Conçu dans les années 80 pour améliorer les connaissances sur les sources de rayonnement de l'Univers, XMM Newton n'a pu décoller qu'au tournant du millénaire. Mais depuis, il a révolutionné l'observation de ces phénomènes depuis l'orbite et détient l'une des plus longues carrières pour une mission scientifique !
Des contributions dont on parle tout de même peu souvent.
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Avant la chute du mur
A cause des propriétés d'absorption de l'atmosphère, la présence d'émissions de rayons X dans les grands événements stellaires et galactiques ne put être prouvée qu'au milieu des années 70. Puis grâce à une génération de premiers télescopes dédiés, la communauté scientifique a pu mesurer les différentes sources de rayons X dans l'univers. La jeune agence européenne, l'ESA, n'est pas en reste.
Après une première expérience réussie en 1983 avec le télescope EXOSAT qui détecte pratiquement 1800 sources définies de rayons X « mous » (avec une faible énergie, 100 eV à 10 keV), le feu vert est donné en 1985 pour préparer une mission d'observation de grande envergure. Un télescope basé sur les retours d'expérience des premières générations, dont le design initial s'appelle alors « High Throughput X-ray Spectroscopy ». Mais l'ESA a du mal à rassembler le budget nécessaire, et les ambitions sont revues à la baisse (également parce que les Etats-Unis développent leur propre télescope à rayons X, AXAF, qui deviendra Chandra X-Ray).
Un bijou taillé pour Ariane 5
Au final, XMM-Newton (qui ne prendra son nom final qu'une fois en orbite) est un télescope comportant une triple optique Wolter, technologie qui implique d'avoir des miroirs disposés avec une très faible incidence par rapport à la lumière collectée : chaque « tube » est constitué d'un cylindre avec des miroirs concentriques. Ce qui va d'ailleurs nécessiter quelques choix techniques pour limiter la masse du télescope. A l'origine, la structure des télescopes est en alliage fibre de carbone, mais il a fallu la remplacer par du nickel, plus lourd. La partie télescope est complétée par trois instruments : les trois caméras EPIC (European Photon Imaging Camera), les spectromètres à réseau RGS (Reflection Grating Spectrometer) et le télescope optique OM (Optical Monitor). Ce dernier est là pour donner des informations de contexte. En effet, si déjà XMM-Newton observe une source inconnue de rayonnement X, autant compléter immédiatement avec une information optique pour savoir de quoi elle est issue…
XMM-Newton décolle finalement le 10 décembre 1999 sous la coiffe d'un lanceur européen Ariane 5. Avec ses 3,7 tonnes (dont plus de 530 kg de carburant de manœuvre) et 10 mètres de long, c'est la plus impressionnante des charges utiles de son époque… Et seulement la 4e mission pour Ariane 5, qui joue gros sur cette campagne après un échec et une mauvaise orbite ! Mais le vol a fait l'objet d'une bonne préparation et le décollage se passe bien. L'orbite fonctionnelle du télescope l'embarque entre 7 000 et 114 000 km d'altitude et un cycle constant de 48 heures, qui l'amène à effectuer ses mesures durant environ 40 heures (ce qui permet de pointer le triple télescope pour de longues durées sur les mêmes zones du ciel) puis de communiquer les relevés et les images vers la Terre durant les 8 heures restantes. Plus tard, son orbite sera relevée à 26 000 x 107 000 km.
XMM, un instrument performant
D'abord, une mission extrêmement durable ! Les industriels des années 90 ont fourni un travail exceptionnel, car le télescope est toujours en fonction aujourd'hui, et ce même si l'orbite très elliptique l'ont fait passer régulièrement à travers des couches plus chargées en radiations. Ce sont des milliers d'articles scientifiques qui ont utilisé les mesures de XMM-Newton, seules ou en association avec les relevés d'autres télescopes comme Hubble ou Chandra X-ray. XMM-Newton a notamment observé les sources de rayonnement très faibles des planètes de notre Système Solaire, mais aussi les pouponnières d'étoiles et, bien sûr, les sources beaucoup plus lointaines mais aussi beaucoup plus énergétiques que sont les trous noirs, les étoiles à neutrons, les supernovae.
Particulièrement centré sur les rayons X à faible énergie, XMM a permis des avancées importantes sur les grands nuages de gaz chauds et froids à la fois au sein et en dehors des galaxies. Il a permis de mettre en avant différentes preuves de l'existence de la matière noire et de sa distribution dans l'univers (80% de la masse de ce dernier !), etc… Les avancées astronomiques majeures appuyées ou mises en évidence par un télescope comme XMM-Newton se comptent par dizaines.
Le coup de la panne
Le 18 octobre 2008, alors qu'il devait prendre contact avec la Terre, le télescope XMM-Newton « rate » son rendez-vous avec une antenne au sol, malgré une connexion réussie juste auparavant avec une antenne au Chili. Malheureusement, l'ESA n'arrive pas à établir un échange avec lui. Déjà en extension de mission, presque à la limite de ce qui était espéré pour la durée de vie totale, les équipes s'attendent au pire… Mais grâce à la grande antenne de New Norcia (Australie), un signal faible mais concluant est détecté quelques jours plus tard. Au moins, XMM émet encore !
Il faudra la coopération avec les puissantes antennes du Deep Space Network de la NASA pour réussir à transmettre un message au télescope pour qu'il bascule sur son système de communication auxiliaire. Heureusement, grâce à tous ces efforts, XMM-Newton revient à son plein potentiel. Douze ans et demi après ce hoquet, on peut féliciter cet acharnement, qui aura permis à de nombreux astrophysiciens de faire progresser leurs travaux.
Actuellement, il est prévu que XMM-Newton finisse sa carrière en 2022, voire un tout petit peu plus tard, car son carburant à bord (utilisé en de très faibles proportions pour le contrôle d'attitude) s'épuise, en même temps que le potentiel de ses instruments. Certains éléments qu'il a participé à mettre en lumière (pour ainsi dire) dans le domaine de la matière et de l'énergie noire seront observés par le télescope orbital Euclid… Mais son véritable successeur pour l'ESA n'est en préparation que pour la fin de la décennie, voire le début de la suivante : c'est l'observatoire orbital Athena.
D'ici là, il faudra compter sur d'autres télescopes aux résultats partagés internationalement, comme l'instrument eROSITA qui observe les sources de rayons X mous sur le satellite russe Spektr-RG.