Vue d'artiste du système de la NASA LCRD. Crédits NASA
Vue d'artiste du système de la NASA LCRD. Crédits NASA

C'est l'un des défis majeurs des communications spatiales : réussir à transmettre sur de très longues distances de grandes quantités de données. Les technologies optiques laser portent cette promesse, mais malgré de nombreux essais concluants elles restent complexes et peu utilisées.

Ce sera peut-être une clé pour les satellites et sondes de demain !

Un spoutnik et des lasers

La fin des années 50 ne voit pas naître que les satellites. Sur Terre, dans une suite rapide de progrès, Theodore Maiman crée le premier laser fonctionnel, technologie qui va révolutionner plusieurs domaines au fur et à mesure qu'elle est adaptée à différentes spécialisations… comme le spatial ! Les deux mondes se croisent souvent, comme par exemple pour certains instruments scientifiques (le LiDAR, ça vous dit quelque chose ?). Les capacités des lasers optiques sont rapidement évoquées pour la communication au long cours. En effet, les débits sont sans commune mesure avec les liaisons radio, mais le traitement des données (notamment sur les sondes) mettra du temps pour atteindre une vitesse telle que les liaisons laser soient nécessaires.

Quelques essais de communications optiques ont pourtant lieu très tôt, comme avec la sonde américaine Surveyor-7, qui détecte avec succès la lumière émise par un laser depuis l'observatoire de Kitt Peak en Arizona dès 1968 ! Pour aller plus loin, il faudra attendre 1995, et le satellite japonais ETS-VI (aussi appelé Kiku-6). Ce dernier, qui doit servir à tester un ensemble de technologies sur sa plateforme et de moyens de communications, rate sa mission principale (il n'atteindra jamais l'orbite géostationnaire), mais démontre pour la première fois qu'il est possible de communiquer par laser en émission et réception avec une station à Tokyo.

Schéma de fonctionnement de l'envoi de signaux laser par le satellite ETS-VI. Crédits JAXA
Schéma de fonctionnement de l'envoi de signaux laser par le satellite ETS-VI. Crédits JAXA

Pousser le concept un peu plus loin

A partir de la fin des années 90, plusieurs concepts sérieux ont émergé pour l'utilisation de lasers, qui pourraient amener des gains de débits multipliés de 10 à 100 fois :

  • Pour communiquer avec des sondes très lointaines et améliorer le réseau américain utilisé par les véhicules au long cours, le « Deep Space Network ».
  • Pour transférer d'énormes quantités de données depuis l'orbite basse vers le sol, ou bien vers d'autres satellites en orbite géostationnaire qui les transfèrent ensuite vers un réseau de stations.
  • Pour communiquer à très haut débit entre satellites sans avoir à passer par un relai au sol.

Aucun des trois usages n'est encore majoritaire aujourd'hui, mais des expériences concluantes ont eu lieu, qui laissent à penser que l'usage des communications laser va s'y multiplier. Pour les sondes, l'essai le plus poussé date de 2013 avec la mission lunaire LADEE. Entre fin 2013 et début 2014, le petit véhicule alors en orbite de la Lune teste les échanges avec un laser pulsé nommé LLCD (Lunar Laser Communication Demonstration) qui permet de télécharger les données de la sonde à pas moins de 78 Mo/s ! Les données montantes, utilisant un algorithme de correction pour éviter les erreurs dues à la traversée de l'atmosphère terrestre, sont envoyées à 2,5 Mo/s… Mais là encore, c'est un succès. La NASA est convaincue, mais il y a loin entre cette démonstration et un usage constant de la technologie au cours du temps.

Liens satellites laser et communication géostationnaire, c'est la grande réussite du projet EDRS de l'ESA. Crédits ESA

Les USA ambitieux, mais ça fonctionne déjà en Europe…

Le laser, développé au JPL (Californie), ne reçoit pas le financement promis et les travaux avancent lentement. Résultat : il n'y a actuellement que deux démonstrations menées par le gouvernement américain qui sont prévues dans les années à venir. D'abord le LCRD (Laser Communications Relay Demonstration), qui devrait décoller cet automne avec le satellite du département de la défense STP-3 et qui a pour but de démontrer sur le moyen terme que des communications stables peuvent transiter entre l'orbite géostationnaire et les stations au sol aux Etats-Unis… Bien qu'avec les nuages, il faille une certaine redondance sur le nombre de relais sur Terre. Une autre expérience aura lieu en 2022 pour analyser l'envoi par laser sur de très longues distances, avec la sonde Psyche de la NASA. Cette dernière, qui s'en ira loin dans la ceinture d'astéroïdes étudier ce qui pourrait être une protoplanète métallique, embarque une expérience nommée DSOC (Deep Space Optical Communications), qui enverra un signal laser vers la Terre qui sera déchiffré par l'observatoire Palomar en Californie.

Il ne s'agit encore que de systèmes expérimentaux… Tandis que les communications laser sont déjà entrées en fonction autour de la Terre, grâce aux Européens ! C'est l'EDRS, pour European Data Relay Service, mis en place par Airbus dans le cadre d'un partenariat industriel avec l'ESA, au service des satellites Copernicus, qui en sont pour l'instant les seuls utilisateurs. Les quatre satellites Sentinel-1 et 2 sont en orbite basse, mais peuvent envoyer par laser leurs énormes sets d'images vers l'orbite géostationnaire, où des satellites équipés réceptionnent et renvoient les données vers les bases au sol grâce à des communications « traditionnelles » en bande Ku. Cela permet de télécharger les photographies de ces satellites quasiment durant toute leur orbite autour de la Terre, plutôt que d'attendre qu'ils passent au-dessus d'une station comme celle de Kiruna en Suède (ce qui n'offre en plus que quelques minutes pour transférer un maximum de données).

Un terminal laser du système EDRS. Crédits Airbus Defence & Space

IRDS : Inter-Satellite Data Relay System

Les liaisons inter-satellites laser restent coûteuses aujourd'hui parce qu'elles reposent sur des systèmes taillés sur mesure, et surtout parce que les expériences n'ont permis de produire que des pièces pratiquement uniques. Toutefois, si l'essor des constellations de connectivité internet en orbite basse continue dans les années à venir, celui qui maîtrisera en premier une technologie fiable de liaison inter-satellite détiendra l'une des clés pour un réseau à la fois global, à très haute vitesse et très haut débit. Car aujourd'hui, ces satellites (Starlink ou OneWeb, par exemple) reçoivent les données depuis les antennes au sol et « visent » différents centres qui servent de point d'accès au réseau internet. Avec des liens inter-satellites, plus besoin de centres multiples : une grande partie de l'infrastructure pourrait théoriquement être construite en orbite uniquement… Cela reste une étude de cas aujourd'hui, mais il serait naïf de croire que les équipes de recherche et développement des grands constructeurs et opérateurs de satellites ne planchent pas sur le sujet.

Un réseau inter-satellite, c'est la promesse d'un véritable "maillage" orbital... Crédits inconnus

Le long essor des communications spatiales par laser laissera-t-il sa place à une adoption aussi rapide qu'efficace ?