Le Puy du Fou mise sur la technologie au sens large pour sublimer ses spectacles, mais pas que. Entre Cloud, IA et drones, le parc d'attractions révèle une infrastructure digne d'une ville intelligente, protégée comme une forteresse numérique.

Le Puy du Fou est l'une des destinations préférées des Français depuis de nombreuses années © Puy du Fou
Le Puy du Fou est l'une des destinations préférées des Français depuis de nombreuses années © Puy du Fou

Derrière les décors grandioses et les effets spectaculaires du Puy du Fou, 2,5 millions de visiteurs annuels au compteur, se cache une infrastructure technologique sophistiquée. Le parc, qui a entamé sa migration vers le cloud d'Amazon Web Services en 2021, utilise désormais l'intelligence artificielle pour optimiser ses opérations et améliorer l'expérience client. Face aux cybermenaces croissantes, cette transformation s'accompagne d'un dispositif de sécurité renforcé, qui protège aussi bien les données que la sécurité physique des visiteurs.

Le Puy du Fou a développé une infrastructure hybride qui fait sa force

Cette décennie marque celle de la transformation numérique du Puy du Fou. Et celle-ci s'accélère avec AWS, qui héberge plus de 50% de son infrastructure. « Notre billetterie en ligne a été refaite très récemment, c'était une success story autour d'AWS. On est vraiment dans du serverless (Ndlr : l'exécution de logiciels sans gérer les serveurs physiques) quasiment à 100%, avec des coûts très faibles par rapport à ce que génère un tel site habituellement », nous explique Yvelain Naudé, directeur des systèmes d'information (DSI, CIO) du groupe Puy du Fou, rencontré à Las Vegas lors de l'événement AWS re:Invent il y a quelques jours.

Yvelain Naudé, DSI du Puy du Fou, à l'AWS re:Invent 2024 © Alexandre Boero / Clubic
Yvelain Naudé, DSI du Puy du Fou, à l'AWS re:Invent 2024 © Alexandre Boero / Clubic

La gestion des pics de trafic illustre parfaitement cette évolution. « Sur la première journée d'ouverture des réservations, au début du mois d'octobre, on peut multiplier le trafic par 8, 9, 10, très facilement, sur quelques heures », précise le DSI. L'infrastructure élastique d'AWS permet au parc d'absorber ces pics, tout en optimisant les coûts pendant les périodes creuses.

La sécurité, elle, demeure une priorité absolue, avec une approche hybride unique. L'autre moitié de l'infrastructure d Puy du Fou est ainsi hébergée on-premise, autrement dit sur site. « On a des enjeux de cybersécurité sur nos spectacles. L'autre enjeu, c'est de protéger nos visiteurs sur le vol de données, mais on a aussi des machineries avec des visiteurs à l'intérieur », souligne Yvelain Naudé. « Il faut que les gens puissent au moins sortir d'un spectacle, en cas d'urgence, en toute sécurité, de ce fait on a aussi étanchéifié nos spectacles pour justement se prévoir un scénario un petit peu catastrophique, au cas où ».

L'un des spectacles mythiques du Puy du Fou © Puy du Fou

Pour se protéger des cybermenaces, le parc a déployé un arsenal complet. « On a des attaques quotidiennes évidemment, DDoS par exemple, mais on se protège avec des outils du marché : EDR, anti-spam, firewall », détaille le DSI. Une vigilance d'autant plus cruciale que le parc accueille jusqu'à 30 000 visiteurs quotidiens avec un accès au Wi-Fi public, un indispensable qui demande une veille permanente.

L'intelligence artificielle comme assistant invisible mais utile, avec un chatbot maison

Sans surprise, l'intelligence artificielle révolutionne les coulisses du parc. « On l'utilise pour faire de la prédiction de visiteurs, puisque le parc a des configurations d'ouverture, et en fonction de notre affluence, on configure le nombre d'itérations spectacles », nous dit Yvelin Naudé. Ces modèles prédictifs aident à optimiser la programmation des shows.

Un chatbot a même été développé en interne, basé sur des grands modèles de langage (LLM) comme Amazon Bedrock et Llama 2 (de Meta). Il est aujourd'hui taillé pour assister les agents de réservation. « C'est plus une forme de direction assistée, où la personne, l'agent de réservation, a toute liberté de changer ce qui est généré », précise le DSI du groupe. Cette approche permet d'accélérer la formation en interne, tout en maintenant une vraie qualité du service.

Dans les allées du parc d'attractions : il est fort possible que là-dessous passe un câble de fibre optique © Puy du Fou

Les équipes explorent aussi d'autres cas d'usage de l'IA, avec une philosophie claire : la technologie au service de l'art. « Le Puy du Fou, contrairement à d'autres spectacles, n'exacerbe pas la partie technologique. La technologie est un outil pour répondre à un besoin artistique », insiste le directeur des systèmes d'information, comme pour nous rappeler l'essence même de la destination, atypique et saluée dans le monde du spectacle, qui l'a plusieurs fois honorée ces dernières années.

100 km de fibre optique : le Puy du Fou, comme une ville connectée

L'infrastructure réseau du parc impressionne par son ampleur. « On a plus de 100 kilomètres de fibre optique. C'est vraiment une ville au niveau réseau », compare Yvelain Naudé. Une petite prouesse, pour un lieu un petit peu isolé du monde. Deux fibres optiques de fournisseurs différents et des faisceaux hertziens assurent par ailleurs la continuité du service.

Quant aux défis techniques, ils sont parfois insoupçonnables. Côté show, "on a des drones indoor qui font des effets qui peuvent paraître simples à l'œil nu, avec huit bougies qui vont tourner. Mais il faut se dire que pour juste quelques secondes d'effet, il va y avoir 10 bornes Wi-Fi, et un réseau séparé », nous apprend le DSI du Puy du Fou. À la Cinéscénie, l'iconique spectacle extérieur du parc de fin de journée, des drones portent des charges de plusieurs kilos à plusieurs centaines de mètres de haut. De quoi donner le tournis.

Le dernier spectacle en date, Le Mime et l'Étoile, récompensé comme meilleur spectacle du monde à Los Angeles début 2024, témoigne de la réussite du Puy du Fou, sur bien des aspects. « Il y a un défi technologique gigantissime dans ce spectacle, sur le travelling du décor avec les projecteurs, avec une partie projecteur aussi sur le personnage qui en fait est automatique ».

Il y a énormément de technologies pour que tout cela paraisse fluide aux yeux des spectateurs, « même si je le redis, on ne veut pas exacerber ça pour autant », complète Yvelain Naudé, qui à aucun moment ne veut que la technologie soit visible aux yeux du visiteur, d'une manière ou d'une autre. Une subtilité parfaitement maîtrisée par les équipes du groupe, qui possède un second parc, en Espagne (à Tolède), ainsi qu'une école ou encore un magazine jeunesse tout récent.

Le Mime et l'Étoile, élu meilleur spectacle du monde © Puy du Fou

Connexion satellitaire et train thématique, le parc prépare son avenir

Le futur s'annonce encore plus ambitieux pour le groupe, avec le projet « Le Grand Tour », un train thématique. « C'est une aventure folle, c'est très challengeant », s'enthousiasme le DSI. Le parc réfléchit notamment à l'utilisation prochaine de connexions satellites qui lui permettront d'augmenter sa bande passante, pour préparer l'avenir d'un divertissement toujours plus immersif.

Yvelain Naudé a déjà le regard tourné vers 2025. « Mon défi, c'est vraiment de préparer l'informatique, le monde numérique du Puy du Fou à sa croissance de demain », conclut le DSI, conscient que l'innovation technologique restera le moteur invisible des futures attractions du parc.