Un OS vaut mieux que deux ?
Windows 10 est censé concrétiser la promesse initiée par Windows 8 et Windows Phone 8 : après avoir unifié les noyaux et les API de ses deux systèmes, Windows 10 est un seul OS, exécuté sur smartphone, tablette et PC (et même écran tactile géant ou casque de réalité augmentée).En réalité, il y a tout de même deux versions de Windows 10. La première est destinée aux PC et aux tablettes de grande taille, et permet comme Windows 8, d'utiliser les applications « classiques » telles que les nouvelles apps « modern UI », que l'on peut désormais exécuter en plein écran ou en mode fenêtre.
La version mobile, dédiée aux smartphones et aux petites tablettes, se débarrasse du bureau pour adopter une interface uniquement tactile. Mais la clé réside dans le fait que les apps Windows 10 sont censées être universelles : une même app est utilisable sur les trois formats, avec un design adaptatif.
OS X est, lui, complètement distinct de iOS. Bien que les deux systèmes soient basés sur le même noyau et qu'ils partagent certaines technologies et API, le concept d'app universelle n'existe qu'entre iPhone et iPad. Apple préfère jouer sur la notion de Continuité : les fonctionnalités d'une app se retrouvent d'un OS à l'autre, de même que les contenus : photos, documents, ainsi que SMS et appels sont désormais partagés. Handoff permet de reprendre le travail commencé sur un Mac avec un iPhone ou un iPad en un geste. Les apps ne sont pas universelles, mais quelque part les contenus créés le sont.
Tactile ou pas tactile ?
En 2010, Steve Jobs avait refroidi les espoirs de ceux qui attendaient un Mac tactile, et Apple n'a pas changé son fusil d'épaule depuis : la firme de Cupertino ne veut pas entendre parler de traces de doigt sur l'écran. Le multitouch, oui, mais uniquement via le trackpad ! Leur position se défend : c'est vrai que le tactile, sur les Mac tels qu'ils sont conçus aujourd'hui, ça n'aurait aucun intérêt, et ça serait totalement anti-ergonomique.Néanmoins, en essayant d'imposer un OS hybride pensé pour le tactile comme pour le couple souris/clavier, Microsoft a prouvé qu'on pouvait arriver à des formats parfois assez réussis, comme le Yoga de Lenovo ou la Surface Pro 3. Mais côté logiciel, il y a toujours le risque de privilégier une interface par rapport à l'autre, et c'est ce qui s'était passé avec Windows 8.
Windows 10 adopte un compromis beaucoup plus pertinent : selon l'usage, tablette ou PC, les apps et le menu Démarrer (de retour) s'exécutent en plein écran ou en mode bureau. Le système est même capable de détecter la présence d'un clavier et peut vous basculer d'un mode à l'autre en un clic.
Menu Démarrer vs Dock et Launchpad
Parlons-en justement, du menu Démarrer. Son retrait dans Windows 8 avait fait couler beaucoup d'encre, et si Windows 8.1 arrondissait plutôt bien les angles, une partie des utilisateurs de PC « classiques » continuait à trouver cette interface plein écran contreproductive pour lancer des apps sur le bureau.Avec Windows 10, Microsoft a finalement décidé de couper la poire en deux avec le retour d'un menu Démarrer qui revient clairement à l'esprit de Windows 7, mais en conservant les tuiles dynamiques. Et si tout ne semble pas encore finalisé, on est forcé d'admettre que l'implémentation est réussie au premier abord, et réunit le meilleur des deux mondes : le lancement d'applications sans quitter l'interface du bureau, et le côté pratique des tuiles.
Dans le genre « vieilles habitudes », on ne peut pas dire qu'Apple ait beaucoup bousculé ses utilisateurs avec son Dock, qui n'a jamais vraiment évolué depuis la première version de Mac OS X, hormis diverses refontes visuelles plus ou moins heureuses. OS X Yosemite le remet à plat, ainsi que toute l'interface, et c'est une bonne chose. L'autre lanceur d'applications, c'est le Launchpad, hérité de iOS, et dont l'intégration sur OS X souffre toujours d'étranges limitations pour un usage clavier / souris.
Bureau : Windows 10 se rapproche du Mac
On aime le bureau Windows, mais il faut admettre qu'il y a deux fonctionnalités qui nous manquent par rapport à OS X : une vue d'ensemble des fenêtres à la Mission Control, et les bureaux virtuels, qui font le bonheur des utilisateurs de Linux depuis des années.Ça tombe bien : Microsoft a fait fonctionner la photocopieuse (elle tourne également dans l'autre sens !) et livre sa propre version de Mission Control, qui remplace d'ailleurs la barre d'applications de Windows 8. Et c'est exactement ce dont on a besoin : d'un moyen simple et efficace de voir toutes les apps ouvertes et de basculer de l'une à l'autre sans jouer du Alt+Tab (qui est toujours là pour les puristes).
Pour les bureaux virtuels, l'intention est là mais, à moins que ça change d'ici la version finale, l'implémentation n'est pas encore aussi souple que sous OS X. Pas possible de faire passer une fenêtre d'un bureau à l'autre, de réorganiser les bureaux, pas de gestes pour naviguer entre les espaces... Mais c'est un début, et de son côté, OS X n'a toujours pas, en standard, quelque chose de comparable au Snap pour afficher deux fenêtres ou apps côte à côte.
Cortana vs Spotlight (en l'absence de Siri)
Cortana est l'invitée surprise de Windows 10 sur PC. L'assistante virtuelle de Microsoft est un habile mélange entre Siri, pour le côté personnifié, et Google Now pour l'analyse contextuelle de vos informations. On peut s'interroger sur l'intérêt de parler à son ordinateur, mais les démonstrations effectuées par Microsoft avaient l'air convaincantes, d'autant plus que Cortana comprend également le texte en langage naturel.Chez Apple, on attendait Siri sur Mac, mais hormis la dictée vocale ajoutée à OS X Mavericks, il semblerait qu'Apple souhaite garder son humour narquois et ses requêtes basées sur divers services (Rotten Tomatoes, OpenTable, Yelp...) pour iOS. Peut-être que l'intégration de Cortana les incitera à aller de l'avant. En attendant, OS X Yosemite a introduit une version revue et corrigée de Spotlight, capable d'aller chercher des informations sur le web et, pour ne pas dépendre de Google, c'est.... Bing, qui fournit les résultats. Dans les deux cas, en revanche, ces services font encore face à de gros problèmes de localisation, les fonctionnalités les plus intéressantes étant réservées aux États-Unis.
iCloud vs OneDrive
Microsoft comme Apple mettent de plus en plus en avant leur offre cloud au sein de leur système. A la sortie de Windows 8.1, Microsoft avait expliqué vouloir faire de OneDrive la destination de choix par défaut pour les documents et photos de l'utilisateur. OneDrive est intégré à l'Explorateur Windows mais aussi à l'app Photos, et Microsoft fait tout pour rendre son offre attractive avec des tarifs de plus en plus agressifs, tant pour l'espace de stockage seul, que via ses formules Office 365 qui proposent jusqu'à 10 To, plus un accès à la suite Office pour 7 euros par mois !iCloud a longtemps été à la traîne mais Apple se rattrape un peu avec OS X Yosemite et iOS 8. Apple propose désormais des formules à peu près comparables, en termes d'espace de stockage, et plus abordables qu'auparavant, mais toujours deux fois plus chères que l'équivalent chez OneDrive ou Dropbox. En outre, même si iCloud permet enfin de disposer librement de ses To et de sauvegarder toutes ses photos sans limite, il reste plus fermé que son concurrent. Microsoft intègre OneDrive à ses smartphones mais propose aussi des apps complètes pour iOS et Android. Apple a ouvert iCloud Drive à Windows, mais non aux OS mobiles de Microsoft ou Google.
Mac App Store vs Windows Store
Même si, dans les deux cas, il ne s'agit pas de la seule façon (encore heureux !) de se procurer des applications, Windows et OS X intègrent tous deux un kiosque de téléchargement. Apple a dégainé le premier avec le Mac App Store, lancé en janvier 2011, et Microsoft lui a emboité le pas avec le Windows Store de Windows 8. Ce qu'on y trouve est cependant très différent !Le Mac App Store propose une large sélection d'applications et de jeux, dont une bonne partie est également disponible via les canaux « traditionnels ». L'avantage ? Pas besoin de saisir de numéro de série, pas de limites d'installation, et des mises à jour automatisées. Apple a tout de même réduit l'intérêt de son kiosque en imposant des restrictions sur le comportement des applications, qui doivent être exécutées dans un bac à sable isolé du système, ce qui exclut des apps telles que des clients FTP ou des gestionnaires de mot de passe.
Le Windows Store, lui, ne contient que des apps « Modern UI », destinées à être utilisées en mode tactile et, à l'origine, exclusivement en plein écran, totalement séparées des logiciels « classiques » du bureau Windows. Windows 10 rend la distinction plus floue : les deux cohabitent désormais. Et on a hâte de voir si cette nouvelle approche, ainsi que les apps universelles, permettent d'enrichir le Windows Store d'apps plus complexes, mais jusqu'ici, il n'a renfermé que des choses assez « légères » : news, réseaux sociaux, VOD...
Apps intégrées : le Mac a-t-il encore l'avantage ?
Pendant longtemps, le Mac a bénéficié d'une excellente réputation sur son offre logicielle intégrée, et à juste titre : la simplicité et la puissance d'un iMovie ou d'un iDVD étaient remarquables pour des outils fournis gratuitement (pour l'achat d'un nouveau Mac).Depuis, Apple a ajouté la suite bureautique iWork à la liste, mais il faut bien avouer que la qualité des applications a baissé : Pages, Numbers et Keynote ont subi de grosses coupes dans leurs fonctionnalités après avoir été longtemps laissés à l'abandon, et un iPhoto autrefois considéré comme un modèle, est devenu de plus en plus lourd et compliqué.
Heureusement, Apple semble vouloir corriger le tir depuis un an : des mises à jour de la suite iWork rétablissent une bonne partie des fonctions disparues, et la future application Photos paraît remplacer avantageusement le vieillissant iPhoto.
Chez Microsoft, on est un peu à la fin d'une phase de transition. On a eu Windows Live et ses Essentials, devenus une suite logicielle correcte avant d'être abandonnée à l'ère de Windows 8.
Et si les apps de ce dernier étaient de qualité assez moyenne, Microsoft s'est repris depuis, et se prépare à relever encore un peu la barre pour Windows 10 avec l'arrivée d'apps Office qu'on imagine gratuites avec peut-être quelques bridages comme sur iPad et tablettes Android. Dans tous les cas, ça ne remplacera pas le « vrai » Office, mais pour éditer et créer des documents, qui plus est avec une compatibilité Office native, ça devrait se montrer au niveau de ce que propose Apple avec son iWork. Ce qu'on a pu voir de la nouvelle app Photos, basée sur OneDrive, nous a également paru intuitif.
Windows vs Mac OS : à l'approche d'un tournant ?
Déterminer un gagnant à un combat qui dure depuis près de 20 ans est évidemment illusoire. Mais à l'heure où Windows, comme OS X, arrivent au bout d'une période de transition, il est intéressant de comparer les points sur lesquels leur philosophie diffère radicalement, et ceux sur lesquels ils se rejoignent.On peut dire que Windows se remet d'une crise : Windows 8 a beau avoir ses adeptes, il n'est pas insensé d'affirmer qu'il a été fraîchement accueilli. La vision originale d'un système où le bureau se cache derrière une interface davantage pensée pour le tactile que pour le couple clavier/souris n'a pas su rencontrer assez largement son public. On pourrait voir Windows 10 comme un rétropédalage, mais il semble surtout être un retour à la raison, et à une séparation beaucoup plus pertinente entre tablette et PC.
Apple tente de son côté de faire cohabiter un OS « moderne » et un système plus classique en piochant des fonctionnalités entre l'un et l'autre. OS X Yosemite nous a paru être la meilleure incarnation de cette approche, mais Apple se retrouve sous le feu des critiques ces derniers temps. Est-ce que la firme de Cupertino a les moyens de faire évoluer de manière annuelle deux systèmes différents ? On leur a beaucoup reproché l'abandon de certaines applications, des bugs gênants à répétition au lancement de leurs mises à jour, et surtout une sorte de fuite en avant imposée par la priorité au marketing et aux nouvelles fonctionnalités au détriment de la stabilisation.
Quel OS X Apple mettra en face de Windows 10 ? On n'imagine pas un énième changement radical de l'interface, et on apprécierait même une pause dans la course aux nouveautés, une sorte de Snow Leopard de l'ère post Lion. Car à quelques mois de la sortie de Windows 10, on est assez impressionné par le travail, encore incomplet, réalisé par Microsoft, et on dirait bien que l'objectif de Satya Nadella, redonner envie aux utilisateurs « d'aimer Windows », est sur la bonne voie !