusqu'à 7 200 € au-delà (selon le revenu fiscal de référence par part) ;
  • pour les professionnels, 4 000 € pour un modèle de moins de 2,5 tonnes et 6 000 € pour un modèle compris entre 2,5 et 7 tonnes12.

Mais il y a fort à parier que d'autres régions suivront - à tort ou à raison - l'exemple de la métropole grenobloise, notamment en raison des enjeux environnementaux qui s'invitent de plus en plus souvent dans le débat public.

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Ecologique et économique : et si le rétrofit était l'avenir ?

À la fois écologique et plus abordable qu'un véhicule neuf, le rétrofit est présenté comme une solution évidente par la filière. Il faut dire que la conversion électrique ne manque pas d'atouts, tout du moins sur le papier.

Un avantage environnemental indéniable

Le premier argument en faveur du rétrofit est de nature écologique. La conversion d'un véhicule thermique permet tout d'abord de bénéficier des avantages d'un VE (véhicule électrique), et notamment de son absence d'émissions de CO2 en fonctionnement. Mais elle permet aussi de passer à l'électrique avec un impact environnemental moindre, dans la mesure où la construction d'une voiture électrique supplémentaire - source de pollution - n'aura pas été nécessaire.

On peut également accorder un autre crédit au rétrofit : celui de prolonger la vie des véhicules et, ainsi, de réduire les émissions polluantes liées à leur destruction. Un geste d'autant plus « citoyen » que les véhicules concernés n'ont plus forcément une très bonne cote sur le marché de l'occasion, alors même qu'ils sont encore en mesure de circuler.

Un argument économique a priori valable

Alors que le budget nécessaire à la conversion semble encore déraisonnable, les acteurs du rétrofit en France mettent pourtant en avant l'argument du prix. C'est le cas notamment de la start-up Transition-One qui promet des conversions à partir de 5 000 €, bonus gouvernemental déduit13. De son côté, Retrofuture se concentre davantage sur un catalogue de véhicules anciens, proposés à partir de 20 000 € (hors prime) et livrables d'ici 2021 : la Fiat 500 et l'Austin Mini, mais aussi la Jaguar XJ (à partir de 45 000 €) ou la Porsche 911 (à partir de 60 000 €)14. L'argument économique se veut cependant plus palpable sur les véhicules professionnels. Arnaud Pigounides prend d'ailleurs l'exemple d'un « bus neuf 100 % électrique (qui) coûte 450 000 €, alors qu'avec le rétrofit, vous basculez dans l'électrification pour seulement 180 000 € en gardant le bus déjà en circulation »9.

Au-delà du prix d'achat, supposément moins important qu'un véhicule électrique neuf, le coût d'usage est aussi mis en avant par les fabricants et installateurs. Carburant, entretien, assurance... autant de postes qui permettraient de réaliser des économies plus ou moins comparables à celles offertes par un VE neuf. Pour illustrer son propos, la start-up Phoenix Mobility prend d'ailleurs l'exemple d'un Renault Kangoo Confort, dont le coût annuel lissé sur 7 ans passerait de 4 375 € HT pour l'achat en diesel à 2 859 € HT pour sa conversion à l'électrique, soit environ 10 000 € d'économie sur la période15. Que l'exemple soit jugé pertinent ou non, il a au moins le mérite d'annoncer la couleur. Rappelons tout de même que le coût d'usage et d'entretien d'une voiture électrique reste largement corroboré au modèle et à l'utilisation du véhicule.

La praticité comme ultime atout

D'autres atouts sont mis en avant par les acteurs du rétrofit, dont la possibilité de transformer un véhicule en un temps (presque) record. À titre d'exemple, Transition-One promet une conversion électrique en l'espace de seulement 4 heures. De quoi rassurer les automobilistes pensant que leur voiture ou utilitaire serait immobilisé pendant plusieurs jours, voire même semaines.

Dans une moindre mesure, les fabricants jouent enfin sur la corde « sentimentale » des automobilistes. La possibilité de pouvoir conserver un véhicule ayant une valeur affective peut en effet avoir son importance pour certains automobilistes, d'autant plus que toutes les autres caractéristiques techniques du véhicule sont obligatoirement préservées (puissance, dimensions, poids, etc.).

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La conversion électrique montre déjà ses limites

Malgré des avantages indéniables, le rétrofit semble encore perfectible à l'heure actuelle. Son prix, ses performances et la profondeur de son offre sont autant de points faibles qu'il convient en effet de noter.

Un prix pas si avantageux qu'il n'y parait

Si l'argument environnemental est difficilement contestable, il ne semble pas en aller de même pour l'argument économique. Tout d'abord, il est important de comparer ce qui est comparable. Or, difficile de mettre sur le même tableau un véhicule électrique neuf et un véhicule de plus de 5 ans « rétrofité », dont la durée de vie est incontestablement limitée. Certes, le bloc motorisation ne devrait pas être soumis à davantage de problèmes. Mais les autres pièces, bien que leur nombre soit limité, vont forcément finir par montrer leurs limites plus rapidement.

En réalisant malgré tout la comparaison, l'attrait financier apparaît, là aussi, extrêmement limité. L'exemple d'une Fiat 500 « rétrofitée » vendue 16 000 € (bonus gouvernemental de 5 000 € déduit) par Retrofuture est d'ailleurs frappant. Pourquoi ? Tout simplement car il tient difficilement la route face aux derniers VE commercialisés, dont les prix sont progressivement tirés vers le bas. La triplette Volkswagen e-up!, Skoda Citigo-e et Seat Mii Electric en est l'illustration même, avec un tarif débutant aux alentours de 16 000 € (bonus écologique déduit) pour un modèle neuf. Et si vous disposez déjà de la Fiat 500 à convertir, il faudra tout de même compter 10 000 € (prime déduite). Non seulement le modèle devra être éligible à la conversion, mais l'opération coûtera généralement davantage que le prix du véhicule. Et c'est sans compter sur la valeur à la revente qu'il est, pour le moment, difficile à anticiper, bien que l'on puisse supposer qu'elle sera moindre (à l'exception des véhicules rares ou prestigieux).


Rétrofit et VE neuf : des performances incomparables

Autre problème, plus important encore : les véhicules qui sont « rétrofités » n'ont pas été conçus dans cette optique. Peut-être cela viendra-t-il un jour, mais ce n'est pas le cas pour le moment. Conséquences ? Les performances d'une voiture électrique et d'une voiture convertie apparaissent difficilement comparables, que ce soit d'un point de vue autonomie ou agrément de conduite.

Pour s'en rendre compte, reprenons notre précédent exemple : une Fiat 500 convertie d'un côté, la nouvelle Seat Mii Electric de l'autre. Le kit pour l'italienne, proposé par Retrofuture, prévoit l'ajout d'une batterie d'une capacité de 15 kWh. Sur le papier, le fabricant annonce une autonomie théorique relativement limitée, à savoir 120 kilomètres, tandis que sa vitesse maximale est bridée à 120 km/h. Comptez d'ailleurs 3 000 € supplémentaires, soit 19 000 € au total (prime déduite), pour augmenter la capacité de 5 kWh et gagner environ 40 kilomètres d'autonomie (16). Et la Seat Mii Electric alors ? Pour un prix légèrement inférieur, l'Espagnole embarque une batterie d'une capacité de 36,8 kWh et affiche une autonomie WLTP de 260 kilomètres, ainsi qu'une vitesse maximale de 130 km/h. Elle fait d'ailleurs partie du top 20 des voitures électriques les plus autonomes à l'heure actuelle. Si son style est forcément discutable, surtout en comparaison d'une Fiat 500, elle a le mérite d'intégrer de série un chargeur rapide. De quoi récupérer 80% d'autonomie en l'espace d'une heure sur une borne de 40 kW. En ce qui concerne les véhicules convertis, la recharge rapide semble être une chimère pour le moment, dans la mesure où elle est la chasse gardée des constructeurs (Tesla et ses Superchargeurs), d'une association (CHAdeMO) ou d'un consortium de constructeurs (Combo CSS).

La Fiat 500 « rétrofitée » est d'ailleurs loin d'être un cas à part. La grande majorité des modèles d'entrée de gamme, proposés entre 15 000 et 20 000 € (hors aide gouvernementale), embarquent également une batterie d'une capacité de l'ordre de 15 kWh, à l'image de la Renault Twingo II de Transition-One17. Chez Retrofuture, il faut compter a minima 32 000 € pour voir la capacité et l'autonomie atteindre respectivement 20 kWh et 180 kilomètres. Et c'est sans compter sur la fiabilité à long terme des véhicules. Bien qu'ils soient garantis (2 ans pour la conversion et 5 ans pour les batteries chez Transition-One par exemple), ils ne bénéficient pas des mêmes moyens, ni du même retour d'expérience que les constructeurs.

Un catalogue dépendant des kits homologués

Venons au dernier inconvénient majeur du rétrofit : le manque de choix. Avec la nouvelle réglementation, les fabricants doivent faire homologuer les kits pour chaque véhicule ou famille de véhicules. L'opération étant relativement coûteuse - environ 30 000 € comme nous l'avons déjà abordé -, il semble impossible de développer des kits pour l'ensemble du parc roulant de plus de 5 ans, et encore moins de les renouveler à mesure que de nouveaux modèles sont commercialisés.

En toute logique, ce n'est donc pas le choix fait par les fabricants. Pour le moment, chaque acteur semble se concentrer sur un marché de niche : Retrofuture et ses modèles de « légende » (Combi Volkswagen, Triumph Spitfire, Coccinelle, Ford Mustang, etc.), Ian Motion et ses Mini anciennes, Transition-One et ses modèles premier prix (Citroën C1, Dacia Sandero, Renault Kangoo, etc.), Carwatt et ses engins professionnels (tracteur portuaire, camion poubelle, véhicule aéroportuaire, etc.), Phoenix Mobility et ses utilitaires ou encore Méhari Club Cassis et ses Citroën Méhari.

La conséquence pour les automobilistes ? Très peu d'entre eux pourront convertir leur véhicule, dans la mesure où la grande majorité des modèles ne disposent pas de leur propre kit de conversion. Et même pour les véhicules éligibles, il est probable que des problèmes de compatibilité soient rencontrés, compliquant davantage l'opération. Dans ces conditions, l'argument « sentimental » semble difficilement tenir. Seule alternative : acheter un véhicule déjà « rétrofité » parmi le catalogue proposé par les fabricants. Et dans cette hypothèse, il faudra alors accepter que les options et autres possibilités de personnalisation soient largement limitées et se cantonnent principalement à la capacité de la batterie installée. À titre d'exemple, Retrofuture propose simplement l'ajout d'un écran tactile sur certains modèles. Comptez tout de même 1 500 € pour cela.

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Le rétrofit : oui, mais pas tout de suite

En début d'article, nous nous sommes posés une question : faut-il se convertir au rétrofit ? Au vu des arguments pour et contre, chacun peut se forger sa propre opinion sur le sujet. Toutefois, la conversion électrique ne semble s'adresser qu'à un nombre extrêmement limité de personnes, tout du moins à l'heure actuelle.

Certes, la réglementation autorise et encourage même le rétrofit. Il est vrai également que l'argument écologique fait sens. Malgré tout, plusieurs éléments nous font dire qu'il est préférable d'attendre pour le moment : les prix encore prohibitifs, le manque de choix, des performances perfectibles et l'absence de retour d'expérience sur la fiabilité des systèmes.

Certains particuliers pourront tout de même céder aux sirènes du rétrofit, tout particulièrement les amateurs de véhicules de légende (à condition qu'ils ne soient pas immatriculés en collection). Mais, même là, les opportunités semblent restreintes, dans la mesure où tout le charme d'une Ford Mustang ou d'une Porsche 911 réside en grande partie dans le son si caractéristique de sa motorisation thermique. Alors, quel avenir à court terme ? Selon toute vraisemblance, la filière sera portée par son marché professionnel dans un premier temps : les poids-lourds, les utilitaires, les engins véhiculés industriels et éventuellement les parcs des collectivités (bus, camion poubelle, etc.). Un passage obligé, dans la mesure où la conception et la standardisation des kits sont plus faciles pour de tels véhicules. Et pour les particuliers ? Il semble préférable d'attendre a minima 3 à 5 ans, le temps que des économies d'échelle ne soient réalisées et que la technologie ne fasse ses preuves. D'ici là, il reste toujours la possibilité d'opter pour une voiture électrique d'occasion, à condition de se méfier des mauvaises surprises.

1 Arrêté du 13 mars 2020 relatif aux conditions de transformation des véhicules à motorisation thermique en motorisation électrique à batterie ou à pile à combustible
2 Si le véhicule a moins de 5 ans (pour les catégories M et N) ou 3 ans (pour la catégorie L), il peut malgré tout être converti, à condition que le constructeur fournisse son accord.
3 Source : Convertir sa voiture à l'électrique : la filière rétrofit a t-elle un avenir ? - Automobile Propre - 2020
4 La planche de puissance autorisée est comprise entre 40 et 100 % de la puissance maximale du moteur d'origine pour les véhicules des catégories L1 à L5.
5 Ce sont la masse maximale techniquement admissible du véhicule, la masse en charge maximale de l'ensemble admissible et les charges maximales admissibles sur chacun des essieux qui sont concernées.
6 Source : L'association AIRe obtient l'homologation de la conversion électrique en France - Association AIRe - 2019
7 Source : Le Rétrofit électrique : une nouvelle activité, créatrice d'emplois pour la filière automobile - Association AIRe - 2019
8 Source : Conversion d'une voiture thermique en électrique : ce qu'il faut savoir - Automobile Propre - 2019
9 Source : Automobile : le retrofit, un lifting économique pour les vieux véhicules ? - La Tribune - 2020
10 Décret n° 2020-656 du 30 mai 2020 relatif aux aides à l'acquisition ou à la location des véhicules peu polluants
11 Source : Prime au rétrofit électrique : moteur thermique transformé en moteur électrique - Service Public - 2020
12 Source : Les aides et solutions pour circuler plus proprement - Métropole Grenoble-Alpes - 2020
13 Source : Transition-One : Electric car for all - Transition-One - 2020
14 Source : Nos véhicules - Retrofuture - 2020
15 Source : Quel est le véritable coût de votre utilitaire ? - Phoenix Mobility - 2020
16 Source : Fiat 500 - Retrofuture - 2020
17 Source : Success Story conversion Renault Twingo II - Transition-One - 2020
Commentaires (0)
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Commentaires (10)
Kaysis

Joli dossier.

santec

aucune entreprise prés de chez moi pour faire le rétrofit !!!

Bombing_Basta

Dommage que l’homologation ne se base pas aussi sur le type de moteur, par exemple chez PSA, les puretech 110 et 130 sont dans quasiment tous leur modèles.

Donc créer un « retrofit » (terme qui est loin d’être propre à l’automobile au passage) pour un puretech 110 par exemple, devrait le rendre compatible avec tous les véhicules conçus avec ce groupe.

Seuls quelques détails changeant entre chaque véhicule équipés de ce moteur, seules ces adaptations propres à chaque véhicules devraient faire l’objet d’une homologation additionnelle spécifique (mais moins chère du coup).

Sinon dans l’article, rien sur comment serait intégré la gestion du nouveau groupe électrique dans une voiture de base thermique, au niveau de l’ordinateur de bord (niveau de batterie, rapport à passer qui disparait, etc…).

philouze

mais qui est ce Alexis qui nous pond des articles de cette qualité, en étayant tous ses ressentis et … et en citant TOUTES ses sources ???

j’ai envie de dire ENFIN et BRAVO et MERCI

voilà ce que devrait être le journalisme 2.0 partout. C’est un super boulot

SlashDot2k19

Ça coûte une blinde le retrofit, ça ne peut pas être amorti par des particuliers.
Ça restera une niche pour quelques professionnels.

KlingonBrain

Comme toujours en France, trop de réglementation, trop de contraintes, trop de conditions. Et au final, rentabilité discutable. Et une bonne idée tuée dans l’oeuf.

Sinon, comme d’habitude, toujours cet immense mépris du DIY que nos élites sorties de grandes écoles voient toujours comme le mal absolu. Il faudra passer par un professionnel pour avoir le coup de tampon.

A ceux qui pensent que sans le zèle de nos amis du Grand Reglementator ce serait le chaos absolu dans les rues, surtout n’allez pas voir aux USA ou en Angleterre ou de nombreux particuliers ont fait des rétrofit par eux même. Sans compter toutes les petites boites qui vivent de ça.

fg03

J’ai vu un reportage sur une société française qui faisait ça.
Pour 5,000€ ils transformaient une petite voiture thermique en électrique.
Intéressant pour les vieux modèles de collection.
Bon par contre c’était vraiment du premier prix car la vitesse était plafonné à 80 km/h
Ensuite l’autonomie était inférieur à 100km
En plus il fallait passer des vitesses… car il ne touchait pas à l’embrayage… je me demande même si le différentiel était géré… Je ne doute pas que des plus grosses structures vont se mettre dans le créneau pour proposer des kits clé en main avec un effet de volume qui fera baisser les prix à la clé.

DAOV

Pour des personnes ne faisant que des micros trajets, c’est parfaitement adapté. j’envisage dans le futur de me prendre une petite voiture électrique, même avec des performances limitées à 80/90 Kmh et 150/200Kms d’autonomie pour la région parisienne et de louer un véhicule pou les rares déplacements plus loin ou le train/bus.

l’important c’est le choix. Que ceux voulant des VE avec 600 km d’autonomie payent 30K€ cela ne me gêne pas.

MattS32

« mais les voitures de collection sont automatiquement exclues »

Uniquement les voitures immatriculées comme voiture de collection (régime spécifique qui impose moins de contrôle technique, mais restreint le périmètre de déplacement), on peut tout a fait avoir une voiture de collection immatriculée normalement, et qui du coup est éligible au rétrofit.

trollkien

le véhicule ne doit pas être immatriculé au titre de véhicule de collection.

dont la puissance est comprise entre 65 et 100 % de la puissance maximale du moteur d’origine

le poids à vide après la conversion doit être compris dans une plage de plus ou moins 20 % par rapport au poids d’origine.

Pour moi 3 points noirs pour le rétrofit.

Le poids déjà, et puis on veut pas tous retrofiter des vieille porches de 300cv.

Déjà à l’époque on posait des flat de porshe dans nos buggy et cox, la si on retrofit a puissance egale ca sera anorexique je pense

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