Les députés européens se sont mis d'accord, jeudi, sur le projet de régulation des géants du numérique, en votant à une très large majorité le Digital Services Act, ou DSA.
Après le Conseil de l'Union européenne, fin novembre, le Parlement européen a, à son tour, adopté sans grande difficulté l'ensemble des mesures visant à lutter contre les contenus illégaux et à responsabiliser les plateformes dans la modération de leurs contenus – mesures rassemblées sous le Digital Services Act (DSA). Désormais, la France, qui préside le Conseil de l'UE, dispose d'un boulevard pour négocier avec les États membres, dernière étape avant l'application du texte, censé être finalisé avant la fin du mois d'avril, pour une entrée en vigueur au plus tard prévue pour la fin 2023.
Une modération des contenus, avec un mécanisme de notification obligatoire
Jeudi 20 janvier, les eurodéputés ont donné leur feu vert à l'ouverture des négociations autour du DSA avec les États membres. C'est à une large majorité (530 voix pour, 70 contre et 80 abstentions) que le rapport sur ce projet de loi européenne a été voté, donnant ainsi mandat au Conseil de l'Union européenne. Ce dernier est présidé par une France qui encourage grandement l'adoption de ce projet réglementaire visant à faire basculer la zone vers un Internet meilleur, et qui peut désormais plus librement négocier avec les États membres, comme nous le disions plus tôt.
La première des grandes missions de ce DSA, c'est d'agir directement sur la modération des contenus. Autrement dit, le texte a pour ambition de supprimer les contenus illicites et de prévenir la désinformation. Il vient définir de façon très précise les responsabilités et les obligations des plateformes en ligne, comme les réseaux et médias sociaux, que tout le monde connaît, et les marketplaces. Ces dernières devront d'ailleurs vérifier l'identité des commerçants vendeurs.
Les plateformes concernées devront mettre en place une procédure, un mécanisme de notification et d'action, permettant de retirer au plus vite tout produit, service ou contenu qui puisse être illicite. Les fournisseurs de services d'hébergement devront ensuite faire suivre d'effet ces revendications, « sans retard excessif, en tenant compte du type de contenu illégal notifié et de l'urgence d'agir », précise le règlement, qui impose aussi un traitement non arbitraire et non discriminatoire de ces notifications, en respectant avant tout la liberté d'expression.
De nouvelles obligations imposées par le Parlement
Les plus grandes plateformes en ligne seront, elles, soumises à des obligations plus spécifiques, notamment du fait de l'impact que peut avoir une diffusion rapide et massive de contenus préjudiciables et illicites. D'une part, le DSA entend renforcer la lutte contre les contenus préjudiciables mais aussi celle contre la propagation des fausses informations, par la mise en place de dispositifs et mesures d'atténuation des risques, ou des audits indépendants.
Attention tout de même, car le DSA validé par le Parlement européen a subi certaines modifications par rapport à la version adoubée par le Conseil de l'UE. Par exemple, les petites et micro entreprises seront exemptées de certaines obligations découlant du texte.
Mais surtout, le rapport des utilisateurs aux grandes plateformes va quelque peu changer. Certains pourront notamment se retourner contre les services numériques qui ne respectent pas leurs obligations et pourront ainsi demander un dédommagement, à l'aide de voies de recours dédiées. De même, la publicité ciblée devra être encore plus transparente et éclairée, ce qui veut dire que les destinataires des services en ligne devront plus facilement savoir comment leurs données sont monétisées. Le refus du consentement à la collecte de données devra être encore plus facile pour les utilisateurs, au moins autant que l'acceptation (ce qui nous fait logiquement penser aux cookies walls). Le refus du consentement ne devra pas empêcher les internautes d'accéder à une plateforme. Celle-ci devra proposer un mode de publicité sans suivi.
Mozilla, partisan de la vie privée, salue la démarche de l'UE
Après le vote du Parlement européen, Owen Bennett, Senior Policy Manager chez Mozilla, a salué « un pas de plus vers un meilleur Internet », indiquant que ce vote « a défini une vision pour traiter de manière significative les préjudices » que des acteurs comme Mozilla et ses alliés disent subir avec les grandes entreprises technologiques.
« Nous sommes heureux de voir que le Parlement donne aux chercheurs et aux organismes de surveillance ce dont ils ont besoin pour identifier les préjudices cachés, notamment en ce qui concerne la publicité en ligne. Nous pensons que l’avenir de cette dernière doit être plus respectueux de la vie privée, plus transparent et donner plus de contrôle aux individus. Le DSA ne résout pas tout, mais c’est une étape majeure dans la construction d’un écosystème publicitaire plus sain. »
Mozilla voit avec le DSA une occasion unique, pour l'Union européenne, de pousser les géants du numérique vers une voie plus vertueuse.