Une femme priant devant son ordinateur portable © ftimelexandru88 / Shutterstock
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L'Église catholique a préféré mentionner le « reniement » du baptême d'un catholique qui, lui, demandait l'effacement de toute mention. Se prévalant du RGPD, il s'est heurté au Conseil d'État. Clubic décrypte la décision.

C'est une affaire de données personnelles disons, peu banale, que les membres du Conseil d'État ont eu à trancher. Un individu de confession catholique, qui souhaitait se faire débaptiser, a été confronté au refus de l'Église et a donc, en février 2020, saisi la CNIL, pour obtenir gain de cause. Mais le gendarme des données a préféré renvoyer le dossier devant le Conseil d'État, qui a fini par trancher… en faveur de l'association diocésaine d'Angers. Mais pourquoi donc ?

Le RGPD ne s'applique pas pour un individu qui souhaite être « débaptisé »

Le refus d'être débaptisé au nom du RGPD, le règlement européen sur la protection des données, a suscité des débats jusqu'au Conseil d'État, au moment de trancher la demande d'un catholique qui souhaitait exercer son droit d'effacement et d'opposition au traitement des données figurant dans le registre des baptêmes du diocèse d'Angers.

L'Église a refusé en expliquant que le registre ne servait qu'à « conserver la trace d'un événement » qui, à ses yeux, constitue l'entrée d'un individu dans la communauté chrétienne. Le diocèse a expliqué que le baptême était notamment requis « pour accéder au mariage ». Retirer donc la trace du baptême reviendrait alors à priver l'individu de son droit à un mariage religieux catholique.

Cet argument a, en partie, fait mouche auprès du Conseil d'État, dans sa décision du 2 février 2023 lue le 2 février 2024. La plus haute juridiction administrative approuve la décision de l'Église et l'explication selon laquelle effacer un baptême poserait des problèmes pour ceux qui souhaitent réintégrer la communauté chrétienne, en vue d'un mariage religieux par exemple, comme nous l'expliquions.

L'Église propose une solution intermédiaire inhabituelle, acceptée par la CNIL et le Conseil d'État

La CNIL avait déjà estimé, en son temps, qu'il n'existait pas de motif valable d'effacement au sens du RGPD. Le Conseil d'État a aussi validé ce raisonnement, en soulignant que la mention des données sur le registre des baptêmes ne constitue pas un traitement illicite de l'information. Il évoque aussi la nécessité de conserver ces données jusqu'au décès de la personne baptisée.

Pour les conseillers, la conservation des données sur l'état civil, la filiation et les coordonnées est nécessaire. Pour « compenser » le refus de supprimer la mention du registre, le diocèse angevin était prêt à mentionner, en face du nom de l'intéressé, que celui-ci a « renié son baptême ». La CNIL, approuvée par le Conseil d'État, avait trouvé cette proposition « satisfaisante », ajoutant qu'elle suffisait à répondre au droit d'opposition du demandeur.

Cette décision du Conseil d'État établit en tout cas un précédent concernant les demandes de débaptisation au nom du RGPD. Elle souligne l'importance de l'équilibre entre les droits individuels et les intérêts institutionnels, tout en préservant la nature spécifique des registres des baptêmes et la liberté de l'Église à conserver ces données pour des raisons légitimes.

Sources : Conseil d'État, Legalis, Clubic