play to earn

Le terme « Play to earn » existe depuis quelques années, et le phénomène Cryptokitties l’a tout particulièrement démocratisé fin 2017. Mais de quoi s'agit-il ? Concrètement : de gagner des crypto-monnaies en jouant à des jeux vidéos.

Il y a dix ans (déjà), pour gagner des Bitcoins, il « suffisait » d’en miner avec son ordinateur, ou d'être attentif lorsqu’un développeur proposait d’en gagner en jouant à un jeu. Aujourd’hui, le concept a été poussé bien plus loin et il est désormais possible d’échanger quasiment n’importe quel objet d’un jeu en crypto-monnaie.

La blockchain comme nouvelle expérience ludique

Le développement de l'industrie du jeu vidéo et l’avènement des smartphones ont fait fleurir les modèles « freemium » et « pay-to-win ». Sans surprise, ces modèles ne font pas l'unanimité, beaucoup de joueurs se déclarant mécontents de devoir payer pour profiter entièrement d'un jeu qui se voulait initialement gratuit.

Au même moment, plusieurs expériences ont lieu dans l’univers du Bitcoin. Des « cypherpunks » réfléchissent à un modèle plus éthique pour les joueurs et les développeurs : et si les joueurs étaient récompensés en crypto-monnaie pour leur effort durant le jeu ? Grâce aux smart contracts, le code est public et peut être audité par tous : si les conditions sont remplies, automatiquement et sans tiers de confiance, un versement peut être effectué.

Ces punks du chiffrement s’attaquent donc au projet pour offrir un nouveau type d’expérience ludique : le « provably fair ».

Cypherpunk Manifesto 1993

Un développement en parallèle du jeu vidéo traditionnel

Avant l'émergence de jeux vidéos au gameplay complexe, ce sont les jeux de hasard (notamment de casino) qui ont servi de « crash test » à l'initiative. Et ils disposent d'un avantage incontestable : ils permettent de démontrer que le hasard ne peut pas être truqué lorsqu'il est basé sur la blockchain. Impossible, si le code est dans la blockchain, de changer l’algorithme de hasard au dernier moment pour favoriser un joueur ou un autre.

Après ces essais réussis, une autre forme de gameplay a commencé à émerger : le PVP. Jouer contre un autre joueur était, en toute logique, l’étape suivante. Le premier d’entre eux fut Gambit (aujourd'hui Cryptogames) qui permettait de faire des parties de démineur, Risk ou Monopoly en ligne. Sans prix d’entrée, une récompense en Bitcoin attendait les gagnants en fin de partie. 

Gambit

Victime de son succès, le site a d’abord réduit le montant des récompenses, avant d'arrêter purement et simplement de distribuer des crypto. D’autres initiatives ont essayé de prendre la suite, sans succès. 

En tout cas jusqu'à l'arrivée d'Huntercoin, jeu historique ayant introduit la notion de « blockchain gaming ». Contrairement aux jeux précédents qui étaient sur des serveurs centralisés et récompensaient les joueurs après leur partie, Huntercoin possède son gameplay directement sur la blockchain. La crypto-monnaie du jeu s’appelle HUC et provient d’une blockchain dérivée de Namecoin, elle-même dérivée de Bitcoin. Pour pouvoir y jouer, il fallait installer un noeud du réseau, car toutes les interactions du jeu étaient enregistrées sur la blockchain.

Huntercoin

Le but de l'opération était simplement de voir si cette expérience pouvait fonctionner. Le concept était relativement simple : les joueurs devaient trouver des HUC dans le jeu pour pouvoir les échanger ensuite contre des Bitcoin. Censée durer un an, la communauté vota la suppression de cette limite.

Huntercoin a généré l’équivalent d’un million de dollars pour les joueurs…. et le concept du « play to earn » fut créé.

L’avènement des Non-Fungible Tokens (NFTs)

Avec l’arrivée d’Ethereum dans l’univers des crypto-monnaies en 2015, c'est une autre révolution dans l’univers du jeu vidéo blockchain qui a fait son apparition.

En effet, les jeux hébergés sur Bitcoin étaient complexes à mettre en place, et les transactions pouvaient y être particulièrement lentes. En outre, les frais de transactions ou encore l’image négative du Bitcoin à l'époque ne facilitaient pas vraiment la démocratisation du mouvement.

Avec Ethereum, la promesse était la suivante : faciliter et démocratiser l’usage des contrats intelligents pour le plus grand nombre. Pour y parvenir, il était capital de créer un standard encadrant l’utilisation des jetons échangés sur cette blockchain.

ERC : c'est le nom d'un standard validé par la communauté d’Ethereum, pour « Ethereum Request for Comment ». Il en existe pour énormément d’usages — le plus connu est l’ERC-20, qui permet de créer des jetons fongibles pouvant interagir avec les différents contrats intelligents d’Ethereum.

Il aura fallu attendre deux ans avant que le standard ERC-721 pour les jetons non-fongibles voie le jour. Les NFTs sont uniques, limités et ne peuvent pas être contrefaits. Ils permettent notamment de pouvoir échanger sur la blockchain les différents objets qu’on trouve dans les jeux vidéo (voitures, armes, terrains, vêtements…).

CryptoKitties

Le premier succès de l’utilisation des NFTs est le celèbre CryptoKitties, lancé fin 2017. L'objectif : collectionner et échanger des chats virtuels dans le but d’en obtenir un avec des traits de caractère rares. Le jeu rencontre rapidement un succès fou, au point d'engorger la blockchain ! Les transactions coûtent alors en moyenne 20 dollars, et peuvent prendre plusieurs jours avant d’être validées.

Au même moment, de nombreux jeux avec un graphisme rappelant celui des jeux flash des années 2000 voient le jour un peu partout sur le web décentralisé. De leur côté, certains studios annoncent des jeux de qualité AAA. Leur point commun : l’utilisation de NFT comme axe central du jeu.

Tous les styles de jeu, ou presque, sont représentés : Gods Unchained pour le Trading Card Game, Beyond the Void ou Crypto Space Commander pour les RTS, Lost Relic pour l’action/aventure, Chain Guardians ou Nine Chronicles pour les RPG, Ember Sword ou The Six Dragons pour les MMORPG…

La liste est longue, et des sites comme Dappradar ou egamers.io tentent de les référencer au fur et à mesure de leur apparition.

Des grands studios intéressés par l'initiative

Les grands absents de cette évolution sont les gros studios du secteur des jeux vidéo. Ubisoft, Nintendo, Activision, Steam ou Sony sont restés en retrait pendant la phase de construction de cette technologie.

Publiquement tout du moins, car certains d’entre eux ont quand même commencé à investir ce champ de manière plus ou moins discrète. Activision a déposé deux brevets concernant l’échange d’actifs et pour un système de Matchmaking, Atari a lancé la vente de son propre jeton, Ubisoft tente l’expérience en soutenant Nine Chronicles.

En parallèle, c’est l’univers du sport qui a saisi l’opportunité en expérimentant différents projets utilisant les Non-Fungible Tokens. Turner Sport a créé un jeu de golf et vise à en développer d’autres avec la marque Blocklete Games, la NBA s’est lancé dans la collection de « moments » des différents matchs avec NBA Top Shot ou encore plus d’une centaine de club de football ont signé un accord avec Sorare pour l’utilisation de l’image de leurs joueurs phares.

Pour l’anecdote, Vitalik Buterin a créé Ethereum suite à un nerf de son personnage dans World of Warcraft qui l’a rendu obsolète. Une décision qui aura abouti à une initiative pesant aujourd’hui 42 milliards de dollars, après seulement cinq ans d'existence.