Dans un entretien accordé au Point, l'ancien haut-commissaire à l'énergie atomique Yves Bréchet lance un cri d'alarme sur l'avenir du nucléaire en France, affirmant que cette énergie serait bien moins mortelle que les énergies renouvelables. Qu'en est-il précisément ?
Au cours de l'interview, Yves Bréchet déplore les idées reçues entourant la filière du nucléaire, qu'il estime être alimentées « par l'idéologie et par un manque de culture scientifique dans les médias ». Il réfute également l'idée selon laquelle remplacer du nucléaire décarboné par des énergies renouvelables permettrait de réduire les émissions de CO2, et dénonce l'absence de vision à long terme de l'Etat sur ces sujets.
Un EPR pas si cher, du nucléaire pas si dangereux
Abordant la question de l'EPR de Flamanville, il dénonce une « pertes de compétences industrielles » et une « accumulation de bourdes » résultants de l'absence de construction de centrale pendant 20 ans, et responsables, selon lui, des surcoûts et des retards. Yves Bréchet réfute néanmoins l'idée selon laquelle le projet serait un puits sans fond : « À supposer qu'il coûte 13 milliards d'euros - ce qui est bien trop cher -, il faut cependant avoir conscience qu'il va durer soixante ans. Il produira 600 millions de mégawattheures et rapportera près de 60 milliards d'euros ».Parmi ses multiples prises de position, c'est l'affirmation selon laquelle le nucléaire serait bien moins dangereux que les énergies renouvelables qui a suscité le plus de réactions. Plus précisément, l'ancien haut-commissaire à l'énergie atomique affirme que : « Par kilowattheure produit, le nucléaire tue 1 700 fois moins que le charbon, 350 fois moins que le pétrole et 4 fois moins que le solaire ou l'éolien, si l'on compte juste les chutes lors de la pose et de l'entretien ». D'où viennent ces chiffres ? Et sont-ils exacts ?
Que disent les études réalisées sur le sujet ?
À défaut de pouvoir les retrouver à l'identique, ces ordres de grandeur apparaissent néanmoins semblables aux conclusions des études réalisées ces dernières décennies. En 2017, le site Our World in Data évoquait le faible taux de mortalité rattaché au nucléaire en se basant sur une étude de 2007 (« Electricity generation and health ») publiée dans The Lancet, laquelle déterminait que les décès liés au nucléaire (morts directes et cancers induits ultérieurs) atteindraient au maximum 0,07 morts par térawatt-heure produit... Soit 350 fois moins que le charbon et 260 fois moins que le pétrole.Néanmoins, cela ne nous apprend rien sur les renouvelables, et ces données commencent à dater quelque peu. Il convient donc se référer à une étude plus récente ( Why nuclear energy is sustainable and has to be part of the energy mix ») publiée dans la revue SM&T d'Elsevier, qui a établi en 2014 les chiffres de la mortalité liée à différentes sources d'énergie à partir de données fournies par l'Organisation Mondiale de la Santé.
D'après celle-ci, même en incluant le nombre de décès liés à la catastrophe de Fukushima, le nucléaire ne causerait pas plus de 0,04 morts par milliard de kilowattheures produits. C'est-à-dire 3,75 fois moins que l'éolien, 11 fois moins que le solaire posé sur toit, 35 fois moins que l'hydraulique, 100 fois moins que le gaz naturel, 600 fois moins que la biomasse, 900 fois moins que le pétrole, et 2 500 fois moins que le charbon...
Sources : Le Point, Our World in Data