La technique du web scraping a été détournée de ses fonctions initiales © Profit_Image / Shutterstock
La technique du web scraping a été détournée de ses fonctions initiales © Profit_Image / Shutterstock

Le web scraping, technique d'extraction automatisée de données en ligne, serait-il en train de traverser en dehors des clous ? Au-delà des enjeux de concurrence déloyale, cette pratique sert désormais de tremplin aux campagnes de phishing. Un cocktail explosif qui menace entreprises et consommateurs sur le Web.

Internet regorge d'informations précieuses, au sens propre du terme pour certaines entités. Une manne de données qui attise les convoitises et donne naissance à des techniques d'extraction massive comme le web scraping. À l'origine utilisé à des fins marketing ou d'analyse concurrentielle, le scraping sort aujourd'hui du cadre légal pour devenir l'allié des cybercriminels. Ces derniers y voient un moyen rapide et efficace de collecter les données nécessaires à leurs arnaques en ligne, notamment le phishing.

Cette évolution pose de sérieux problèmes aux entreprises, contraintes de protéger leur contenu et leur image de marque. Les consommateurs ne sont pas en reste, se retrouvant potentiellement victimes d'escroqueries toujours plus élaborées.

Le web scraping et les bots : une technique d'extraction massive de données

Le web scraping, c'est quoi au juste ? Cette technique consiste à extraire automatiquement des données d'un site web grâce à un programme informatique. L'objectif ? Récupérer rapidement un grand volume d'informations sans passer par le fastidieux copier-coller manuel.

Pour ce faire, les scrapers utilisent des bots, de petits logiciels automatisés qui parcourent les pages web à la vitesse de l'éclair. Ces bots fonctionnent généralement en trois étapes :

  1. Ils envoient une requête au site ciblé pour accéder à son contenu ;
  2. Ils analysent le code HTML de la page pour repérer les informations recherchées ;
  3. Ils extraient ces données et les convertissent dans un format exploitable.
Des hackers se servent du web scraping à des fins de phishing © Daniel Beckemeier / Shutterstock
Des hackers se servent du web scraping à des fins de phishing © Daniel Beckemeier / Shutterstock

Les bots de scraping sont de vrais caméléons. Ils se font passer pour de simples navigateurs web afin de ne pas éveiller les soupçons. Certains sont même capables de remplir des formulaires ou d'effectuer des actions complexes pour accéder à des zones protégées d'un site.

Contrairement aux robots d'indexation des moteurs de recherche, qui respectent certaines règles, les bots de scraping font fi des restrictions. Ils ignorent allègrement le fichier robots.txt censé indiquer les zones interdites d'un site.

L'essor de l'intelligence artificielle a donné naissance à une nouvelle génération de bots encore plus redoutables. Ces botnets d'IA sont capables d'analyser des données non structurées et de prendre des décisions intelligentes pour optimiser leur collecte.

Pour se défendre de ces pratiques, les sites web ne restent pas les bras croisés. Ils mettent en place diverses parades : limitation du nombre de requêtes, modification régulière du code HTML, utilisation de CAPTCHA… Un véritable jeu du chat et de la souris s'engage entre défenseurs et attaquants.

Web scraping : un casse-tête pour les sites web, les entreprises et les consommateurs

Le web scraping n'est pas qu'une simple question technique. Cette pratique soulève de nombreux problèmes pour les acteurs du Web, qu'il s'agisse de sites, d'entreprises ou de consommateurs.

Pour les sites web, c'est d'abord un défi technique. Le trafic généré par les bots de scraping peut représenter jusqu'à 42 % du trafic global. Cette surcharge met à rude épreuve les serveurs, dégradant les performances et augmentant les coûts d'infrastructure. Sans parler de la pollution des statistiques de fréquentation, qui fausse l'analyse du comportement des vrais visiteurs.

Les entreprises, elles, voient leur propriété intellectuelle menacée. Le contenu unique qu'elles produisent (descriptions de produits, avis clients, etc.) peut être copié en un clin d'œil par des concurrents peu scrupuleux. C'est tout leur avantage compétitif qui part en fumée. Dans le e-commerce, le scraping des prix permet aux rivaux d'ajuster leurs tarifs en temps réel, sapant les stratégies commerciales.

Mais le problème ne s'arrête pas là. Le scraping ouvre la porte à des pratiques encore plus dangereuses. Des cybercriminels l'utilisent pour créer de faux sites, copies conformes des originaux. Baptisée spoofing, cette technique n'a qu'un seul objectif : monter des arnaques au phishing ultra-crédibles. En récupérant images, descriptions et prix, ils montent des boutiques en ligne factices pour piéger les consommateurs et voler leurs données bancaires. Ces usurpations d'identité nuisent gravement à l'image de marque des entreprises victimes. Elles se retrouvent associées malgré elles à des escroqueries, perdant la confiance durement gagnée de leurs clients.

Les consommateurs sont les derniers maillons de cette chaîne, et pas les moins exposés. Confrontés à des sites frauduleux toujours plus réalistes, ils risquent de tomber dans le panneau et de se faire dérober des informations sensibles. Le phishing nouvelle génération, alimenté par le scraping, devient un véritable casse-tête.

Mais la riposte s'organise. Des solutions de gestion des bots fondées sur l'intelligence artificielle font leur apparition. Elles analysent le comportement des visiteurs pour détecter les robots malveillants. Mais la partie est loin d'être gagnée : en l'absence de législation claire sur le sujet, le web scraping continue de prospérer dans une zone grise juridique.