Tout individu qui vient d'un autre pays et utilise un mobile non japonais dans l'archipel se connecte forcément en roaming au réseau d'un opérateur nippon (très souvent Docomo, au moins temporairement). Le cas échéant la provenance de son mobile est connue et il est de facto repéré en tant qu'étranger. A tort ou à raison, une personne qui entre sur le territoire japonais avec un portable français est perçue comme un individu français (même si un individu d'autre nationalité peut aussi en théorie avoir sur lui un mobile d'un opérateur français).
« A partir des données que nous récupérerons ainsi, nous pouvons obtenir un échantillon suffisant d'individus de différentes provenances et voir grosso modo quelle durée ils passent en moyenne au Japon, dans quelles régions de l'archipel ils se rendent, combien de temps ils y séjournent, etc », explique doctement, carte à l'appui, l'ingénieur.
NTT Docomo déduit par exemple que les Américains arrivent souvent d'abord à l'aéroport de Tokyo-Narita, et trois jours plus tard on retrouve les mêmes à Hakone (près du mont Fuji) où ils passent environ 2 à 3 nuits. Ensuite, ils vont souvent à Kyoto (à l'ouest). Les Sud-Coréens, eux, atterrissent ou accostent plutôt dans le sud-ouest et se dirigent par la suite vers Kyoto puis Tokyo.
Il est aussi possible de faire des observations plus fines : que font les Français qui passent une journée à Tokyo ? Akihabara, Shinjuku, Shibuya, d'heure en heure on peut savoir. Là encore, il s'agit de constats ultérieurs par regroupement de masses d'informations et non d'un suivi individuel en temps réel.
Toutes ces données ne peuvent être recueillies que pour les individus qui allument régulièrement leur mobile étranger là où ils se trouvent. L'échantillon est sans doute imparfait car de nombreux touristes étrangers évitent d'utiliser leur portable dans l'archipel tant le roaming y est coûteux. Ils préfèrent en louer un du Japon ou bien un routeur Wi-Fi. Si bien que les hommes et femmes d'affaires (qui gardent plus souvent leur portable allumé) doivent être surreprésentés.
L'ingénieur précise que NTT Docomo ne travaille que sur « des masses » c'est-à-dire qu'il ne s'amuse pas à tracer des cartes de déplacement pour chaque individu étranger se présentant sur son réseau, mais effectue des regroupements par nationalité (du mobile sinon de l'individu).
Il n'empêche, le recueil de ces données sans que les personnes concernées n'en soient informées, et leur exploitation peuvent susciter des réticences. « Il est possible de téléphoner à nos services et de préciser ne pas vouloir faire partie des statistiques », assure l'ingénieur. Encore faudrait-il que les personnes soient informées de l'existence de cet outil de recueil.
A quoi peuvent servir ces données ? Elles peuvent permettre par exemple aux autorités locales de repenser les circuits touristiques, les moyens d'hébergement et diverses autres choses pour améliorer les prestations et faire augmenter par exemple les nuitées passées par les touristes dans telle et telle région. Cela peut aussi être utilisé pour mieux cibler telle ou telle nationalité en fournissant plus de panneaux d'affichage et d'assistance vocale dans la langue des personnes les plus nombreuses à séjourner à tel ou tel endroit.
Dans un pays où les risques sismiques sont très importants, la connaissance des mouvements des personnes (encore une fois par grandes masses) peut aussi s'avérer utile. A cet égard, NTT Docomo a aussi mis au point un système de quantification des foules (Japonais compris) au fil des heures, outil qui est un bon moyen de simulation des conséquences possibles d'une catastrophe naturelle à un instant T de la journée.
Dans le cas des mouvements de touristes, après tout, on pourrait se dire que les opérateurs de transports et prestataires de lieux d'hébergement seraient plus à même de recueillir ces données. Oui, mais la différence, c'est que le système de Docomo le fait sans impliquer des centaines voire milliers d'intervenants plus ou moins coopératifs, il le fait seul, non sur du déclaratif individuel, mais sur la base de données recueillies automatiquement et classées en catégories qu'il n'y a plus qu'à combiner intelligemment avec des cartes. NTT Docomo assure qu'il ne vend ces données à personne. Elles sont quand même exploitées par les autorités locales et l'administration centrale.