L'enceinte de confinement contenant la bille bombardée par des lasers, au centre du dispositif de fusion du NIF. © LLNL’s National Ignition Facility
L'enceinte de confinement contenant la bille bombardée par des lasers, au centre du dispositif de fusion du NIF. © LLNL’s National Ignition Facility

C'était la surprise de la fin d'année 2022 : l'équipe du National Ignition Facility (États-Unis) était arrivée pour la première fois à obtenir une réaction de fusion produisant localement plus d'énergie qu'elle en absorbait. En 2023, la réussite est moins flamboyante, mais tout aussi importante : reproduire l'expérience.

En décembre 2022, les États-Unis avaient célébré avec grand bruit la toute première réaction de fusion nucléaire avec un gain positif (ce qu'on appelle le « breakeven »). Le système est installé au Lawrence Livermore National Laboratory, et fait partie de la NIF (National Ignition Facility), utilisée principalement pour simuler des réactions au service des armes nucléaires de la défense américaine.

Dans cette enceinte dédiée à la recherche, un ensemble de presque 200 lasers (192) bombarde de faisceaux une bille de 2 millimètres de diamètre contenant des isotopes de l'hydrogène. Ces derniers fusionnent et forment alors des atomes d'hélium, dans une réaction qui produit de l'énergie : tout l'enjeu de la technologie est de générer une réaction qui produit plus d'énergie que celle qui est injectée par les lasers. Ce « breakeven » ou gain positif atteint en 2022 avait produit 3.15 Mégajoules à partir d'une énergie combinée de 2 Mégajoules issue des lasers.

Réglage de l'un des ensembles laser du NIF. De la précision, et de la puissance ! © LLNL/National Ignition Facility NIF
Réglage de l'un des ensembles laser du NIF. De la précision, et de la puissance ! © LLNL/National Ignition Facility NIF

On prend les mêmes et on recommence

Si les résultats avaient attiré les regards (et les fonds de recherche), il fallait tout de même vérifier l'ensemble des paramètres menant à ce gain positif. Car sans remettre la mesure en cause, le principe même de la démarche scientifique, pour une nouvelle méthode, repose sur la répétabilité des résultats. En cela, les résultats de 2023 ont réussi à montrer que la technique est la bonne.

Trois fois cette année, l'équipe du NIF a réussi à dépasser le breakeven et à obtenir des gains positifs, cet été et deux fois en octobre. Avec un record fin juillet, où les 2 Mégajoules des lasers ont permis de générer 3,88 Mégajoules grâce à la réaction de fusion. C'est un résultat significatif, car il montre que ce gain n'était pas le fruit de conditions inexpliquées, mais l'application de principes de mieux en mieux documentés.

Mieux comprendre les réactions

En effet, il faut remarquer que le premier semestre 2023 a été compliqué au NIF, plusieurs expériences qui devaient en théorie produire des gains positifs se sont révélées non concluantes (en juin, les scientifiques attendaient 3 Mégajoules et ont mesuré 1,6 puis 1,7 Mégajoules). De quoi affiner les paramètres et la recherche. Les scientifiques ont ainsi mis en exergue des variations minuscules lors de l'activation des faisceaux laser à forte puissance. Notamment, si une partie frappe la bille avant le reste, cette dernière est très légèrement déséquilibrée et la réaction de fusion est imparfaite.

À l'inverse, ils estiment que si la synchronisation était parfaite, leur expérience pourrait produire jusqu'à 7 Mégajoules, soit un gain positif de 3,5. Et les lasers, en cette fin d'année, ont normalement été légèrement améliorés pour fournir 2,2 Mégajoules au lieu de 2. D'autres équipes travaillent sur la géométrie de la bille contenant les isotopes d'hydrogène, ainsi que de l'enceinte.

L'installation destinée aux essais sur la fusion au NIF. © LLNL’s National Ignition Facility

Des progrès à petits pas

Ces progrès, que l'on peut voir comme très lents, sont suivis de près par les instituts du monde entier. La fusion nucléaire, malgré des décennies d'expérience, des installations énormes et des principes de mieux en mieux compris, en est encore à ses balbutiements. Elle ne participera pas de manière significative à la génération d'énergie électrique avant encore quelques décennies (à moins qu'une ou plusieurs entreprises privées ne convertissent ses promesses aussi vite que prévu), malgré les progrès et des commentaires élogieux lors de la dernière COP28. Néanmoins, il s'agit d'avancées significatives, en particulier pour la recherche… Et 2023 a de nouveau montré l'avance dont dispose le NIF et le confinement laser sur les autres techniques en matière de gains.

Pour rappel, d'autres méthodes (comme les Tokamaks, ou les Stellarators) permettent de travailler sur d'autres aspects, comme la génération de plasma de fusion sur de longues durées, la forte puissance, les températures record ou les cas pratiques de confinement et de conversion de l'énergie obtenue. Des avancées telles que celles du NIF, répétées et répétables, permettent de conforter des résultats attendus depuis parfois plus de 30 ou 40 ans. « L'exploitation de l'énergie de fusion est l'un des défis technologiques du 21e siècle », a estimé pour sa part la Secrétaire (ministre) à l'énergie américaine, Jennifer Granholm.

Source : CNN