Stigma est un projet de longue haleine : né il y a près de six dans la tête de son auteur Quentin Rigaud, l'album vient enfin de débarquer chez Casterman. Un joli pavé de 736 pages sur l’urgence écologique, l’amitié et bien plus encore…
Stigma (2022)
Quentin Rigaud
Stigma, c'est l'histoire d’une équipe pas banale : Frona est humaine, amputée du bras droit et de la moitié du bras gauche ; Atta est extraterrestre, à l’apparence de fourmi géante ; et Senso est un robot flottant au bras extensibles. Ensemble, ils parcourent la galaxie à la recherche de ressources pour le « Centre ». Lors d’une mission sur une planète inhabitée, ils sont témoins d’une étrange attaque de spores mortelles. Une fois sauvée de ce bourbier, l'équipe se pose en catastrophe sur Orchinae… mais le dangereux nuage de spores n’est que le début des problèmes.
« Pour une fois qu’on nous envoie sur une planète déserte, tu devrais profiter de ne pas avoir à surveiller le vaisseau ! »
Dès les premières pages de Stigma, on est interpelés par ce groupe de personnages hors du commun. Frona, d'abord, qui malgré l'ingéniosité de la prothèse remplaçant son membre manquant se retrouve souvent en difficulté à cause de son « bras de secours ». Héroïne atypique s'il en est, elle apporte un vent de fraîcheur en se détachant des personnages stéréotypés de nombre de BD.
Si Senso et Atta sont moins développés, ils apportent tout de même de la légèreté à l’histoire. Et il y en a besoin : abordant des thématiques sombres et des enjeux complexes, Stigma pourrait, sans ça, devenir une œuvre déprimante. Mais ces deux-là se comportent un peu comme des ados : ils se disputent, se passionnent pour les jeux de cartes à collectionner… et cette variété de tons contribue à la richesse de la BD.
« Des spores mortelles se propagent sur la planète ! »
700 pages, c’est beaucoup, mais c’est l’occasion pour l’auteur de prendre le temps de développer son intrigue. Au départ on croit suivre l’histoire d’un groupe voyageant de planète en planète à la recherche d'herbes et de champignons. Au fil des pages, on réalise que toute l'aventure se déroulera sur Orchinae et que les spores sont un enjeu profondément politique.
Stigma c’est donc à la fois un récit d’aventures et de mystères, dans lequel on ne s’ennuie jamais. D’autant plus que le récit est chapitré, un choix salvateur qui permet au lecteur de faire des pauses dans un récit particulièrement dense.
« Tu penses que ceux qui ont attaqué sur Amanite auraient propagé une épidémie… »
Bien sûr le scénario n'est pas sans rappeler le monde réel et les crises actuelles, puisqu’une épidémie mortelle se propage sur Orchinae. Aussi il convient de rappeler que l’auteur travaille sur cette bande dessinée depuis 2016. Par ailleurs, Stigma se veut d'abord être une réflexion l’écologie et ses enjeux politiques. Point de grands méchants ici, mais surtout des individus qui considèrent différemment l’urgence et les solutions envisageables.
Certes l’œuvre est aussi inscrite dans les événements de ces dernières années et la catastrophe sanitaire que nous continuons de subir, mais de fait, la pandémie et l’urgence écologique sont de toute façon intrinsèquement liées.
« C’est une énorme cité bâtie sur une ancienne mine de calcaire nacré. »
L'autre singularité de Stigma, c’est bien sûr le style graphique de l’auteur. En 700 pages, les personnages ont le temps d’explorer une planète aride, des cités atypiques, des déserts immenses, des forêts souterraines, des villes cachées… autant d’occasions pour Quentin Rigaud d’imaginer de nouveaux paysages, leur végétation, leurs peuples et leur palette de couleurs.
L'auteur nous propose une vision de la science fiction décalée des clichés passés : les vaisseaux ne sont pas des monstres de métal, ils sont organiques, dans des couleurs chaudes, tout en rondeurs. Même chose pour les personnages divers et bariolés. Par le trait et la manière de les présenter, Quentin Rigaud suggère en outre que tous, aussi secondaires soient-ils, ont un passé et une histoire à explorer.
« Il nous reste donc 20 jours pour trouver une solution… »
Sacré performance que Stigma pour un premier album. Même si certains passages sont un peu longuets, l’intrigue est bien construite et son dénouement est particulièrement émouvant. L'œuvre reste à lire en plusieurs fois pour vraiment savourer la diversité des mondes que notre équipe de choc découvrira au fil de son voyage.
Stigma est édité chez Casterman.
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