Un QUIZ pour commencer :
- Possédez-vous des appareils de la firme Matsushita Electric Industrial ?
- Possédez-vous des produits estampillés « Panasonic » ?
Si vous avez répondu "non" à la première question et "oui" à la deuxième, vous mentez... mais de bonne foi, sans doute. Sans le savoir, en somme. En effet, les téléviseurs, chaînes hi-fi, Appareils photo numériques, Autoradios et autres matériels électroniques commercialisés depuis 1955 sous la marque « Panasonic » ne sortent pas des usines du groupe « Panasonic », puisqu'il n'existe pas. Le mastodonte qui conçoit, fabrique et vend les appareils « Panasonic » s'appelle Matsushita Denki Sangyo en japonais, ou Matsushita Electric Industrial en version internationale. Cette bizarrerie, qui trouble les clients, va disparaître d'ici peu. Le géant de l'électronique Matsushita a en effet décidé jeudi qu'il allait adopter le 1er octobre prochain sa marque phare « Panasonic » comme raison sociale de la maison-mère, dans le but de doper sa notoriété internationale et ses ventes. Il y aura donc bientôt un groupe « Panasonic ».
Matsushita, dont le siège se trouve à Osaka (ouest), va également unifier ensuite toutes ses marques sous l'appellation « Panasonic » connue mondialement, et abandonner l'étiquette « National » jusqu'à présent essentiellement utilisée pour ses appareils électro-ménagers au Japon.
Un peu d'histoire ...
Matsushita était le nom de famille du fondateur du groupe, Konosuke de son prénom. L'homme, brillant, était devenu une sommité au Japon. Il avait crée en 1918 une firme artisanale, en famille, pour produire des accessoires électriques. On l'appelait « le dieu des patrons », un type de la trempe des fondateurs de Honda ou Sony, de cette race d'entrepreneurs philanthropes qui laissent des traces, et pour longtemps. Il avait choisi la marque « National » pour étiqueter ses marchandises, des lampes de vélo dans un premier temps. La raison sociale Matsushita Electric Industrial avait été adoptée en 1935 sur fond d'expansion des activités. Quant à la marque « Panasonic », elle était apparue en 1955 pour accompagner les produits du groupe à l'étranger, un nom facile à prononcer, pas comme Matsushita.
« 90 ans après sa création, le groupe change de nom », a déclaré, ému, le numéro un actuel de la maison, Fumio Otsubo. « Ce fut un choix difficile », a-t-il avoué. Mais depuis sa prise de fonctions en 2006, cette ambivalence nom/marque le taraude. Voilà le problème réglé. Les héritiers de Konosuke Matsushita, qui siègent au conseil d'administration, auraient donné leur accord à ce changement majeur, mettant leur orgueil sous le boisseau, pour le bien du groupe. La nouvelle de l'abandon du nom du fondateur a fait jeudi la une de toute la presse quotidienne nippone, des informations radiophoniques et des journaux télévisés, tant Konosuke Mtasushita, né en 1894 et décédé en 1989, était adulé. Ses livres, bréviaires de tous les patrons ou de ceux qui veulent le devenir, sont en permanence exposés bien en vue dans les librairies.
L'international en ligne de mire
En gommant le nom de son fondateur, le groupe d'Osaka, veut élever la reconnaissance de sa marque « Panasonic », en la placardant partout. C'est que la renommée de Konosuke Matsushita et le respect qu'on lui prête ne valent qu'au Japon. Dans le reste du monde, on ignore le plus souvent qui il était. L''incohérence entre le nom du groupe (Matsushita) et la marque (Panasonic) prête trop à confusion et dessert l'intérêt de l'entreprise, ont jugé ses actuels dirigeants. La décision était néanmoins délicate, qui touche le côté affectif. Mais face au sud-Coréen Samsung ou à son compatriote et éternel rival Sony, Matsushita se sentait handicapé sur les marchés internationaux où il ne réalise que 49% de son chiffre d'affaires, contre 82% pour Samsung et 74% pour Sony.
Une histoire de gros sous
Outre quelques larmes de nostalgie, il en coûtera plusieurs milliards de yens (millions d'euros) pour changer les cartes de visites, les enveloppes, le papier à en-tête, les panonceaux, et des centaines de documents et objets portant le nom actuel de la société. On imagine le casse-tête pour ce groupe qui compte quelque 670 sociétés filiales et emploie plus de 300 000 personnes dans le monde. D'autant qu'au Japon, dans ce genre de cas, tout doit être prêt et modifié à la date fatidique, mais rien ne doit être changé avant le jour dit.
Peu importe les frais, ce qui compte pour l'actuel PDG, c'est ce que cette unification sous la dénomination « Panasonic » va rapporter. Et le même de viser un chiffre d'affaires de 10.000 milliards de yens (62,5 milliards d'euros au cours actuel) lors de l'exercice d'avril 2009 à mars 2010, soit grosso modo deux fois et demie le chiffre d'affaires d'Airbus en 2007. Cela veut dire que Matsushita, qui est plus gros que Sony ou Samsung, veut voir ses recettes de ventes progresser de 10% en deux ans.
Le groupe souhaite pour cela renforcer sa présence hors du Japon. Il entend notamment s'appuyer sur le marché croissant des pays émergents, en proposant des produits adaptés aux besoins et contextes locaux. « Nous allons mettre l'accent sur la compétitivité de l'offre et renforcer notre marketing dans ces régions », a promis Matsushita qui ne veut pas laisser ses concurrents s'accaparer la manne de clients que représentent la Chine, le Brésil, la Russie, l'Inde et le Vietnam. Matsushita veut aussi tailler des croupières aux groupes d'électro-ménager en Europe, en proposant des produits plus élaborés, sous la marque Panasonic, comme il le fait déjà au Japon, sous la marque National. Il va ainsi commencer à commercialiser sur le Vieux Continent des réfrigérateurs et lave-linge à partir de 2009, et prévoit d'y étendre ensuite sa gamme de produits blancs dotés de vertus écologiques, lesquels lui valent déjà une solide réputation auprès des consommateurs nippons.
Matsushita entend également poursuivre la stratégie qui lui a pour le moment réussi et qui consiste à développer de bout en bout une ligne de produits jugés stratégiques, en exploitant des composants, technologies et secrets de fabrication maison savamment protégés.
De larges gammes de produits divers et variés
Quatre types d'appareils audiovisuels sont érigés en priorités: les TV à écran plat (plasma, à cristaux liquides et par la suite à matériau organique électroluminescent), les appareils photo numériques (compacts et à visée reflex), les camescopes numériques haute-définition et les enregistreurs de DVD de nouvelle génération au format Blu-ray, norme que Matsushita défend ardemment aux côtés de Sony depuis l'origine.Matsushita, qui veut continuer de mener la danse sur les TV plasma, se faisait fort de le prouver au CES de Las Vegas où il a présenté trois nouveaux prototypes de téléviseurs basés sur cette technologie, sa spécialité. Outre un modèle plasma très économe en énergie, il a aussi conçu un exemplaire de 127 centimètres de diagonale dont l'épaisseur est inférieure à 2,5 cm. Il s'est surtout vanté d'avoir exposé la plus grande TV du monde dotée un écran géant (3,81 mètres de diagonale) lequel affiche des images d'une qualité « quatre fois supérieure à la haute-définition actuelle », soit huit millions de points. Le groupe d'Osaka ambitionne également de contrôler 15% du marché mondial des appareils photos numériques au cours du prochain exercice budgétaire, d'avril 2008 à mars 2009.
Le groupe, qui se définit avant tout comme « une entreprise manufacturière » bien décidée à le rester, va également investir dans des nouvelles unités de production au Japon, n'hésitant pas pour ce faire à débourser des centaines de milliards de yens (milliards d'euros). Outre la construction en cours sur l'Archipel de gigantesques usines de dalles-mères d'écrans pour TV plasma et LCD, le géant de l'électronique va créer une nouvelle ligne de fabrication de capteurs d'images CCD, yeux des appareils photos et caméras numériques.
Matsushita espère par ailleurs que la demande croissante d'équipements électroniques pour les automobiles (autoradios/systèmes de radionavigation, caméras, composants, etc.), généreront aux alentours de 10% des ventes du groupe dans les prochaines années. Matsushita est un des gros fournisseurs des constructeurs automobiles nippons. Il a même fondé il y a plus de dix ans une co-entreprise avec le premier d'entre tous, Toyota, pour produire des Batteries pour voitures hybrides et ultérieurement tout-électriques. Son compatriote NEC a fait de même avec Nissan plus récemment.
Les marchés soins/beauté et de la sécurité constituent enfin deux autres leviers sur lesquels Matsushita dit vouloir s'appuyer en tirant profit de son expérience dans la conception de sèche-cheveux à ions, Brumisateurs ou fauteuils de massage d'une part, et de caméras de surveillance, de capteurs ou de détecteurs de présence d'autre part.
Matsushita faisait décidément la une de l'actualité cette semaine, puisqu'il a aussi annoncé mardi un partenariat avec le groupe internet américain Google, propriétaire de la plate-forme de partage de vidéos d'amateurs YouTube, pour rendre les contenus de cette dernière accessibles sur ses TV plasma. Matsushita va lancer au printemps aux Etats-Unis une gamme de téléviseurs à écran plat plasma en haute-définition capables de se connecter à internet. Ces téléviseurs permettront de visionner les séquences vidéo postées sur la plate-forme YouTube « de façon très simple grâce à une nouvelle ergonomie de navigation », dixit les intéressés. De la même façon, ces téléviseurs donneront la possibilité d'explorer les photos stockées dans les albums virtuels de la plate-forme Picasa également gérée par Google.
Notons au passage que Sony a de son côté annoncé la commercialisation prochaine de téléviseurs pour naviguer dans les vidéos en ligne de ses filiales Sony BMG Music (musique) et Sony Pictures Entertainment (cinéma) et celles d'autres fournisseurs.
Les constructeurs nippons Sony, Matsushita, Toshiba, Sharp et Hitachi proposent déjà au Japon des téléviseurs susceptibles de se connecter à des services en ligne, grâce à une prise réseau intégrée et à un logiciel de navigation spécifique. Ils ont même créé une co-entreprise pour proposer des vidéos et autres contenus à la demande accessibles directement depuis lesdits téléviseurs, sans boîtier intermédiaire.
Ces nouvelles offres, qui rapprochent les TV d'internet, se multiplient alors que les plates-formes de vidéos en ligne sont dans le collimateur des chaînes de télévision et autres détenteurs de droits, lesquels se battent, à juste titre, pour protéger leurs créations illégalement mises en ligne par de « vilains pirates », une race d'internautes dont vous n'êtes pas, n'est-ce pas ?
Deha, mata raishu !
