Des scientifiques viennent de repousser les frontières du possible : concevoir un laser surpuissant capable d'émettre des impulsions ultrabrèves de 100 MW. Une innovation qui pourrait trouver des applications dans de nombreux domaine.
Dans les laboratoires de l'ETH Zurich, une équipe de physiciens travaille à faire avancer la technologie laser ; l'université est même un acteur de premier plan dans ce domaine de recherche. Ces derniers ont développé un système capable de générer des impulsions lumineuses d'une puissance de 100 mégawatts sur des durées infinitésimales – moins d'une picoseconde, soit un millionième de millionième de seconde. C'est cette durée d'impulsion, sur une échelle de temps extrêmement courte, qui explique le nom de laser picoseconde.
Quand la miniaturisation rencontre la puissance
L'innovation de l'ETH dans une architecture laser radicalement repensée. Traditionnellement, pour atteindre de telles puissances, les systèmes laser nécessitaient plusieurs étages d'amplification externes et très encombrants. Les chercheurs zurichois ont bouleversé cette approche en concentrant toute la technologie dans un composant central : un disque plus fin qu'un cheveu, où des atomes d'ytterbium, emprisonnés dans une structure cristalline, agissent comme source lumineuse lorsqu'ils sont excités.
Autour de ce cœur technologique, l'équipe a développé deux innovations déterminantes. La première consiste en un système sophistiqué de miroirs formant ce que les physiciens appellent une « cavité réplicative ». Ce dispositif permet d'amplifier le faisceau laser à de très hauts niveaux d'intensité tout en maintenant une stabilité remarquable.
La seconde innovation repose sur un miroir semi-conducteur de nouvelle génération baptisé SESAM (Semiconductor Saturable Absorber Mirror), enrichi d'une fine fenêtre en saphir. Ce composant joue un rôle fondamental dans le système : il transforme le faisceau continu en impulsions ultrabrèves d'une puissance exceptionnelle. « Cette réussite couronne des années d'exploration passionnante des arcanes de la physique laser », souligne Ursula Keller, physicienne dirigeant le projet.
Des performances époustouflantes
Les impulsions générées, à leur niveau maximal, pourraient alimenter momentanément 100 000 aspirateurs. La puissance moyenne du laser, de l'ordre de 550 watts, dépasse de plus de 50 % les précédents records expérimentaux. Comme expliqué précédemment, ce nouveau laser est très compact. « Jusqu'à présent, des impulsions d'une telle puissance ne pouvaient être obtenues qu'en faisant passer des impulsions plus faibles à travers plusieurs amplificateurs séparés à l'extérieur du laser » explique Moritz Seidel, physicien ayant participé au projet.
Cette avancée ouvre des perspectives d'applications jusqu'alors hors d'atteinte. Dans le domaine des horloges atomiques, ces impulsions très courtes permettront une mesure du temps d'une précision inégalée. En médecine, elles permettraient d'examiner les tissus organiques sans les endommager. Les industries pourraient également l'utiliser pour améliorer le contrôle qualité des matériaux grâce à des analyses non destructives. Pour les secteurs des communications spatiales et de la fusion nucléaire (domaine sur lequel travaille la start-up Xcimer), ce laser est littéralement de l'or en barre.
L'ETH Zurich, grâce à son laser d'un nouveau genre, confirme une fois de plus son positionnement de leader mondial dans le domaine de la recherche en physique et en optique. Une réputation acquise depuis le début du XXᵉ siècle, grâce aux travaux de nombreux chercheurs, dont plusieurs lauréats du prix Nobel.
Source : Science Alert