L'informatique au crible de l'écologie

Aurélien Audy
Publié le 05 août 2009 à 15h02
L'écologie semble de nos jours susciter un intérêt croissant dans les esprits. De la simple sympathie à la réelle préoccupation, des petits gestes aux grands chantiers, chacun sait qu'il faut contribuer à la préservation de l'environnement sans tarder. En l'occurrence, s'il est un domaine où l'urgence est bien réelle, c'est l'informatique. Les quantités considérables mises en circulation dans le monde et la haute toxicité de certains composants représentent un véritable cocktail détonnant pour la nature comme pour l'Homme. Malheureusement au moment d'agir, il est souvent difficile de savoir comment s'y prendre. Nous vous apportons donc les clés pour comprendre la problématique et agir en éco-citoyens.

Plantons le décor en évoquant l'ampleur du problème sous le regard des chiffres. Malgré un dernier trimestre 2008 en berne, les ventes de PC dans le monde ont augmenté de 10,9 % entre 2007 et 2008, avec 302 millions d'unités contre 272 millions l'année précédente (source Gartner). Certes, le même cabinet d'analyse prévoit un déclin marqué pour l'année 2009 (entre -6 et -11,9 %), imputable à la récession, ce qui ne représenterait "QUE" 257 à 274 millions d'unités mises sur le marché. Mais à l'échelle planétaire et sur le long terme, les quantités sont absolument colossales : environ 2,4 milliards de PC vendus dans le monde depuis 1975 (source Computer Industry Almanac) ! La progression est tout aussi phénoménale : il devrait se vendre autant de PC entre 2006 et 2010 (1,3 milliard en 5 ans) que pendant les trente premières années d'existence de l'outil informatique (1975 à 2005). Toutes proportions gardées, la France se porte plutôt bien avec environ 10,7 millions d'unités livrées en 2008, contre 9,3 millions un an plus tôt soit une augmentation de 15 % environ. Ce qui nous amène à un taux d'équipement de plus de 60 %, avec 15,5 millions de foyers équipés d'au moins un PC. Pour information, ce taux était de 32,3 % seulement en 2001 (source GfK)...

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Ces faits purement économiques prennent une autre envergure lorsqu'on les considère sous l'angle de l'écologie. Et oui, un ordinateur impacte l'environnement bien plus qu'on ne le croit, et ce tout au long de son cycle de vie. Cela commence par une fabrication très consommatrice en énergie, provenant pour la plupart de sources non renouvelables (nucléaire, pétrole, charbon, gaz...) et dont la combustion génère une importante pollution (CO2, déchets radioactifs...). La vie de l'ordinateur se poursuit avec l'utilisation de tous les jours, pendant laquelle le matériel pourra consommer une quantité d'électricité non négligeable sur le long terme.

Mais c'est surtout la fin de vie qui pose problème. Sur les 2,4 milliards d'ordinateurs commercialisés depuis 1975, 1,2 milliard d'unités composent le parc informatique mondial actuel (2 milliards d'ici 2014 selon Gartner). Ce qui nous laisse un autre 1,2 milliard de PC tombés en désuétude dont la plupart au stade d'épave sont devenus des déchets. Des quantités gargantuesques de matériaux à traiter dont bon nombre sont en plus hautement toxiques pour l'Homme et dévastateurs pour l'environnement. L'ouvrage Exporting Harm : the High-Tech Trashing of Asia co-édité par Jim Puckett et Ted Smith donne une estimation assez parlante : 500 millions de PC contiennent approximativement 2 872 000 tonnes de plastiques, 718 000 tonnes de plomb, 1 363 tonnes de cadmium et 287 tonnes de mercure. Quand on sait par exemple que 0,3 gramme de mercure, soit le contenu d'un thermomètre ou encore 1/70e d'une cuillère à café suffit à polluer un lac de 10 hectares au point où le poisson devient impropre à la consommation, cela fait froid dans le dos... Quant au plomb et au cadmium, ils s'attaquent respectivement au système nerveux pour l'un et au foie et à la structure osseuse pour l'autre. Sans oublier d'autres polluants tels que le béryllium, l'arsenic, le chrome hexavalent, les PCB, les retardateurs de flamme bromé, l'antimoine, le phosphate de triphényle...

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Sommaire :




Législation et filière recyclage

Une loi d'urgence pour enrayer le fléau

Faute de cadre législatif, ces tonnes de déchets était jusqu'à lors bazardés sans précaution à la poubelle ou en déchèterie parmi les ordures ménagères habituelles. Ils finissaient alors incinérés ou enfouis comme le reste sans le moindre recyclage, avec les conséquences environnementales qu'on imagine compte tenu des substances qu'ils renferment. Et les ordinateurs ne représentent en plus qu'une petite partie de l'iceberg : tous les équipements informatiques sont concernés, auxquels s'ajoute l'électroménager au sens large !

Voyant les quantités de déchets augmenter considérablement d'une année sur l'autre, le Parlement Européen et le Conseil ont décidé en 1995-96 d'élaborer deux directives qui ont fini par être transposées en droit français dix ans plus tard : celle dite DEEE (Déchets d'Equipements Electriques et Electroniques) et l'autre appelée RoHS (Restriction of Hazardous Substances). La première ayant pour mission d'organiser la collecte et le recyclage des DEEE, tandis que la seconde vise à solutionner le problème à la racine en imposant aux constructeurs des limites d'utilisation des substances dangereuses. Par exemple, tout matériau homogène (c'est-à-dire dont les composés ne peuvent pas être séparés mécaniquement, type alliages, plastiques, verres, céramiques...) ne doit pas contenir plus de 0,1 % de son poids en plomb ou de 0,01 % en cadmium.

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Mais celle qui nous intéresse davantage ici, c'est la directive DEEE. Les DEEE ménagers, en opposition aux DEEE professionnels, comprennent le gros électroménager, le petit électroménager (jouet, appareillage domestique...), les produits bruns et gris (télévision, chaîne Hi-Fi, ordinateurs, imprimantes...) et les lampes à décharge (lampes basse consommation, néons...). Entrée en vigueur le 15 novembre 2006, cette directive impose aux producteurs de déclarer d'une part la mise sur le marché d'EEE et d'autre part les quantités collectées et traitées de DEEE. L'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) est chargée de contrôler le Registre National des Producteurs d'EEE. La réglementation exige entre autres la mise en place de la collecte sélective des DEEE, le traitement systématique de certaines substances dangereuses (mercure, CFC, PCB...) et le recyclage, la valorisation ou la réutilisation des déchets collectés. Ces exigences sont quantifiées par des objectifs, tant de collecte que de traitement, révisables tous les deux ans : il fallait par exemple collecter 4 kg de DEEE ménagers/habitant/an ou encore recycler 65 % de l'électroménager brun et gris d'ici fin 2006.

Concrètement ça donne quoi ?

S'est ainsi mise en place une filière dédiée, qui gravite autour d'entités centrales : les éco-organismes. Il s'agit de structures agréées (quatre en France, dont une spécialisée dans les lampes qui s'appelle Récylum) qui vont chapeauter toutes les phases de la collecte au recyclage, en choisissant pour chaque mission des prestataires appropriés. Ces quatre éco-organismes sont eux-mêmes régit par un organisme coordinateur appelé OCAD3E. Par ordre d'importance, les trois éco-organismes multi-DEEE sont : Eco-Systèmes, Ecologic et ERP. Les producteurs d'EEE peuvent légalement décider de mettre en œuvre leur propre système de collecte et de traitement des déchets, mais concrètement, tous préfèrent adhérer à un de ces trois éco-organismes.

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Pour la collecte, ces éco-organismes traitent avec différents acteurs : les collectivités locales ayant mis en place un système de tri sélectif (en déchèterie ou via des opérations de collecte de proximité), les distributeurs censés proposer la reprise "un-pour-un" (reprise en magasin ou à la livraison de votre ancien équipement en contrepartie d'un nouvel équipement du même type acheté) et certains acteurs de l'économie solidaire (associations d'insertion, réseau Envie, EMMAUS...).

Pour boucler la boucle, reste la question du financement. Collecter et recycler ça a un coût. Et ce coût est répercuté sur le consommateur via l'éco-contribution, aussi appelée éco-participation mais surtout vécue comme une éco-taxe... Selon l'éco-organisme concerné, ses méthodes opératoires et les producteurs adhérents, un coût fixe est déterminé pour chaque appareil. Il est principalement fonction du niveau de technicité à mettre en œuvre pour démanteler et dépolluer l'appareil. Avec Eco-Systèmes par exemple, un ordinateur portable exigera une éco-contribution de 0,30 € tandis qu'une unité centrale sera taxée à hauteur de 1 €. Chez ERP, les montants sont fixés par catégorie d'appareil et par poids : un portable de 2 à 4 Kg vous coûtera 0,25 €, une UC dont le poids oscille entre 8 et 15 Kg, 1 €. Vous trouverez la grille tarifaire d'Eco-Systèmes ici, celle d'ERP et celle d'Ecologic à cet autre endroit. Les éco-taxes prélevées à chaque achat par les distributeurs sont reversées intégralement aux producteurs, lesquels versent à nouveau cette contribution à leur éco-organisme proportionnellement aux quantités de produits mis sur le marché.

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La Fnac explique on ne peut plus clairement l'éco-participation


Nous avons contacté Sarah Martin, ingénieur en charge des DEEE à l'ADEME pour connaître les résultats chiffrés de la filière. Il faut déjà savoir que les français produisent selon les différentes estimations 15 à 20 Kg, par habitant et par an de DEEE ménagers, soit 900 000 à 1 200 000 tonnes environ. La fourchette est large parce que ces flux sont difficiles à quantifier (vieux équipements pas ou mal comptabilisés, stockage dans les garages, caves ou greniers, rejets dans la nature ou dans des déchèteries sans tri sélectif...). En revanche, ce qu'on connait bien aujourd'hui, ce sont les quantités d'EEE mis sur le marché (1,4 million de tonnes en 2007 et 1,458 million de tonnes en 2008), les quantités de DEEE collectés (157 000 tonnes en 2007 et 283 880 tonnes en 2008) et les montants globaux des éco-contributions perçues (188 millions d'euros en 2007 et 194 millions d'euros en 2008). Ce qui fait que l'objectif des 4 Kg par habitant par an de DEEE collectés a été atteint en 2008 pour la première fois, et même dépassé à 4,5 Kg/hab/an. Dernières données intéressantes : fin 2008, 51,5 millions d'habitants étaient desservies par la collecte sélective, notamment grâce aux 13 000 points de collecte que représentent les distributeurs sous contrat avec un éco-organisme. Il reste cependant une bonne marge de manœuvre puisque si on considère la fourchette basse de DEEE produits, seulement un tiers sont collectés aujourd'hui...

L'éco-conception et les contradictions du système 1/2

L'écologie comme première étape de la fabrication

Mieux vaut prévenir que guérir. Cet adage bien connu trouve un écho particulier en matière d'écologie. Et quand guérir à un coût, les constructeurs comprennent très vite l'intérêt de la prévention. Dans leur jargon, cela s'appelle l'éco-conception. Autrement dit, l'intégration des problématiques environnementales en amont de la fabrication des produits. Cela englobe l'utilisation de matériaux recyclables, ou mieux encore recyclés, le choix de composants à faible consommation d'énergie, l'assemblage intelligent des différentes parties pour faciliter le démantèlement, la limitation des substances dangereuses (au-delà parfois de la directive RoHS), la réduction des emballages... Ces politiques d'éco-conception revêtent différentes formes selon les constructeurs : Design for Environnement chez HP, Asset Recovery Services chez Dell et Lenovo ou encore Eco chez Sony... L'intention est plus que louable, toutefois il reste difficile de savoir ce que ces politiques signifient réellement dans la vie de tous les jours.

Si le constructeur ne concocte pas sa propre politique environnementale, rien ne l'empêche sinon de soumettre ses produits aux nombreux labels qualité déjà existants. C'est ce qu'a fait Apple récemment avec son Macbook compatible Energy Star et médaillé d'or aux tests EPEAT (Electronic Product Environnemental Assessment Tool). Ou encore Samsung qui vient d'annoncer le premier netbook TCO Certified, du label TCO Development, le N120. Quelques exemples parmi tant d'autres : Nordic Swan, Blauer Engel, Ecolabel européen... Mais là aussi, la prolifération des labels entraîne la confusion, surtout qu'ils ne placent pas tous la barre au même niveau sur le plan des exigences environnementales. Les exemples concrets ne courent pas les rues. On pourra citer le portable U6V Bamboo d'Asus, doté d'un châssis en bambou. Ce matériau a l'avantage d'être résistant mais aussi biodégradable et il se régénère tout seul, en absorbant du CO2 lorsqu'il pousse... Ou encore le mini PC de bureau Dell Studio Hybrid, qui consomme très peu d'énergie et dispose d'une coque en cuir, en bambou, ou en matériaux recyclés. Pour les deux premiers matériaux, comptez 110 à 150 € supplémentaires...

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La panoplie de Dell Studio Hybrid et l'Asus U6V Bamboo


Et parfois, plusieurs sociétés se ressemblent sous une même bannière pour arriver à des objectifs communs. C'est le cas du consortium Green Grid, qui rassemble les plus grands noms du monde informatique : AMD, Intel, Microsoft, Sun Microsystems, IBM, Dell, HP et encore Google, Fujitsu, Hitachi, Symantec... Le but, développer des standards pour optimiser l'efficacité énergétique des data center, aussi bien au niveau des infrastructures que des équipements qu'elles renferment. Quand on tape au portefeuille...

Réalité ou business plan verdoyant ?

L'éco-conception de l'informatique se heurte malheureusement à des obstacles de multiples natures, à commencer par la physique. En ne considérant que le stade de la fabrication, on ne peut s'empêcher de citer les résultats de l'ouvrage Computers and the Environment : Understanding and Managing Their Impacts, co-écrit en 2003 par Eric Williams et Ruediger Kuehr, tous deux scientifiques à l'Université des Nations Unies. Ils révèlent que la production d'un ordinateur de bureau et de son écran CRT 17 pouces requiert 240 Kg d'énergies fossiles, c'est-à-dire environ dix fois le poids de l'équipement considéré ! A titre comparatif, la production d'une automobile ou d'un réfrigérateur nécessite plus ou moins une fois leur poids en énergies fossiles. A cette quantité importante d'énergie s'ajoutent également 22 Kg de substances chimiques et 1,5 tonne d'eau !

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Est-ce que ces chiffres sont toujours valables, six ans plus tard ? Nous avons contacté Eric Williams pour le savoir. Ce dernier nous a répondu que nous pouvions revoir ces quantités à la baisse, mais pas de façon spectaculaire. L'allègement des PC, l'optimisation des processus de fabrication ou le remplacement des écrans CRT par des dalles LCD ont inévitablement engendré une réduction du poids des équipements et donc de l'énergie nécessaire pour les produire. Toutefois, le fait que ces équipements proposent toujours plus de fonctionnalités tend à contrebalancer les efforts réalisés par ailleurs. Pour illustrer ce propos, Eric Williams nous a fait part d'une autre étude en cours de réactualisation où il s'est rendu compte que la quantité d'énergie nécessaire à la fabrication d'un processeur n'avait pas franchement baissé au fil des années, puisque l'amélioration du rendement énergétique pour la production d'un transistor était compensée par l'explosion du nombre de transistors dans les processeurs modernes.

Ce constat nous amène à la réflexion suivante : en l'absence de réelle mesure de l'empreinte écologique, comment être sûr qu'un PC dit vert n'est pas plus polluant qu'un PC standard ? En effet, un PC labellisé écologique pourrait très bien consommer moins d'électricité en fonctionnement, mais nécessiter plus d'énergie pour sa fabrication, et avoir ainsi un impact environnemental pire sur l'ensemble de son cycle de vie. La seule véritable référence nous vient de l'ONG Greenpeace, qui épingle plusieurs fois par an les mauvais élèves de l'éco-conception et récompense les meilleurs. Les résultats du Guide pour une High Tech responsable, calculés selon une multitude de critères sont fournis sous cette forme :

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Derniers résultats en date du Guide pour une High Tech responsable
Autre domaine perfectible, la législation. Bien que souhaitable, elle est loin d'être infaillible. Déjà, comment croire que la directive DEEE va inciter les constructeurs à l'éco-conception sachant que le principe du pollueur-payeur n'est pas respecté ? En effet, ce sont les consommateurs qui supportent le coût de la collecte et du recyclage des DEEE via l'éco-taxe. Pour les constructeurs, ça ne coûte rien. De là à dire que ça rapporte même un peu, il y a peut être plus d'un pas...

Cependant une zone d'ombre sème le doute : les éco-organismes, supposés à but non lucratif, sont des Sociétés par Actions Simplifiées dont les principaux actionnaires sont... les constructeurs. Quel intérêt ont-ils donc à réduire les déchets ? Surtout que parmi les matériaux récupérés à la suite du recyclage, certains ont de la valeur (or, aluminium, cuivre...). Autre faiblesse du système : il repose intégralement sur le bon vouloir du consommateur de rapporter son matériel usagé. S'il ne le fait pas, pas de recyclage. Mais il paiera quand même à chaque achat une éco-taxe qui ira au constructeur. Pourquoi ne pas avoir mis en place une prime à la casse, comme dans le secteur automobile, pour inciter au renouvellement propre ?

La directive RoHS a elle aussi ses tares. En l'occurrence, elles prennent la forme d'exemptions. A l'heure actuelle on en compte pas moins de 29, qui en gros autorisent des substances dangereuses en quantités supérieures partout où les industriels n'arrivent pas à trouver des nouvelles technologies pour s'en passer. Du mercure dans les lampes fluorescentes, du plomb entre 0,35 et 4 % dans des alliages d'acier, d'aluminium ou de cuivre (au lieu des 0,1 %), du cadmium dans les contacts électriques... La directive RoHS a manifestement du plomb dans l'aile !

Impossible non plus de ne pas évoquer les envois de DEEE dans les pays du tiers monde, principalement en Chine et dans certains pays d'Afrique, où les matériaux sont traités sans aucune précaution sanitaire, ni pour les travailleurs (pas de protection) ni pour l'environnement (incinération en plein air). La pratique, souvent décriée par Greenpeace, est pourtant interdite par la Convention de Bâle des Nations Unies, entrée en vigueur en 1992, sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination. De l'aveu même de l'ADEME, on ne peut pas exclure que des DEEE partent pour le tiers monde. L'Agence Européenne pour l'Environnement dénonce elle explicitement le phénomène. Elle avance par exemple qu'en 2005 l'Union Européenne a exporté 15 000 tonnes de téléviseurs en Afrique, à des tarifs tellement bas (28 à 65 € alors que la valeur moyenne en Europe était de 350 €) qu'il s'agissait visiblement de téléviseur d'occasion et en bonne partie de déchets. L'utilisation de codes ambigus pour la déclaration de transports de déchets électroniques rend les contrôles perméables et permet notamment de faire passer des déchets pour des produits d'occasion, qui eux peuvent légalement être vendus ou donnés à l'étranger. Ainsi, les pays du tiers monde récupèrent ces déchets gratuitement ou à bas coût, ce qui débarrasse les pays riches d'un lourd fardeau (notamment ceux de l'UE qui n'arrivent pas à respecter les objectifs de la directive DEEEE). Ils en extirpent les métaux précieux et la matière secondaire, bien moins chère que la matière première dont les prix ont explosés ces dernières années.

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Enfin, le dernier bâton qui vient se glisser dans les rouages de l'éco-conception, c'est son inadéquation avec les impératifs économiques du milieu. Produire vert est une bonne chose, mais si aucun changement n'est opéré sur les modèles économiques, les politiques environnementales n'auront guère d'impact. Produire toujours plus, pousser à la surconsommation, accélérer l'obsolescence des produits, en sortant des nouvelles gammes tous les trois mois, en proposant des logiciels trop exigeants ou en fabricant des produits trop fragiles, ne pas veiller à la rétro compatibilité... toutes ces pratiques sont monnaie courante en informatique. L'éco-conception avec de telles stratégies économiques ne s'inscrit pas dans le cadre du développement durable, qui, comme le dit Fabrice Flipo, chercheur à l'Institut National des Télécommunications, n'est pas faire la même chose en plus vert.

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Les solutions pour préserver l'environnement

Pour concilier informatique et écologie, il n'y a pas de miracle à attendre : le seul acteur capable de changer les choses, c'est le consommateur. Bien penser ses achats, utiliser intelligemment son matériel et gérer sa fin de vie en citoyen éco-responsable. Si tout le monde agit dans ce sens, on observera des réels progrès.

Le premier pas commence à l'achat

Si les constructeurs produisent toujours plus, c'est parce qu'on consomme trop. Le premier acte d'un comportement écologiquement vertueux consiste déjà à n'acheter que ce dont on a réellement besoin. Autrement dit, ne pas céder aux sirènes de la surconsommation. Ensuite, quand un besoin est réel, il faut faire le bon choix. Acheter un PC haut de gamme pour faire de la bureautique entrainera une consommation inutile d'électricité. A l'inverse, opter pour un PC bas de gamme pour un usage que vous savez régulier et exigeant ne vous fera pas économiser d'argent puisque la machine deviendra obsolète trop vite. Et vous serez contraint à un renouvellement accéléré.

Si vous voulez passer à la vitesse supérieure, une simple mise à jour de votre matériel peut suffire : ajout de mémoire vive ou d'un disque dur, changement de carte graphique, remplacement du processeur... Vous prolongerez ainsi la durée de vie de votre équipement en ne touchant qu'à l'essentiel, et donc en générant un minimum de déchets. Notez toutefois que ce genre de manipulation est beaucoup plus limité sur un ordinateur portable que sur un PC de bureau. Et il est possible que vous vous heurtiez à des incompatibilités de normes matérielles (socket processeur différent, port PCI-Express inadéquat, technologie de RAM non prise en charge par la carte mère, etc). Mais ça se tente ! Pourquoi sinon ne pas arpenter le marché de l'occasion ou du reconditionné ? A la vitesse où sont renouvelées les gammes, les PC perdent beaucoup plus vite en valeur qu'en performances. Les sites, professionnels ou de particuliers, ne manquent pas ! Après, si vous souhaitez absolument du matériel neuf, privilégiez autant que faire se peut les modèles labélisés. Même si on ne connait pas forcément la portée écologique de la chose, c'est à priori toujours mieux que rien.

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L'utilisation au jour le jour

Les petits gestes du quotidien, aussi innocents qu'ils paraissent, apportent sur le long terme des économies substantielles, autant bénéfiques pour la nature que pour le portefeuille. Déjà, il faut savoir que tout équipement qui reste branché sur le secteur consomme de l'électricité, même éteint. Pour un PC de bureau multimédia avec écran LCD 22 pouces, vous pouvez compter une consommation moyenne de 6 Watts (source www.eu-energystar.org, via le calculateur d'énergie). Si vous partez 15 jours en vacances en laissant votre machine branchée, vous allez donc consommer 2,16 kilowattheures (kWh), ce qui avec un tarif moyen de l'électricité en France de 0,11 €/kWh donnera environ 24 centimes d'euro. Ca parait ridicule... Sauf que si on ramène cette consommation inutile aux 15,5 millions de foyers français équipés, on obtient 33,48 millions de kWh soit la coquette somme de 3 682 800 euros ! Et sachant que 1 kWh provenant de l'énergie nucléaire dégage 6 g de CO2 dans l'atmosphère, le bilan CO2 se porte à 200 tonnes ! Certes, tout le monde n'a pas un PC multimédia et certains abonnées EDF bénéficient de 8 heures creuses par jour à seulement 6,73 centimes d'euro... Mais l'estimation donne tout de même une idée assez juste des gaspillages d'énergie facilement évitables, par exemple avec une multiprise dotée d'un interrupteur.

L'autre façon simple de réduire la facture consiste à bien paramétrer la gestion de l'alimentation. Sous Windows Vista, faites un clic droit sur le bureau, choisissez Personnaliser, puis Ecran de veille et enfin Modifier les paramètres d'alimentation.... Vous pourrez ensuite choisir le mode qui correspond à votre utilisation et également le personnaliser en cliquant sur Modifier les paramètres du mode. La fenêtre de personnalisation donne accès aux deux variables essentielles Eteindre l'écran et Mettre l'ordinateur en veille et propose aussi le menu Modifier les paramètres d'alimentation avancés où vous pourrez régler la consommation de chaque composant de l'ordinateur avec précision. Avec Windows XP, faites un clic droit sur le bureau, choisissez Propriétés, allez sur l'onglet Ecran de veille puis validez Gestion de l'alimentation. En utilisation normale, un ordinateur avec la veille activée et l'extinction d'écran programmée consomme entre 2 et 5 fois moins que lorsque ces options sont désactivées !

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Options de gestion de l'alimentation


Que faire de votre vieux PC ?

C'est la question cruciale. On a beau en connaître un rayon sur l'écologie, lorsqu'on se retrouve avec un PC qui vient de rendre l'âme, on ne sait pas trop comment s'en débarrasser. C'est valable pour les ordinateurs mais plus généralement tous les équipements sur lesquels figure le logo représentant une poubelle barrée.

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Si jamais votre équipement est vraiment hors d'usage, il faut l'injecter dans la filière des DEEE, sans quoi elle ne peut fonctionner et aucun recyclage n'est alors possible. Plusieurs méthodes pour cela :

  • L'apporter à la déchèterie la plus proche. Il faut au préalable s'assurer que la collectivité locale fonctionne bien en collaboration avec un éco-organisme (téléphone, site Internet de la ville ou de la commune, etc.). Auquel cas elle dispose obligatoirement de conteneurs spécifiques pour la collecte des DEEE. Certaines communes privilégie la collecte de proximité, en organisant des ramassages de DEEE via des dispositifs adaptés, un peu comme pour les encombrants. Appelez votre mairie pour en savoir plus.
  • Le remettre au distributeur lorsque vous achetez un produit équivalent neuf. Là, ce sont clairement les enseignes physiques qu'il faudra privilégier (grandes surfaces, Fnac, Boulanger, Darty, Surcouf...), pour des raisons évidentes de logistique. A la Fnac par exemple, si vous arrivez avec un vieux produit, vous serez dirigés vers la zone de retrait des achats où se trouve le point de collecte. Autre cas intéressant, avec Darty lorsque vous vous faites livrer, vous pouvez demander aux livreurs qu'ils enlèvent votre ancien appareil, et même qu'ils vous débarrassent d'un second appareil. Lorsque vous achetez sur Internet, la procédure d'échange est possible mais très contraignante puisque l'envoi du DEEE se fait à vos frais...
  • Le confier à un des différents acteurs du réemploi, de l'économie sociale et solidaire (Fédération Envie) ou du monde associatif (EMMAUS, réseau des Ressourceries...) qui servent de points de collecte pour les éco-organismes lorsque les DEEE rapportés ne sont plus utilisables.
  • Le stocker au garage, au grenier ou à la cave si vous n'avez pas le temps de vous en occuper ou que votre commune n'est pas encore dotée de déchèterie appropriée. Veillez simplement à bien l'emballer pour éviter qu'il se dégrade davantage. C'est toujours mieux que de le jeter dans la nature.

Maintenant, si le matériel dont vous souhaitez vous débarrasser fonctionne encore, de nouvelles pistes s'offrent à vous. La vente d'occasion, via un site comme eBay ou PriceMinister par exemple. Pour vous aider à estimer votre bien il existe des outils comme www.argusinformatique.com ou www.argusmicro.com. Vous pouvez également le donner, à des proches, aux associations (dédiées ou généralistes) ou aux écoles. Des alternatives simples et pratiques qui montrent que le recyclage n'est peut-être pas la panacée. C'est en tout cas l'avis de Ruediger Kuehr, chercheur à l'Université des Nations Unies : "Nous devons aller au-delà du simple recyclage et nous intéresser au marché de l'occasion, à la réparation, etc. Mieux vaut améliorer sa machine ou la revendre : cela économise cinq à vingt fois plus d'énergie que le recyclage."

Aurélien Audy
Par Aurélien Audy

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