Pour trouver des pépites graphiques et scénaristiques, on peut compter sur Casterman. L’éditeur a le nez pour trouver des auteurs talentueux, et Vincent Perriot en fait partie. Il signe le très beau diptyque Negalyos dont le second tome vient tout juste de sortir.
- Visuellement époustouflant
- Univers surprenant au carrefour de différentes inspirations
- Scénario plus difficile à suivre dans le second tome
Negalyod (2018-2021)
Vincent Perriot
Un air chaud souffle sur une plaine aride. Installé près d’un troupeau de chasmosaures, le berger Jarri envoie des textos : sans trop y croire, il cherche l’âme sœur en écrivant des poèmes pour de potentielles soupirantes. Tous les ingrédients sont réunis pour une journée morne et sans surprise. Mais les choses tournent au vinaigre lorsqu’un tyrannosaure prend pour cible l’une de ses bêtes. Alors qu’il enfourche sa monture pour aller la sauver, il réalise qu’un camion météo fonce sur son troupeau.
Vous pensez que le but de ces camions est de prédire les intempéries ? Certainement pas : il les provoque, et gare à qui se trouve en travers de sa route. Les chasmosaures, eux, succomberont tous au contact du véhicule, et pour Jarri c’est un drame, ces bêtes étant un héritage familial.
Désormais démuni, il n’a plus qu’un but : se rendre en ville, monter dans les hauts quartiers et tuer le responsable de ce massacre.
Fiche technique Negalyod
Type | Bande Dessinée |
Auteur | Vincent Perriot |
Editeur | Casterman |
Genre littéraire | Science-Fiction, Aventure |
« Les chasmosaures sont libres, eux, mais c’est moi qu’ils ont choisi pour les guider… »
Cela vous aura sûrement fait tiquer : hé oui, il y a des dinosaures dans Negalyod ! L’œuvre se situe dans un espace-temps curieux, semblant succéder à une société moderne balayée par plusieurs guerres, mais peuplée de dinosaures. Les chasmosaures font office de bétail, les tyrannosaures sont des charognards, les diplodocus transportent des cargaisons… ils constituent la faune de cette dimension étonnante.
Pour Vincent Perriot, c’est l’occasion de s’amuser graphiquement, et on voit bien que l’artiste s’en donne à cœur joie. Les quelques pleines pages que l’on trouve au fil des deux tomes nous décrochent la mâchoire tant elles sont visuellement percutantes et techniques. Le dessinateur parvient ainsi à faire émerger une cohérence surprenante entre architecture ultra-moderne et animaux venus du fond des âges.
« Déjà l’histoire nous montrait qu’avant nos grands déserts, il y avait des mers aux horizons infinis, et des milliers de rivières aux noms oubliés… »
Le monde de Negalyod a un petit air de Mad Max avec ses dunes à perte de vue. Pourtant l’eau est bien là, piégée dans des tuyaux qui sillonnent la plaine, son accès dépendant de la décision des puissants qui s’en servent comme moyen de pression sur la population.
Graphiquement, si la plaine est un endroit intéressant, le talent de l’auteur atteint son paroxysme quand notre héros arrive en ville. Vincent Perriot dépeint une organisation urbaine où les pauvres habitent en bas, parfois au plus profond des entrailles de la terre, tandis que les riches font leur vie en hauteur. En cela, Negalyod fait aussi penser au manga Gunnm de Yukito Kishiro, qui fait sûrement partie des influences artistiques de l’auteur.
Et puisqu'on parle d'inspirations, comment ne pas évoquer celle du travail de Moebius ! Ce maître de la BD de science-fiction a laissé son empreinte sur la bande dessinée franco-belge, et l’auteur lui rend hommage avec une ligne claire de toute beauté.
« Ouvrir les nuages avec ces engins de mort, c’est faire pleurer le ciel ce qu’il lui reste de larmes… »
Fait surprenant pour un diptyque, les deux tomes de Negalyod sont radicalement différents. Dans le premier, Jarri fait la connaissance de Korienzé, une ingénieure rebelle déterminée à faire tomber l’ordre en place pour rétablir l’égalité. Lorsque le duo parvient enfin à prendre d’assaut la tour dans laquelle les instances dirigeantes du monde sont réunies, ils ouvrent les vannes et l’eau revient en abondance… un peu trop d’ailleurs !
Aussi, alors que le désert est omniprésent dans le premier tome, la mer prend toute la place dans le second volume. La population est réunie sur des embarcations géantes, peu à peu retransformées en petites villes. L’ambiance graphique est donc assez différente mais tout aussi belle, mettant cette fois en scène des monstres marins à faire froid dans le dos.
« Alors, comment ça va en ces temps de fin du monde ? »
Chacun à leur façon, les deux tomes abordent la question de la fin du monde. L'auteur raconte d'abord l’épuisement des ressources et la concentration de la majeure partie de la population au même endroit. On sent le peuple bouillir de colère à l'égard du mépris de ceux qui dirigent et les oppressent. Dans le second tome, l’humanité fait face à une autre urgence : il faut s’organiser rapidement pour survivre sur l’eau, un milieu complètement nouveau pour les personnes qui peuplent cet univers.
D'autant plus qu'une bande de pirates fanatiques a décidé d'utiliser des cadavres comme carburant pour leurs vaisseaux. Convaincus que l’humanité est vouée à disparaître très prochainement, et ils sont déterminés à être les derniers survivants de l'apocalypse.
« Vous avez la garantie de ma protection jusqu'à l’extinction complète de l’humanité. »
Le second tome de Negalyod a un côté plus onirique que le premier : Vincent Perriot semble réfléchir au destin d'une humanité aveugle face à sa fin prochaine, nous livrant un récit passionnant… mais dont il peut être difficile de suivre toutes les intrications. Sur les dernières pages plus spécialement, le récit devient presque métaphorique.
Si vous cherchez un bon récit de science-fiction avec des visuels qui en mettent plein les yeux, c'est vers le premier tome, qui se suffit à lui-même, qu'il faut vous tourner. Et pour faire durer le plaisir, le second volume offre bien sûr son lot de pleines pages graphiquement époustouflantes.
Nostalgiques de la SF en BD façon Moebius, vous adorerez vous plonger dans le monde de Negalyod. L'auteur se nourrit de belles références pour réussir à proposer une œuvre nouvelle. Le scénario du second tome est moins percutant que celui du premier, mais ce diptyque vaut la peine d'être lu en entier.
- Visuellement époustouflant
- Univers surprenant au carrefour de différentes inspirations
- Scénario plus difficile à suivre dans le second tome