Et si la clé d'un avenir énergétique propre et abondant se trouvait au cœur d'un laboratoire de Denver ? C'est le pari de Xcimer, une start-up qui ambitionne de dompter l'énergie des étoiles grâce à des lasers surpuissants.
L'histoire commence comme un film d'espionnage. Dans les années 80, le laboratoire de Los Alamos, berceau de la bombe atomique, mène des expériences top secrètes sur la fusion nucléaire. Les résultats, bien que classifiés, font jaser dans le milieu scientifique. Deux jeunes chercheurs, Conner Galloway et Alexander Valys, flairent le potentiel révolutionnaire de ces travaux. Leur rêve ? Transformer cette découverte en source d'énergie illimitée et propre.
Ils fondèrent plus tard Xcimer, une start-up qui se concentre sur la fusion par confinement inertiel. L'idée est d'utiliser des lasers ultra-puissants pour comprimer une petite capsule de combustible (comme du deutérium et du tritium) à des densités et des températures extrêmement élevées, déclenchant ainsi la fusion. Une approche radicalement différente de l'ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor), le projet international situé en France qui vise à démontrer la faisabilité de la fusion par confinement magnétique.
Le laser, clé de voûte d'une nouvelle ère énergétique
Xcimer ne part pas de zéro. En 2022, le National Ignition Facility (NIF) en Californie réalisait une percée historique : produire plus d'énergie par fusion qu'il n'en fallait pour l'amorcer. Mais pour Galloway et Valys, ce n'est que le début. Leur ambition ? Pousser les lasers dans leurs derniers retranchements.
Là où le NIF se contentait de 2 mégajoules, Xcimer vise les 20. « Entre 10 et 12 mégajoules, c'est le sweet spot pour une centrale commerciale », explique Galloway. Pour se représenter une telle puissance, imaginez l'énergie d'un 38 tonnes lancé à 100 km/h, concentrée sur une cible de la taille d'un ongle pendant quelques millionièmes de secondes.
Le grand saut : passer du laboratoire au salon
Le chemin vers la fusion commerciale est encore long et semé d'embûches. Comment extraire l'énergie produite sans interrompre la réaction ? Comment protéger les matériaux du réacteur des particules hautement énergétiques ? Xcimer a quelques idées dans sa manche, comme une « cascade » de sel fondu pour absorber chaleur et particules, et garder le réacteur sauf.
Le professeur Ian Lowe de l'Université Griffith tempère toutefois l'enthousiasme autour de ce projet : « Je suis sceptique, car il me manque une représentation visuelle convaincante du processus d'extraction d'énergie sans interrompre la réaction de fusion ». Du point de vue du chercheur, la fusion n'arrivera pas à temps pour ralentir les effets du réchauffement climatique en raison des émissions de CO2 grandissantes (les géants de la tech et l'IA y sont d'ailleurs pour beaucoup). « Mon inquiétude est que même dans le scénario le plus optimiste, nous aurions de la chance d'avoir des réacteurs de fusion commerciaux d'ici 2050. Et bien avant cela, nous devons avoir décarboné l'approvisionnement énergétique si nous ne voulons pas faire "fondre" la planète » continue-t-il.
Le défi est donc de taille, tout comme les investissements nécessaires. Xcimer a déjà levé 100 millions de dollars pour sa première phase d'expérimentation. Il en faudra des centaines de plus pour espérer un réacteur fonctionnel d'ici le milieu des années 2030. Toutefois, la perspective d'une production d'électricité à faible coût et à émissions nulles est une idée forte à laquelle s'accrochent les fondateurs de Xcimer et d'autres acteurs de la fusion. Valys estime que c'est « un changement pour l'avenir de l'humanité ».
Source : BBC