Le cours de la deuxième crypto-monnaie mondiale bat des records, tandis que le projet connaît un essor fulgurant et se prépare à une « V2 » pour rendre son réseau plus fluide et moins énergivore. Tour d'horizon et chiffres clés pour mieux comprendre l'écosystème Ethereum.
Depuis sa création en 2015, Ethereum a toujours été « la deuxième cryptomonnaie ». Pourtant, si Ethereum se traduit bien par une crypto-monnaie (l’ether, ETH), le projet est loin de se résumer à cela, et a même été conçu depuis l’origine comme une plateforme applicative.
Une « Ethereum Virtual Machine » permet de déployer des applications sur le réseau, tandis qu’un langage de programmation spécifique (Solidity, inspiré de C++ et Javascript) sert à en développer d’autres de façon native. Toutes sont des applications décentralisées (dApps) ne nécessitant pas de serveurs centraux, fonctionnant sur la blockchain Ethereum et reposant sur des smart contracts, des adresses Ethereum particulières abritant du code qui s’exécute en fonction de paramètres préétablis.
Tout cela a donné naissance à un riche écosystème de tokens, d’applications, et d’outils divers et variés, qui connaît une croissance impressionnante.
L’ether au sommet
Début mai 2021, le cours de l’ether (ETH) atteignait 3500 $ (2 900 €), son plus haut historique. C’est 15 fois plus qu’un an auparavant à la même date, et c’est une progression de plus de 400% depuis janvier 2021. En capitalisation de marché (cumul de la totalité des ethers en circulation), Ethereum pèse désormais 400 milliards de dollars, soit 17% du total que représentent globalement les crypto-monnaies (2 300 milliards de dollars, dont Bitcoin représente 45%).
Depuis début 2021, plus d'un million de transactions ont lieu chaque jour sur Ethereum - et ce chiffre est monté à 1,5 million depuis fin avril.
Des tokens à tout faire
L’une des caractéristiques d’Ethereum est la possibilité de créer des tokens tiers via un standard baptisé ERC-20. Ces tokens utilisent la blockchain Ethereum, mais sont des projets indépendants et assortis d’une valeur de marché qui leur est propre. A ce jour, près de 400 000 tokens distincts ont été créés sur Ethereum. Plusieurs des poids lourds des cryptomonnaies, comme LINK, UNI ou THETA, figurant dans le top 20 des plus fortes capitalisations, sont des tokens ERC-20.
Stablecoins à 1$
Certains de ces tokens sont des cryptomonnaies stables, ou stablecoins, destinées à servir de passerelles pour les applications Ethereum et les bureaux de change ou à être utilisées comme des devises classiques. Leur cours est indexé sur le dollar et ne varie jamais (ou de façon très marginale) : 1 token = 1 $. Les cinq principaux stablecoins, Tether (USDT), Binance USD (BUSD), USD Coin (USDC), Dai (DAI) et TrueUSD (TUSD) sont tous accessibles sur la blockchain Ethereum. USDT et BUSD existent également sur d’autres blockchains.
En cumul, ces cinq cryptomonnaies stables représentent environ 80 milliards de dollars. Les stablecoins directement émis sur Ethereum représentent plus de la moitié de ce total, soit 50 milliards de dollars (environ sept fois plus qu’un an auparavant).
Des applications décentralisées
Le site State of the dApps recense actuellement 3 511 applications décentralisées, dont 80% (2 782 dApps) sont bâties sur Ethereum. Jeux, réseaux sociaux et applications financières sont les principales catégories, mais il existe des applications dans de nombreux domaines (santé, stockage numérique, gestion énergétique...).
Pour DappRadar, 2020 a été « une année record pour l’industrie blockchain », avec un volume total de transactions dans les dApps s’élevant à 270 milliards de dollars — dont 95 % provenant des applications financières sur Ethereum.
Selon le dernier rapport mensuel de DappRadar (avril 2021), on compte désormais un million d’utilisateurs quotidiens d’applications décentralisées (une progression de 158 % en un an). Pour le mois passé, Ethereum demeure la première plateforme en montants de façon globale, et reste dominante dans la plupart des catégories. Dans le domaine du jeu par exemple, 12 des 20 principales dApps (en montants) tournent sur Ethereum.
La DeFi, un défi à la finance
La DeFi, ou finance décentralisée, regroupe des services et protocoles à base de blockchains et de smart contracts permettant notamment de prêter, d’emprunter ou d’échanger des cryptomonnaies en peer-to-peer, directement depuis un simple porte-monnaie crypto et sans utiliser de service centralisé. En particulier, il devient simple par ce biais de bénéficier de « comptes rémunérés » en crypto-monnaies stables : l’usager a juste à placer ses stablecoins dans un smart contract pour bénéficier d’un taux d’intérêt fluctuant mais en général compris entre 4 et 10% par an. La DeFi se caractérise aussi par de nombreux autres mécanismes financiers, beaucoup plus techniques et souvent plus risqués (produits dérivés, trading avec effet de levier, etc.).
Les sommes globales engagées dans la DeFi (qu’on appelle « Total value locked », c’est-à-dire des montants en quelque sorte « enfermés » dans des smart contracts) connaissent une progression spectaculaire : entre janvier et avril 2021, elles ont été multipliées par cinq pour atteindre le seuil de 100 milliards de dollars pour la première fois. La DeFi pèse aujourd’hui 136 milliards de dollars. Comme le note Consensys dans son DeFi Report, pour le premier trimestre 2021 les seuls emprunts contractés via la DeFi ont été multipliés par trois au cours des trois premiers mois de l’année, pour totaliser 10,8 milliards de dollars.
Les cinq principaux protocoles DeFi en montants (Aave, Compound, WBTC, Maker et Uniswap) ont tous été créés sur Ethereum. Les deux tiers des montants engagés dans la finance décentralisée le sont via Ethereum (93,3 milliards de dollars). Selon Consensys, à fin mars 2021, 1,75 million d’adresses Ethereum avaient interagi avec au moins un protocole DeFi (10 fois plus qu’un an auparavant).
NFT-mania
Les tokens non fongibles (NFT), apparus pour la première fois en 2018 sur Ethereum, connaissent également un fort essor en 2021.
Selon DappRadar, le potentiel commercial des NFT a commencé à se faire sentir en 2020, notamment dans le domaine de l’art et du jeu, mais les volumes de vente sont restés faibles (63 millions de $ en 2020). Début 2021, les ventes de NFT ont littéralement explosé, pour atteindre 1,5 milliards de dollars en cumul sur le premier trimestre 2021. Sur les 15 principales collections de NFT en volumes, 10 sont rattachées à la blockchain Ethereum.
Les créations artistiques représentent une part importante du total. Comme le note Consensys, en 2020 « l’art crypto » représentait 52 millions de $ avec 53 000 œuvres vendues par les cinq plus grosses plateformes. Avec un marché représentant aujourd’hui près d’un demi-milliard de dollars, et plus de 150 000 œuvres vendues rien qu’en mars 2021, le marché du NFT artistique a été multiplié par 10 en quelques mois.
Entreprises sur blockchain
En 2017 était formée la Enterprise Ethereum Alliance pour promouvoir l’usage institutionnel d’Ethereum et son développement dans le monde de l’entreprise. L’association regroupe plus d’une centaine de membres, grandes entreprises du domaine du numérique (Microsoft, Accenture, NTT Data Corporation...), de la banque (Banco Santander, JP Morgan Chase Bank, Sberbank of Russia...), du service (Fedex...) ou bien des start-ups de l’industrie blockchain.
Cet intérêt institutionnel se traduit par l’utilisation de la blockchain Ethereum pour différents types de solutions dans plusieurs industries. EY, l’un des plus gros cabinets d’audit et de conseil au monde, lançait par exemple fin 2020 une solution de gestion des approvisionnements entièrement basée sur Ethereum (l’entreprise a aussi proposé par le passé des modules OpenSource destinés à enrichir le protocole Ethereum). Ailleurs, la société HIPS Payment Group vient d’annoncer utiliser Ethereum pour permettre les paiements en stablecoins dans 20 000 taxis en Scandinavie et 10.000 taxis en Grande Bretagne (à partir de novembre 2021). Autre exemple, la Banque européenne d’investissement a émis en avril 2021 pour 100 millions d’euros d’obligations sur la blockchain Ethereum. Une opération inédite, à laquelle ont participé trois banques commerciales (Société Générale, Santander et Goldman Sachs).
X millions d’utilisateurs
Comme pour toutes les crypto-monnaies, il est difficile de connaître précisément le nombre de propriétaires d’ethers (puisque un seul utilisateur peut posséder plusieurs adresses Ethereum). On sait cependant qu’il y a actuellement 150 millions d’adresses Ethereum distinctes, soit une augmentation de 16 % en quatre mois (depuis janvier). Il existe plusieurs dizaines de porte-monnaie pour interagir avec la blockchain Ethereum. MetaMask, l’un des plus populaires, revendique désormais 5 millions d’utilisateurs actifs par mois (cinq fois plus qu’en octobre 2020).
Tueurs d’Ethereum
Une bonne quinzaine de plateformes blockchain, parfois surnommées « Ethereum killers », ont été lancées ces dernières années pour concurrencer Ethereum. Toutes entendent proposer des fonctionnalités similaires et permettre de créer des dApps, des tokens, des smarts contracts ou des NFT. Certaines sont spécialisées sur des usages précis (comme Wax ou Flow, centrées sur les jeux et les NFT), d’autres sont à plus large spectre (Cardano, Binance Smart Chain, EOSIO...).
Comme le note DappRadar « les concurrents d’Ethereum ne ralentissent pas » et, en avril 2021, trois blockchains ont surpassé Ethereum en nombre d’utilisateurs quotidiens. Wax, notamment avec le jeu Alien Worlds, a représenté à elle seule la moitié des utilisateurs actifs, tandis que Flow dominait le marché du NFT avec plus de 60.000 acheteurs/vendeurs quotidiens.
En matière de DeFi, l’écart s’est creusé entre Ethereum et Binance Smart Chain, qui abrite aujourd’hui 25 milliards de dollars, 15 fois plus qu’il y a trois mois. Et la compétition ne fait que commencer : Cardano, le projet qui produit la 7e crypto-monnaie mondiale (ADA) va lancer dans les jours qui viennent son tout premier stablecoin (AgeUSD).
En attendant la V2
De son côté, Ethereum s’apprête à vivre la plus importante évolution de son histoire avec le lancement de Ethereum 2.0, notamment conçu pour accélérer la vitesse des transactions et consommer moins d’énergie. Cette migration, qui s’effectue en trois grandes étapes successives, verra le réseau basculer d’une logique de « Proof of Work » (les transactions sont validées par le calcul) à un principe de « Proof of stake » (des ethers simplement stockés sur des smart contracts servent à sécuriser le réseau).
En contrepartie de bloquer leurs fonds pour contribuer à sécuriser la blockchain, les « validateurs » sont récompensés, un peu comme sur un compte bancaire rémunéré, via un taux d’intérêt qui fluctue dans le temps (actuellement de l’ordre de 7% par an).
La première étape de cette migration a démarré le 1er décembre 2020. La deuxième devrait avoir lieu en septembre 2021 et la dernière, marquant le véritable passage à « Eth2 », est prévue début 2022. Dans le même temps, d’autres améliorations sont apportées au réseau, comme celle survenue en avril 2021 notamment pour réduire les frais de transactions, ou une autre prévue le 14 juillet prochain.
A ce jour, 4.200.000 ETH (soit 14,3 milliards de dollars) sont déjà « stakés » par 130 000 « validateurs ».
A n'en pas douter, l'aventure Ethereum est loin d'être terminée.