L'attaque informatique massive qui a touché Free fin octobre a généré plus de 2 000 plaintes auprès de la CNIL, un chiffre record qui montre bien une sorte d'incertitude des Français face à la multiplication des fuites de données personnelles.

Free n'en a pas fini avec sa récente cyberattaque © Alexandre Boero / Clubic
Free n'en a pas fini avec sa récente cyberattaque © Alexandre Boero / Clubic

Le vol des données de 19,6 millions de clients Free, dont 5 millions de données bancaires avec l'IBAN, a mis à mal la stratégie de défense des opérateurs télécoms. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) fait d'ailleurs face à une situation rare, avec un grand nombre de plaintes déposées suite à la cyberattaque subie par l'opérateur, comme le confirme son secrétaire général adjoint Mathias Moulin, dans un entretien accordé à nos confrères de Ouest-France.

Avec Free, un record de plaintes qui préoccupe la CNIL

La fuite de données chez Free a déclenché une vague de plaintes inédite auprès de la CNIL, avec « plus de 2 000 plaintes à ce stade ». Mathias Moulin évoque un « record s'agissant d'une série de plaintes ». La mobilisation, plutôt massive des citoyens, témoigne ici d'une prise de conscience accrue des risques liés aux violations de données personnelles.

La gravité de la situation est d'autant plus renforcée par la nature sensible des informations dérobées. Au-delà des identifiants classiques comme les noms et adresses e-mail, les cybercriminels ont eu accès à des données bancaires (IBAN), augmentant considérablement les risques pour les victimes. C'est cette dimension financière qui explique en partie l'afflux exceptionnel de plaintes.

L'autorité de protection des données a ouvert une enquête approfondie qui pourrait durer « entre 8 et 10 mois ». La CNIL examine notamment si Free a respecté son « obligation de moyens » en matière de sécurité des données. En cas de manquement, l'opérateur s'exposerait à une sanction pouvant atteindre 4% de son chiffre d'affaires.

Une menace croissante pour les données personnelles

Mathias Moulin l'affirme, « l'état de la menace est croissant ». Les violations de données se multiplient, on pense notamment à celles ayant touché les données de santé de 750 000 patients, celles d'Auchan, du Point ou de Molotov. Et puisqu'il est presque l'heure de faire un bilan des courses, le nombre total de notifications reçues par la CNIL a augmenté, passant de 4 668 en 2023 à déjà 5 100 sur les trois premiers trimestres 2024.

Un autre élément contribue à cette recrudescence des cyberattaques, c'est le contexte géopolitique. Le secrétaire général adjoint de la CNIL souligne que « notre vie est de plus en plus numérique », ce qui élargit de fait la « surface d'attaque » exploitable par les pirates. « La criminalité se déplace du monde physique au monde numérique », observe-t-il.

Les données personnelles sont devenues « l'or du XXIe siècle », rappelle Mathias Moulin. Leur valeur croissante en fait une cible privilégiée pour les cybercriminels, qui peuvent les revendre ou les utiliser pour mener d'autres attaques. Cette monétisation des données volées semble alimenter un écosystème criminel particulièrement florissant.

Des moyens d'action pourtant limités

La CNIL, avec 300 agents mobilisés dont un tiers dédié aux contrôles et sanctions, peine à faire face à l'ampleur du phénomène. L'autorité a infligé plus de 600 millions d'euros d'amendes depuis 2018, mais son budget de fonctionnement reste limité à 26 millions d'euros.

Alors, l'autorité privilégie une approche progressive : sur 16 000 plaintes annuelles par exemple, seules 40 aboutissent à des sanctions. « On prône la mise en conformité avant tout », explique Mathias Moulin, qui ne veut pas paraître trop sévère, mais juste. La CNIL souhaite toutefois « élargir l'entonnoir pour avoir plus de sanctions et de mises en demeure ».

Pour les citoyens victimes de vol de données, les recours restent limités. Et de toute façon, une fois les informations en ligne, « elles ne s'effacent pas », rappelle le responsable. La vigilance individuelle devient cruciale : un changement régulier des mots de passe, une surveillance des comptes et un signalement rapide de toute activité suspecte constituent « la première digue » indispensable contre ces menaces croissantes.

Source : Ouest-France