Depuis quelques années, Winamp réaffirme sa position sur le marché de la musique. Entre un monde tourné vers les abonnements streaming et la progression fulgurante de l'intelligence artificielle, l'artiste doit se placer au coeur, c'est en tout cas ce qu'affirme Alexandre Saboundjian, PDG de l'entreprise.

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Créé par Nullsoft en 1997, revendu à AOL en 1999, puis passé sous la coupe de Radionomy en 2014, le lecteur multimédia Winamp a toujours eu une communauté de fans inconditionnels. Et cette dernière lui a permis de survivre face la vague du streaming amorcée par Spotify, puis Deezer, Apple Music et cie...

Depuis 2021, l'entreprise fait son grand retour et se positionne très publiquement en faveur des artistes. En conséquence, la société soulève les failles des services de streaming par abonnement aujourd'hui plébiscités par la majorité des utilisateurs. Alexandre Saboundjian, PDG du groupe Llama, regroupant Winamp, Jamendo, Hotmix et Bridger, a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions.

Alexandre Saboundjian
Alexandre Saboundjian

Pourriez-vous revenir sur le modèle de Winamp et comment le service se positionne face à la concurrence ?

Chez Winamp, nous proposons deux produits principaux : le Player, bien connu du grand public, et une nouvelle plateforme dédiée aux créateurs. Avec cette plateforme, notre objectif est de rassembler tous les outils dont un artiste a besoin pour gérer efficacement ses revenus et optimiser ses stratégies de marketing. Aujourd’hui, les artistes utilisent souvent des outils variés, dispersés sur différentes plateformes, ce qui rend leur gestion complexe. Winamp simplifie cette expérience en regroupant toutes les fonctionnalités nécessaires en un seul endroit.

Vous abordez sur votre blog les limites du modèle streaming "à la Spotify" pour les artistes et leur rémunération. Quelles sont selon vous les limites de ce modèle full streaming pour les utilisateurs ?

Le streaming n’est pas un produit nouveau. Il faut remonter presque 20 ans en arrière, avec la création de Spotify. Le modèle a mis du temps à se stabiliser et à attirer véritablement des abonnés payants. Aujourd’hui, le streaming est déjà à un stade de maturité. Et la grande promesse faite aux artistes était qu’il suffirait de distribuer leur musique sur les plateformes digitales pour remplacer les revenus perdus avec la disparition du CD est un leurre. Aujourd’hui, près de 99 % des artistes expriment leur insatisfaction quant aux revenus générés. Ce mécontentement est encore plus prononcé pour les artistes qui ne s’expriment pas en anglais ou dans une langue internationale comme l’espagnol.

Prenons l’exemple d’un artiste francophone : même si sa musique est disponible sur des plateformes mondiales, il ne touche qu’un public local, estimé à environ 80 millions de francophones (France, Suisse, Belgique, et francophones au Canada).

La question qui se pose dans une industrie du streaming qui pèse aujourd’hui plus de 20 milliards de dollars est la suivante : qui sont les vrais bénéficiaires ? Lorsqu’on observe les performances de plateformes comme Spotify ou Deezer, on constate qu’elles ne génèrent pas des bénéfices extraordinaires. De l’autre côté, les artistes se plaignent également de la faiblesse de leurs revenus. Il existe aujourd’hui un réel problème de partage de valeur dans cet écosystème, et il est peu probable que les artistes aient le poids nécessaire pour influencer cette répartition.

Il est grand temps que les artistes s’organisent et agissent pour réduire leur dépendance vis-à-vis de l’industrie du streaming, en trouvant des sources de revenus alternatives et complémentaires.

Aujourd'hui j'ai l'impression d'entendre beaucoup de reprises de vieux tubes. Comment expliquez-vous ce phénomène ? Est-ce un manque de créativité global ou autre chose ?



La production musicale est aujourd’hui dix fois plus importante qu’il y a 20 ans. Les moyens technologiques pour produire de la musique sont bien plus accessibles, complets et performants, ce qui facilite la création. Cependant, la créativité a aussi ses limites, et l’une des solutions consiste à puiser dans le passé, en réutilisant des mélodies connues. Cela s’explique également par la façon dont la musique est consommée, toutes générations confondues, et par le plaisir de retrouver de grands succès du passé.

Selon vous, faut-il saluer avant tout l'artiste lui-même, avec sa capacité de créativité, son aptitude à jouer des instruments et son expérience ou au contraire la richesse d'un morceau, même si ce dernier a été généré par IA et n'a pas forcément nécessité autant de créativité, d'aptitude, ni d'expérience de la part de son auteur en amont ?



La créativité est au cœur de la production d’une œuvre. Dans la musique, elle se manifeste aussi bien dans l’écriture que dans la production. Bien que la créativité semble presque infinie, elle bénéficie depuis longtemps des avancées technologiques. La rencontre de la technologie et de la musique a commencé il y a 45 ans avec les synthétiseurs, suivie par les logiciels de production et de mixage. Aujourd’hui, la grande majorité de la musique est produite avec une assistance technologique. L’intelligence artificielle vient maintenant amplifier ce phénomène, ce qui suscite des inquiétudes. On a parfois l’impression que tout pourrait se faire automatiquement, sans intervention humaine. C’est un fait, mais j’attends toujours que l’intelligence artificielle compose un véritable tube. L’IA pourra accomplir beaucoup de choses, mais je n’ai pas encore vu de preuve qu’elle puisse remplacer un artiste. Cela dit, les prochaines années me donneront peut-être tort…

Concernant l'usage de l'IA, quels sont selon vous les défis éthiques et juridiques lorsque l'on génère des morceaux imitant le style d'artistes existants ?


C’est une question importante, et je pense qu’il est nécessaire de légiférer et de mettre en place des règles claires. Le but n’est pas de freiner l’évolution technologique, mais d’encadrer son utilisation pour garantir une transparence envers les auditeurs et consommateurs. Cela s’applique également à la gestion des droits, où un cadre juridique protège déjà les œuvres. Il y a une certaine urgence, car les mauvaises pratiques deviennent rapidement des normes, et il est souvent difficile de revenir en arrière.

Ce sujet ne concerne pas uniquement le monde de la musique. La création artistique assistée par intelligence artificielle existe déjà dans les domaines de l’image et de la vidéo, ce qui montre bien que la problématique est plus large et touche l’ensemble des arts créatifs.

Chez les GAFAM, par souci de transparence envers l'utilisateur, on tente d'identifier les photos et vidéos générées par IA. A-t-on des initiatives similaires sur le secteur de l'industrie musicale ?

La réponse est assez simple : oui, aujourd’hui, la création d’une œuvre par intelligence artificielle est détectable et déjà identifiée par les plateformes de streaming. Si vous essayez de distribuer de la musique créée par intelligence artificielle, elle sera souvent rejetée par ces plateformes.

L'IA est souvent associée à la génération de contenus et de fait, elle est plutôt sujette à des critiques négatives face aux artistes compositeurs. Mais apporte-t-elle également des avantages, par exemple pour l'identification de nouveaux talents ou pour assister les ingénieurs son ?

L’intelligence artificielle est évidemment critiquée aujourd’hui car elle représente une forme d’automatisation du processus créatif. En réalité, elle peut être un assistant précieux qui rend un artiste plus autonome. L’IA va s’intégrer dans les logiciels de production et de mixage, ouvrant ainsi de nouvelles possibilités créatives. Ceux qui s’opposent actuellement à cette technologie pourraient bien en voir les avantages dans les années à venir, car nous n’en sommes qu’au début.

Prise en main par nos soins, l'application Winamp présente plusieurs bugs de chargement, notamment la partie Discover sur iOS et macOS, avez-vous prévu de la corriger rapidement ?

Le player actuel nous permet de tester quelques éléments et les fonctionnalités qui dérangent sont en train d’être modifiées. La réelle première et nouvelle version arrive en janvier.

  • Compatibilité avec de nombreux formats audio
  • Interface personnalisable et conviviale
  • Options de monétisation pour créateurs
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