L'expression « Bitcoin City » fait régulièrement irruption sur la scène médiatique. Une bonne dizaine de villes dans le monde veulent prétendre au titre de « ville Bitcoin », tandis que plusieurs petits pays ont fait du bitcoin une monnaie officielle et que se multiplient les projets de « crypto-paradis ».
Des initiatives qui font apparaître des disparités en matière d’adoption des crypto-monnaies, sur fond de régulation controversée.
Pionniers et précurseurs : le localisme version crypto
Depuis de nombreuses années, diverses initiatives publiques ou privées ont cherché, aux quatre coins du monde, à faciliter l’adoption de Bitcoin au plan local ou régional.
On a ainsi vu émerger, notamment aux Pays-Bas, aux Etats-Unis ou en France, des « Boulevards Bitcoin » : des rues ou quartiers entiers où la majorité des commerce décidaient conjointement d’accepter la crypto-monnaie comme mode de paiement. Des initiatives médiatisées, mais pas toujours couronnées de succès. Le « Boulevard Bitcoin » parisien, inauguré fin 2016, était considéré comme un « semi-échec » quatre ans plus tard.
Malgré tout, les précurseurs en la matière auront marqué les esprits. Dès 2015, la petite ville d’Arnhem aux Pays-Bas était ainsi souvent considérée comme la première « Bitcoin City » pour avoir chercher à démocratiser la crypto-monnaie auprès des commerçants. Quelques pays ont également adopté très tôt des législations jugées favorables aux crypto-monnaies, au point d’apparaître comme autant de « crypto-territoires ». Malte, l’un des premiers pays européens à adopter de telles lois en 2018, a parfois été surnommée « l’île blockchain ».
Toutes ces appellations, parfois symboliques, sont toutefois souvent restées anecdotiques. On dénombre aujourd’hui peu de distributeurs automatiques de Bitcoin ou de commerces acceptant les crypto-monnaies à Malte et, à l’inverse, ce n’est pas parce que quelques dizaines de commerces acceptent la crypto-monnaie que leur ville peut s'auto-proclamer « ville Bitcoin ».
Salvador, pays du bitcoin
Mais les choses se sont fortement accélérées en septembre 2021 avec l’adoption de Bitcoin au plan national par le Salvador, pays d’Amérique centrale de 6,5 millions d’habitants et premier pays au monde à faire du bitcoin une monnaie officielle. Le président du Salvador, Nayib Bukele, ne tarit pas d’éloges pour la première crypto-monnaie mondiale, et entend bien en faire la clé de voute de sa politique économique et sociale.
Très commentée et vertement critiquée par plusieurs institutions internationales, dont le Fonds monétaire international qui y voit « un risque important pour la stabilité financière, l'intégrité financière et la protection des consommateurs », la décision du Salvador fait figure de pavé dans la mare. Mais le président du pays persiste en signe. « Ce que les organisations internationales ont appelé "l'expérience Bitcoin" n'est rien de plus que le monde en train d’observer comment l'adoption massive [de Bitcoin] transforme l'économie d'un pays. Si cela fonctionne, c’en est fini des monnaies fiat [les monnaies traditionnelles, comme le dollar ou l’euro]. Le Salvador est l'étincelle qui déclenche la véritable révolution », écrit-il sur Twitter en décembre dernier.
La démarche du Salvador se traduit par de multiples actions pour démocratiser Bitcoin et généraliser son usage : développement d’un porte-monnaie électronique national (Chivo), distributeurs automatiques Bitcoin, achat régulier de bitcoins pour les réserves nationales... Et Bukele entend aussi créer une véritable « Bitcoin City », près de la frontière du Honduras. Notamment caractérisée par du minage Bitcoin utilisant l’énergie géothermique puisée au coeur d’un volcan, la ville nouvelle serait à la fois écologique et technologique, promet le président. Le projet, qui suppose l’émission d’obligations libellées en bitcoins à hauteur d’un milliard de dollars, a toutefois pris du retard et suscite aujourd’hui un certain scepticisme.
Quoi qu’il en soit, son adoption comme monnaie officielle est une étape clé dans l’histoire de Bitcoin et aura sans doute contribué à faire bouger les lignes. D’autres pays semblent enclins à suivre l’exemple du Salvador.
En avril 2022, la Centrafrique, 6 millions d’habitants et l’un des pays les plus pauvres au monde, devient le deuxième pays à adopter le bitcoin comme monnaie légale, aux côtés du franc CFA. Et la pression s’accentue en plusieurs endroits du monde pour élargir, voire libérer, l’usage de Bitcoin et des crypto-monnaies. Au Mexique, « Nous devons faire de Bitcoin une monnaie légale », estime par exemple la sénatrice Indira Kempis, qui entend porter un projet de loi allant dans ce sens dès cette année.
L’ère des maires-crypto
En dehors de ces démarches nationales, on constate un engouement croissant pour la première crypto-monnaie mondiale, notamment de la part des maires de plusieurs grandes villes.
Le mouvement est particulièrement visible aux Etats-Unis. « Les crypto-maires ont le vent en poupe », titrait TechCrunch en décembre dernier, notant que « si Bitcoin, blockchain et NFT ne sont pas des termes habituellement entendus dans les mairies, ils le sont de plus en plus dans des villes comme Miami, Tampa, New York ou Jackson, car les maires de ces villes en ont fait des marqueurs ».
A Miami, le maire Francis Suarez (Républicain) entend ainsi faire de sa ville « la capitale Bitcoin du monde ». Tandis que le site officiel de la ville abrite une copie du « PDF Bitcoin », le document fondateur de la crypto-monnaie, son maire est particulièrement proactif pour faciliter son adoption. Intervenant volontiers lors des conférences internationales dédiées à Bitcoin, il assurait dès début 2021 vouloir « explorer le paiement des employés municipaux en bitcoins et investir une partie de la trésorerie de la ville dans Bitcoin ».. Fin 2021, la ville donnait 1 000 $ en bitcoins à chacun des 55 étudiants noirs enrôlés dans un concours d’excellence, et Suarez annonçait vouloir convertir une partie de son propre fonds de retraite en bitcoins. Plus globalement, l’Etat de Floride (dont Miami est la 2e ville la plus peuplée) est lui aussi ouvertement « pro-crypto », à en croire son gouverneur qui souhaite que dépenses d’assurance médicale et frais d’immatriculation des véhicules puissent être payés en crypto-monnaies.
Posture presque similaire à New York où, malgré des régulations passées jugées peu favorables aux cryptos, une partie du salaire du maire Eric Adams (Démocrate) est désormais convertie en crypto-monnaies (BTC et ETH) depuis début 2022. Une démarche très médiatisée outre-Atlantique, qui s’inscrit dans un discours fortement favorable aux cryptos et l’intention affichée de faire de la « Big Apple » une capitale du bitcoin. « New York est le centre du monde et nous voulons qu'il soit aussi le centre des crypto-monnaies et autres innovations financières », assure le maire..
Dans tous les cas, cet amour récent pour Bitcoin et les cryptos de la part des maires de quelque-unes des plus grandes villes américaines est indéniablement assorti d’un message politique.
« Bitcoin a le pouvoir de démocratiser la richesse et d’en créer pour les personnes non bancarisées et pauvres, qui sont décimées par l'inflation et les dépenses gouvernementales incontrôlées », estimait le maire de Miami début avril 2022, avançant même que « le prochain président des États-Unis, en 2024, devra être un candidat pro-Bitcoin ». Pour le maire de New York, les cryptos sont avant tout synonymes de création de valeur. « Être à l'avant-garde de cette innovation nous aidera à créer des emplois, à améliorer notre économie et à continuer d'attirer les talents du monde entier », précisait-il en janvier 2022.
Villes et villages, même (crypto) combat
Outre les Etats-Unis, on constate des démarches similaires en plusieurs endroits du monde.
Depuis début 2022, Rio de Janeiro, 2e ville du Brésil et 19e la plus peuplée au monde, convertit 1% de ses réserves de trésorerie en cryptos. « On sait que le bitcoin est volatil, et certains nous le reprochent, mais c'est l'avenir, et Rio veut être une référence pour le monde en tant que ville favorable aux crypto-monnaies, comme Miami aux Etats-Unis ou Zoug en Suisse », commentait alors Chicão Bulhões, responsable du développement économique de la ville. Pour lui, faire de Rio un « crypto hub » est logique et même nécessaire pour contrer les effets de l’inflation. Et la démarche se traduit par des actions concrètes : en mars 2022, le maire de Rio annonçait que les citoyens de la ville pourront payer leurs taxes immobilières en crypto-monnaies dès 2023 — une première dans le pays.
On note également des initiatives crypto dans des villes ou territoires de beaucoup plus petite taille.
Borgo d’Anaunia, petit village de 2 500 personnes dans les Alpes italiennes, est devenu la première municipalité d’Italie à installer un data center au sein d’une centrale de production hydroélectrique, et d’y miner des bitcoins. Comme l’explique le maire du village, l’installation permet de s’affranchir des intermittences inhérentes à l’énergie renouvelable, pour mieux la rentabiliser : « Quand l’hiver est plus sec que d’habitude, donc la quantité d'eau apportée par la rivière très faible, cette nouvelle technologie nous permet de maximiser la production et donc de valoriser davantage notre installation ».
Même décision à Sorradino, village de 6 000 habitants en Argentine, où la municipalité vient de se doter de cartes graphiques pour miner elle-même des crypto-monnaies, et contrer les effets de l’inflation et de la crise économique, selon son maire.
Crypto paradis au soleil
A tout cela s’ajoutent des velléités de créer, presque ex nihilo, des territoires plus ou moins indépendants reposant largement sur les crypto-monnaies, souvent en plein milieu de l’océan.
Il peut s’agir de projets de développement privé de taille limitée, comme à Bequia, une petite île des Grenadines, où le projet One Bequia se targue depuis 2021 d’être « le premier promoteur immobilier des Caraïbes acceptant Bitcoin ». La crypto-monnaie peut être utilisée au sein du complexe résidentiel pour acheter une propriété et aussi payer les achats quotidiens et autres restaurants, cafés et cinéma.
Il s’agit parfois aussi de projets plus ambitieux qui s’appuient sur des statuts législatifs spécifiques dont jouissent certaines îles. L’idée de former de tels « crypto-paradis » et autres « îles Bitcoin » n’est pas neuve, et plusieurs projets du genre ont avorté par le passé. Mais au moins deux projets semblent bien partis pour aboutir.
Roatan, une île de 83 km2 au large du Honduras, en mer des Caraïbes, a par exemple établi un partenariat avec la société Prospera en vue de faire du territoire « une plaque tournante du développement économique durable ». En pratique, la zone est semi-autonome, tout en étant ancrée dans la Constitution hondurienne.
Le président de Prospera, l’Américain Joel Bomgar, à la fois entrepreneur et membre de la Chambre des représentants du Mississippi, ne cache pas son attrait pour Bitcoin. « Je suis un énorme fan de Bitcoin. Je crois fermement qu’il sera un jour la monnaie de réserve universelle et globale pour le monde », lançait-il sur Twitter en 2021. En toute logique, Roatan sera bien une zone tirant parti de la crypto-monnaie. « Au sein de Prospera, Bitcoin fonctionne comme une monnaie légale. Cela signifie qu'il n'y a pas d'impôt sur les gains en capital sur BTC, vous pouvez effectuer des transactions librement en utilisant Bitcoin et vous pouvez payer taxes et frais à la juridiction en bitcoins », annonçait Bomgar en avril 2022.
Ailleurs, très loin de là, un autre paradis tropical s’apprête lui aussi à abriter une « île des cryptos ». Au sein de Vanuatu, archipel de l’océan Pacifique à quelques centaines de kilomètres de la Nouvelle Calédonie, sera bientôt installée une « île Satoshi » (Satoshi Island), du nom de Satoshi Nakamoto, créateur de Bitcoin. Le projet, mené par une entreprise indépendante, consiste à transformer une île privée de l’archipel pour en faire « le domicile des professionnels et des passionnés des crypto-monnaies, dans le but d'être considérée comme la capitale mondiale de la crypto ».
Après avoir obtenu l’agrément officiel du premier ministre de Vanuatu en avril 2022, la Satoshi Island pourrait commencer à accueillir ses premiers résidents en 2023. Elle en abritera au maximum 21 000, même si plus de 50 000 internautes ont déjà manifesté leur intérêt en acquérant un NFT dédié (la possession du NFT attribuera des droits spécifiques et une sorte de « citoyenneté locale » propre à l’île, mais distincte de la citoyenneté de la république de Vanuatu proprement dite). Là aussi, le projet est ancré dans une logique de développement durable et de respect de l’environnement : habitats et bureaux seront par exemple uniquement composés de modules pré-fabriqués, alimentés par énergie solaire et retraitant les eaux usées.
Chiffres et études : des classements contrastés
Concrètement, en dehors des postures et des déclarations d’intention, il n’est pas si facile de distinguer quels endroits du monde sont les plus « crypto-friendly » ou méritent véritablement l’appellation de « pays du bitcoin ». Sur la base de statistiques et d’analyses diverses, de nombreux classements mondiaux font apparaître des résultats parfois contradictoires.
Pour Coincub, un cabinet d’experts basé à Dublin qui établit un classement mondial des pays les plus favorables aux cryptos (prenant en compte neuf critères), c’est l’Allemagne qui peut prétendre, depuis avril 2022, à la première place. Après avoir adopté plusieurs législations très favorables aux cryptos, en particulier la possibilité offerte aux fonds d’épargne institutionnels d’investir une partie de leurs avoirs en crypto-monnaies, l’Allemagne « signale une forte acceptation institutionnelle et un avenir radieux pour les cryptos dans ce pays », juge Coincub. Derrière l’Allemagne, les principaux « pays crypto » au premier trimestre 2022 seraient Singapour, les Etats-Unis, l’Australie et la Suisse.
La répartition géographique des distributeurs Bitcoin, des machines simples d’emploi permettant l’achat/vente de cryptos, souvent considérées comme synonymes de la popularité des crypto-monnaies dans un pays, apporte un autre éclairage. Selon Coin ATM Radar, site de référence où les opérateurs peuvent inscrire leurs distributeurs, les Etats-Unis sont très largement en tête avec près de 33 000 machines installées, suivis du Canada, de l’Espagne, du Salvador et de la Pologne.
En matière d’usage, les classements sont également disparates. Chainalysis, un cabinet d’analyse des blockchains, publie un « Index mondial de l’adoption crypto » prenant en compte trois métriques sophistiquées pour évaluer les pays les plus actifs en matière de crypto-monnaies. Pour 2021, l’index fait apparaître le Vietnam en première place, loin devant les suivants que sont l’Inde, le Pakistan, l’Ukraine et le Kenya. Et selon une étude du bureau de change Gemini en avril 2022, l’Inde, les Etats-Unis et le Brésil seraient les pays comptant le plus de propriétaires de crypto-monnaies.
En Europe, le casse-tête de la régulation crypto
On le voit, l’appellation de « ville ou pays Bitcoin » est très disputée et les candidats ne manquent pas. Mais le sujet Bitcoin (et crypto-monnaies en général) demeure controversé, et même très clivant. En Europe, la situation légale ou fiscale est particulièrement variée, pour ne pas dire cacophonique, tant dans l’Union européenne que plus généralement sur le continent européen.
Bien que le pays soit évidemment dans une situation très particulière, la position de l’Ukraine vis-à-vis des cryptos est emblématique. Dès le début de l’invasion russe, le gouvernement ukrainien faisait appel aux crypto-monnaies pour financer sa résistance, avec un bon succès. Quelques semaines plus tard, en pleine guerre, le pays adoptait mi-mars une loi légalisant Bitcoin et crypto-monnaies. Mais à peine un mois plus tard, la Banque centrale ukrainienne interdisait purement et simplement l’achat de bitcoins en monnaie locale, et limitait drastiquement leur échange à partir de devises étrangères.
Une attitude quasi schizophrène, qui se retrouve en plusieurs endroits du du monde, tant dans des postures opposées entre gouvernements et banques centrales (en Inde, par exemple) que, parfois, des discours divergents entre membres d’un même gouvernement ou parti politique (Etats-Unis, notamment).
Cette divergence prend toute son ampleur en Europe. En France, où la Banque centrale récuse le terme même de crypto-monnaie, les BTC et autres ETH sont considérées comme des actifs financiers au même titre que des actions en Bourse, donc assujettis à un impôt sur les plus-values. Mais de l’autre côté du Rhin, en Allemagne, Bitcoin et cryptos sont considérés comme une forme privée d’argent et, par exemple, l’échange de crypto-monnaies détenues depuis plus d’un an n’est assujetti à aucun impôt.
Les choses pourraient encore se compliquer avec de nouvelles réglementations actuellement étudiées par les institutions européennes, regroupées sous la bannière MICA (Markets in crypto assets), un chantier démarré en 2020 et visant à réguler les crypto-actifs au sens large, donc les crypto-monnaies.
Cette régulation est nécessaire et « d’une importance capitale pour l'écosystème crypto, non seulement en Europe mais dans le monde entier », comme l’expliquent deux experts dans un article académique publié dans la revue Computer Law & Security en novembre 2021. Soulignant la lenteur du processus européen et l’ambiguïté des définitions de « crypto-actifs » retenues, ils mettent en garde sur le risque « d’un focus trop marqué sur des règles prescriptives détaillées plutôt que sur des principes et des objectifs politiques plus larges, qui pourrait nuire à l'écosystème blockchain encore naissant en Europe ».
Le régulateur européen devrait « encourager les nouveaux acteurs, et non les surcharger de coûts de mise en conformité », « encourager de nouvelles solutions technologiques, et non pénaliser les innovateurs avec un cadre réglementaire compliqué et coûteux », autrement dit « agir comme un catalyseur et non un inhibiteur », concluent-ils.
Après avoir tenté, sans succès, d’interdire le principe de minage (Proof of work, à la base du fonctionnement de Bitcoin et de milliers d’autres cryptos), le Parlement européen envisage, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent, de limiter l’usage des crypto-monnaies. C’est notamment l’objet d’un amendement adopté le 31 mars qui, s’il était définitivement inclus dans la loi, marquerait une évolution majeure en forçant les utilisateurs de porte-monnaie non hébergés (dits « non custodiaux », c’est-à-dire entièrement gérés et contrôlés par l’usager) à être nominativement identifiés, et ce quelle que soit la valeur des transferts concernés.
Pour les défenseurs de Bitcoin et les partisans des crypto-monnaies, l’amendement est clairement « liberticide » et, sans surprise, l’industrie crypto est « vent debout » contre cette législation européenne et ses dernières évolutions.
Ledger, l’une des deux seules crypto-licornes françaises et leader mondial du marché du hardware wallet (porte-monnaie physique non custodial pour stocker des crypto-monnaies) y réagit dans une tribune assassine, qui résume le sentiment général. « Risque majeur », « Menace pour la liberté financière », « Violation de la vie privée des citoyens européens », « Contre-productif pour lutter efficacement contre le crime organisé », « Affaiblissement permanent de la compétitivité européenne, notamment dans la perspective du Web3 » sont quelques-uns des griefs à l’encontre du projet de loi européen, auquel l’entreprise propose d’ailleurs une alternative. La tribune rappelle aussi que « selon Chainalysis, les montants blanchis via les crypto-monnaies ne représentent que 0,009 % du PIB mondial, tandis que l’ONU estime que 2 % à 5 % du PIB mondial est blanchi via le système financier traditionnel en monnaies classiques ».
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La Suisse, future patrie du bitcoin en Europe ?
Si elle était définitivement adoptée sous sa forme actuelle, la législation européenne pourrait donc transformer le paysage crypto et sans doute bénéficier aux pays les plus libéraux en la matière.
Déjà, « la Suisse se positionne en terre d’accueil » pour l’industrie crypto européenne et française en particulier, selon le magazine suisse Bilan, qui voit apparaître un véritable « exode » semblant même s’accélérer. « Associations et promotions économiques s’activent pour séduire et attirer les entrepreneurs cryptos français en plein désarroi », note le magazine, qui cite l'exemple de Sébastien Gouspillou, spécialiste du minage Bitcoin et figure emblématique de la cryptosphère française, dont la prochaine start-up sera basée à Neuchâtel, en Suisse. « En France, pratiquement tout le monde envisage actuellement la possibilité d’un départ », estime l’entrepreneur.
La Suisse, où les crypto-monnaies sont régulées et adoptées tant au plan national que cantonal ou municipal, souvent avec une certaine bienveillance, est considérée comme progressiste en la matière. L’actualité récente le confirme : en mars 2022, la ville de Lugano (60 000 habitants) présentait son ambitieux « Plan B » (sous-entendu « Plan Bitcoin »).
Le programme de Lugano comprend plusieurs facettes, dont un fonds d’investissement en cryptos, des bourses pour étudiants, de la R&D pour favoriser un minage Bitcoin respectueux de l’environnement ou encore des plate-formes pour faciliter l’acceptation des paiements en crypto-monnaies, que ce soit Bitcoin, Tether (stablecoin avec lequel a été conclu un partenariat) ou LVGA (le token officiel de la ville). « Des petites transactions chez les commerçants locaux au paiement des impôts annuels et des services publics municipaux, la blockchain sera à la base de tous les échanges financiers de la ville », décrit le site officiel de la ville. Une démarche qui revient pour la municipalité à faire de Bitcoin, « de facto, une monnaie légale ».
L’avenir dira si la régulation étudiée par Bruxelles conduira à imposer la Suisse comme véritable « hub des cryptos » européen et/ou mondial et si, avec ou sans l’assentiment des instances de régulation internationales, d’autres pays, villes ou territoires décideront de généraliser l'usage des crypto-monnaies. Toujours est-il qu'en Europe, ne sera peut-être pas « pays du bitcoin » qui veut.