Jeux vidéo : Les joueurs rêvent-ils de moutons dématérialisés ?

Louis-Charles Rostand
Publié le 14 mars 2016 à 12h32
Depuis quelques années, le monde du jeu vidéo est entré dans une période charnière de son histoire suite à l'avènement du jeu dématérialisé appelé à remplacer, petit à petit, le support physique. Une évolution inévitable et sans doute nécessaire, mais qui n'est pas sans conséquences.

Cela fait des années que le milieu du jeu vidéo connaît une mutation sans précédent, du moins pour ce qui est de son ancien modèle économique reposant sur le support physique (cartouche, DVD, etc.), le marché de l'occasion et les boutiques spécialisées. L'arrivée de plates-formes proposant des jeux dématérialisés a changé la donne, sur PC et Mac dans un premier temps, et désormais sur consoles. Aujourd'hui, ce système tend à se répandre avec des effets que nous ne sommes pas en mesure d'appréhender dans leur ensemble, bien que des pistes se dessinent.

Quel avenir pour le jeu vidéo ?

C'est la question que tout le monde se pose. Depuis que les Steam, Blizzard, Origin, Uplay et autres Windows Store sont apparus, le visage du jeu sur ordinateur est transfiguré. En cause, la possibilité pour les joueurs d'acheter leurs jeux directement sur ces plates-formes, sans passer par la case « boutique », autrefois inévitable. Résultat, de plus en plus d'éditeurs abandonnent le support physique au profit d'une diffusion uniquement dématérialisée. Dans les magasins, le rayonnage des jeux PC/Mac s'est réduit comme peau de chagrin, voire n'existe plus, tandis que le marché de l'occasion se résume souvent à des bacs de jeux en vrac dans les boutiques.

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Après les ordinateurs, les consoles sont victimes de la même évolution par le biais du Xbox Live ou du PSN de Sony qui permettent d'acheter des jeux dématérialisés, attachés à un compte joueur. Si les consoles profitent toujours du support physique, de plus en plus d'éditeurs souhaitent franchir le Rubicon et passer au tout dématérialisé. Face à ce nouveau paradigme, les premiers à en payer le prix sont les boutiques de jeux qui doivent se contenter de vendre consoles, accessoires et jeux neufs avec, pour le moment encore, la possibilité de gérer un parc de titres d'occasion, d'où elles tirent leurs principaux bénéfices avec des marges souvent faibles. Une fois que ce marché s'effondrera - si on en arrive au dématérialisé intégral -, les boutiques disparaîtront avec l'eau du bain ! Aujourd'hui, elles semblent donc condamnées à une mort certaine, la vente de produits neufs ne permettant pas de réaliser des marges suffisantes pour survivre.

En 2014, le DREV de l'Hadopi a conduit une grande étude comprenant une phase de cadrage économique et une phase quantitative sur la dématérialisation des jeux vidéo, son impact sur l'offre légale et les usages illicites. Il en a résulté que la croissance du marché du jeu vidéo était majoritairement portée par la distribution dématérialisée : 90% des jeux sur PC sont distribués en dématérialisé, 47 % des joueurs français jouent à des jeux distribués en ligne, et 71% des joueurs en ligne jouent à des jeux en free-to-play, accessibles gratuitement dont une partie du contenu peut donner lieu à un paiement.

Occasion : marqueur de crispation

Si les jeux dématérialisés peinent à s'imposer rapidement sur consoles, c'est que la question du marché de l'occasion reste LE point de tension et de désaccord. L'industrie du jeu vidéo n'a jamais caché son animosité à l'égard du jeu d'occasion pour une raison bien simple : elle ne rapporte qu'à la boutique à l'origine de la vente ! En clair, un éditeur ne touche de l'argent que sur la première vente du produit neuf, le titre revendu d'occasion ne lui rapportant pas un centime.

Durant des décennies, les joueurs avaient pour habitude (qu'importe le support) de financer l'achat d'un nouveau jeu - neuf ou d'occasion - en ramenant en magasin d'anciens jeux. Ces derniers intégraient le marché de l'occasion où d'autres joueurs pouvaient les acquérir à moindre coût, puis les revendre à leur tour et ainsi de suite, jusqu'à ce que la « vie économique » du jeu s'achève. Durant cette période, il pouvait changer de main une dizaine de fois, voire plus : autant de ventes de titres neufs en moins pour les éditeurs !

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Dans ces conditions, le tout dématérialisé est apparu comme la solution idéale : musique, films, logiciels, jeux vidéo, il est de moins en moins indispensable d'avoir une version physique à la maison pour en profiter. Si les plus optimistes mettent en avant des arguments écologiques (moins de déchets, empreinte carbone), un gain de place à la maison ou la possibilité d'avoir ses disques ou ses jeux n'importe où à disposition, ceux qui vivent du marché du jeu vidéo (ou du divertissement en général) savent que leur activité est menacée.

Interview d'un ex-GAMER

Jacques Rochat a commencé à travailler dans la vente de jeux vidéo dans les années 1990, entre la fin du premier Âge d'Or (Megadrive & Super Nintendo) et le début du second initié par la sortie de la PlayStation. Plus de 20 ans après, devenu responsable d'un magasin GAME après avoir occupé des postes similaires chez Ultima ou Addon, il assiste de l'intérieur à la mort d'un des derniers géants du secteur en France, tout en subissant l'avènement de la dématérialisation.

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Clubic Mag : Certains attribuent la fermeture des boutiques GAME en France à la montée en puissance du dématérialisé. Est-il bien une des causes de cette chute ?

Jacques Rochat : Pour être tout à fait clair, la restructuration du marché et la dématérialisation ne sont, en aucune façon, responsables de la fermeture des magasins français GAME en 2013. ABC Game Int. - enseigne européenne ayant son siège social en Angleterre - a subi de lourdes pertes suite à une mauvaise politique commerciale et marketing, mais aussi une mauvaise gestion du stock et de ses avoirs financiers. La crise précipita assurément la disparition de la société, mais elle fut un facteur aggravant plus que constitutif. La dématérialisation du jeu vidéo n'a donc joué aucun rôle à l'époque. Elle touchait principalement l'univers du PC au moment de la fermeture de GAME en France, et le marché du jeu vidéo atteignait des records historiques en termes de bénéfices.

Néanmoins, la dématérialisation a violemment attaqué le marché de l'occasion jusqu'à le mettre à terre ?

La dématérialisation a modifié le paysage vidéoludique avec les années, on ne peut pas le nier. La première étape fut la plate-forme de téléchargement Steam sur PC. Profitant de la réduction de la fracture numérique dans les pays industrialisés, les forfaits téléphoniques et autres box ont vu les beaux jours du téléchargement à grande vitesse. Cela a favorisé l'émergence de Steam et d'autres, comme Origin ou Blizzard. Très rapidement le marché d'occasion du jeu sur PC s'est effondré, contrairement à celui des consoles, qui subsiste encore. Avec la mise en place des codes d'activation à usage unique, plus moyen de revendre ou de racheter un jeu PC d'occasion. Le marché du jeu vidéo sur PC/Mac, historiquement plus ouvert à l'expérimentation et la nouveauté, fut le premier à basculer dans cette économie 2.0 du jeu vidéo, une sorte de banc d'essai. La prochaine étape est la généralisation de ce système à l'ensemble du marché. Mais pour l'heure, si ces plates-formes existent et qu'elles proposent d'acheter et de télécharger un jeu dans la foulée, les éditeurs continuent de proposer leurs triples A en ventes physiques, et donc à même de rejoindre le marché de l'occasion (du moins pour les jeux consoles).

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Les éditeurs ont-ils un moyen de mettre un terme définitif à l'occasion au profit du dématérialisé ?

Pas encore, bien qu'ils y travaillent avec ardeur ! Ce n'est un secret pour personne, depuis quelques années maintenant, les grands éditeurs de jeux ne veulent plus que leurs produits se retrouvent en vente d'occasion. C'est cette volonté qui a amené Microsoft, dans un premier temps, à annoncer en amont de la Xbox One que les jeux auraient des DRM. Mais les joueurs ont massivement rejeté cette politique, poussant Microsoft à se rétracter. Au même moment, il y avait des rumeurs qui laissaient entendre que Sony avait quelque chose de comparable dans ses cartons. Au regard du barouf autour de Microsoft, Sony a choisi de ne rien faire, se rangeant du côté des anti-DRM.

Aujourd'hui est-ce que les joueurs sont prêts à basculer dans l'ère du tout dématérialisé, et comment imaginez-nous l'avenir du secteur ?

Tôt ou tard, ils n'auront pas le choix ! Le Xbox Live, ainsi que le PSN, proposent déjà des jeux dématérialisés avec souvent de très fortes promotions, voire des jeux gratuits si l'on possède un abonnement Gold pour Xbox (Game with Gold) ou PSN+ pour Sony. Electronic Arts, présent sur toutes les consoles ainsi que sur PC, possède un abonnement spécial permettant de bénéficier de nombreux jeux sans les acheter, ainsi qu'un principe « d'Early Access » donnant droit de jouer à certains triples A avant tout le monde, mais ceci uniquement sur Xbox One. Ce phénomène - qui se généralise doucement mais sûrement - pousse de plus en plus de personnes à se tourner vers le démat'.

En ce qui concerne l'avenir, je pense que le jour où les éditeurs voudront faire s'envoler le marché du dématérialisé, et faire exploser le marché classique en tuant du même coup le marché de l'occasion, il leur suffira de baisser un peu le prix des nouveautés et de les proposer en avance d'une semaine ou deux en dématérialisé. Le gros des joueurs exprimera son désaccord dans un premier temps, mais suivra assez rapidement. Cette (r)évolution ne se fera pas en quelques semaines, mais sur un ou deux ans, et verra une modification profonde du système de distribution classique.

Quels sont les avantages et les inconvénients du dématérialisé selon vous ?

Les avantages ? Plus de support qui s'abîme, la disponibilité immédiate même si soumise au temps de téléchargement... Et si les éditeurs jouent le jeu, prix en baisse car moins d'intermédiaires et possibilité de sortie anticipée. Autre atout, sur XboxOne par exemple, il est possible de souder deux comptes différents. On peut ensuite acheter un jeu avec un des deux comptes pour en faire bénéficier les deux !

Du côté des inconvénients, le fait que l'on ne puisse plus revendre son jeu ou le prêter bien sûr, ce qui peut donner l'impression d'un investissement sec. De fait, les joueurs sont et seront de plus en plus exigeants face aux jeux qu'ils achètent, conscients qu'ils ne pourront rien en tirer une fois payés. Autre frein, si la plate-forme de connexion est hors ligne, impossible de jouer, et je n'ose même pas imaginer qu'elle ferme ses portes, engloutissant tous les jeux achetés par un utilisateur ! Avec le support physique, ce problème n'existe évidemment pas.

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Pensez-vous que la disparition progressive du marché de l'occasion va entraîner la fermeture des dernières boutiques, et à quoi ressemblera l'après ?

Tout dépend de comment vont réagir ces sociétés : vont-elles anticiper cette restructuration ? Faire subir une mutation à leur concept de magasins ? Je pense qu'à terme, le nombre de magasins diminuera de façon drastique. Les marges dégagées dans le jeu vidéo neuf ne sont pas énormes, et si on met bout à bout les charges sociales représentées par les employés, les loyers des boutiques en centre-ville ou dans les grandes surfaces, il semble plus que probable que les magasins disparaitront. La mort du marché de l'occasion marquera le début de la fin, et c'est ce que va engendrer la dématérialisation sur la durée.

Après le déluge, nous aurons logiquement moins de magasins. Les survivants feront des ventes spécialisées, proposant des services ou des articles non dématérialisés. Peut-être plus de goodies à l'instar de ce que font certaines enseignes, ou alors des boutiques de marque : Xbox shop, Playstation Shop, Nintendo Shop, à l'image des Apple Stores. Pour l'heure, Nintendo résiste encore aux charmes de la dématérialisation, mais pour combien de temps sachant que les premières brèches apparaissent déjà.

Pour vous, qu'importe ce que l'on en pense, le dématérialisé est donc un horizon incontournable...

Il faudra que le consommateur s'y retrouve, et pour cela il est impératif que le prix des jeux fasse une chute conséquente. Actuellement une nouveauté (Triple A) est à 70 euros en moyenne à sa sortie. Je ne tiens pas compte des promotions de certaines grandes surfaces. À ce prix s'ajoute désormais un lot de DLC, sous forme de Season Pass, à 50 euros en moyenne. Il faut donc compter environ 120 euros pour un jeu estimé comme « complet ». Si dans le même temps, il n'est plus possible de revendre son jeu, la pilule restera difficile à avaler ! Précisons que si actuellement, sur consoles, on peut encore revendre son jeu, ce n'est pas le cas des Season Pass qui restent dématérialisés. C'est là que l'on prend conscience que l'avenir du jeu, nous y sommes quasiment ! Par conséquent, la question n'est plus de savoir si le marché dématérialisé prendra l'avantage ou non, mais quand il le prendra... définitivement !

Changer la donne

Pour le consommateur, cette évolution pourrait être moins dramatique que prévu si, et seulement si, un modèle économique cohérent est adopté. Celui-ci devra s'appuyer sur un accès très haut débit pour que le tout dématérialisé devienne un horizon crédible. Et avec des connexions toujours plus rapides, tout est réuni pour que cela fonctionne.

Ainsi le Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs (SELL), qui étudie chaque année l'industrie française du jeu vidéo sur les aspects marché, consommation et usage, vient de livrer ses conclusions pour l'année 2015, et elles sont surprenantes. En France, le marché physique et dématérialisé représente 2,87 milliards d'euros, soit une croissance de 6% par rapport à 2014. Dans le détail, nous constatons que le software physique PC ne dépasse pas 2% de ce montant, là où le software dématérialisé sur PC atteint les 12% ! Inversement sur consoles, la répartition physique/dématérialisé est en faveur du premier avec 28% contre 14% pour le second. Enfin les softwares mobiles représentent déjà 9% du chiffre d'affaires en France. Au final, nous avons donc un marché du software dématérialisé à 40% (PC + Consoles) que l'on peut associer aux 14% pour les mobiles, tandis que les supports physiques occupent 46% du marché global français : le dématérialisé est désormais quasiment égal au physique si on intègre les jeux mobiles !

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Une des raisons de cette évolution des tendances est le « cloud gaming » (cf. encadré) qui permet de stocker ses données (jeux, films, documents, photos, musiques) sur des serveurs distants. Ces derniers assurent à chacun un accès continu à sa ludothèque, et ce, à partir de divers terminaux (consoles, ordinateurs, box de FAI, smartphones, tablettes, etc).

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Réfléchir à demain

Nous le voyons, après des années de défiance, les mentalités changent doucement grâce à des connexions de plus en plus rapides (la fibre se démocratise, la 5G arrivera à l'horizon 2020) qui favorisent le numérique. Mais les joueurs sont encore nombreux à préférer acheter la version physique d'un jeu, poussant les éditeurs à chercher la solution miracle pour renverser définitivement la table. Celle qui revient le plus régulièrement, chez les joueurs du moins, se situe quelque part entre deux mondes : l'ancienne logique du marché de l'occasion et la nouvelle donne numérique.

Si les joueurs pouvaient revendre sur la plate-forme d'achat (PC ou consoles) leurs anciens titres dématérialisés contre des avoirs, cela permettrait de galvaniser le marché, de contourner leur défiance, et de résoudre le problème des bibliothèques ludiques encombrées de vieux titres auxquels ils ne jouent jamais (synonyme d'argent perdu). Côté éditeur, c'est une gestion simple puisqu'il suffit de supprimer la possibilité de jouer à un jeu revendu, sans entraîner de coût supplémentaire puisque cela reste dématérialisé. Tout le monde serait gagnant dans un rapport de réciprocité.

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Autre piste de réflexion, baisser le prix des jeux de 10 à 20 euros afin que les joueurs investissent plus facilement dans un titre qu'ils ne pourront pas revendre, car contrairement à un film, une série, un disque ou un livre, il est rare qu'un joueur refasse ses jeux à plusieurs reprises (sauf dans certains cas évidemment).

Numérique vs physique

Pour l'heure, la plupart des sondages sur la question du « numérique vs physique », réalisés en France ces derniers mois, démontrent que plus de 70% des joueurs interrogés (en moyenne) plébiscitent la version physique d'un jeu. D'ailleurs, les éditeurs assurent pleinement ce « fan-service » avec, en marge des éditions classiques, la mise en vente d'éditions collector qui offrent plus que le jeu (artbook, statuettes, produits dérivés, éléments de jeu exclusifs...). Reste que si nous nous basons sur l'exemple de la plate-forme Uplay, nous voyons bien qu'Ubisoft s'est aussi largement orienté vers le dématérialisé avec succès. En effet, sur le premier trimestre fiscal 2015 du groupe, le numérique représente pas moins de 56% du chiffre d'affaires. Une belle réussite qui ne fait pas oublier que le marché physique est encore essentiel, même si en diminution constante.

Dès lors, la bataille se poursuit en arrière-plan, en particulier via le principe du cross-buy, qui existe déjà dans la musique où l'achat d'un album physique donne lieu gracieusement à l'acquisition du même album au format numérique. Dernièrement, Microsoft a fait savoir que ceux qui achèteront Quantum Break sur Xbox One auront droit à une copie PC gratuite, sachant que le jeu sera une exclusivité qui ne sera pas proposée sur Steam ! Un phénomène qui n'est pas isolé puisque Sony fait de même avec certains jeux PS3/PS4 que l'on retrouve offerts sur PSVita, ou encore la Xbox One qui associe une partie de ses nouveautés avec des versions dématérialisées de jeux Xbox 360. Autant d'initiatives qui permettent de renforcer les liens entre le compte du joueur et sa bibliothèque dématérialisée qui compte de plus en plus de jeux.

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Le cas OnLive

Reste que le joueur, parce qu'il a encore le choix entre physique et numérique, a le sentiment d'acheter « du vent » en optant pour une version dématérialisée. Outre la question de l'occasion vue précédemment, le numérique implique une confiance aveugle à l'égard de la plate-forme de vente. C'est elle qui est garante que le bien acheté soit toujours accessible, et que le compte de chaque utilisateur sera sécurisé et disponible « à vie ». Une promesse que les plates-formes font tacitement sans aucune garantie de pouvoir la tenir. Le scandale du piratage d'envergure du PSN de Sony ou encore les problèmes avec les accords de licence non reconduits sont là pour nous le rappeler. Difficile donc de promettre l'éternité comme le démontrent avec force les affaires Activision/Marvel et Capcom/Marvel : les premiers ont perdu les droits d'exploitation sur l'univers du second. Conséquence, la disparition de tous les jeux concernés sur Steam, le PlayStation Network et le Xbox Live. Heureusement, les acheteurs des jeux concernés peuvent toujours y jouer via leur compte... pour le moment.

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Le cas OnLive en 2012 fut aussi une affaire à charge contre le principe de la dématérialisation. OnLive était un système de jeu à la demande dans le cloud, avec abonnement donnant le droit de jouer à des centaines de titres sans être propriétaire d'aucun (à l'instar de Netflix aujourd'hui avec les films et séries par exemple). Les jeux étaient synchronisés, rendus et stockés sur des serveurs distants, et délivrés par Internet. Le service était accessible depuis la microconsole OnLive sur un PC, un Mac et même un iPad et certains smartphones. L'intérêt était que même un ordinateur peu puissant, qui devait au moins afficher des vidéos, pouvait être utilisé pour jouer puisque les jeux étaient calculés sur les serveurs OnLive dans un format d'image 720p. OnLive réclamait une connexion de 3 Mbit/s au minimum. Malheureusement, cette société pionnière du cloud gaming a payé le prix de son innovation puisqu'avec 8000 serveurs et 2000 utilisateurs connectés simultanément, la chute était inévitable. En 2015, OnLive fermait ses portes après le rachat de ses brevets par la marque Sony, les clients détenant un abonnement perdant leur investissement.

Boutiques de salon

Malgré toutes ces réserves, et si le jeu dématérialisé n'est pas encore majoritaire - sauf sur PC - il emprunte des chemins de traverse pour s'imposer dans l'inconscient collectif. En cela, les smartphones et les tablettes jouent un rôle essentiel puisque de plus en plus de joueurs exploitent ces supports (et les jeux dématérialisés qu'ils proposent) pour s'adonner à leur passion. Certes, les jeux mobiles sont loin de pouvoir rivaliser avec ce que l'on trouve sur PC ou consoles, mais ils sont un pont dressé entre deux rives.

Dans les années qui viennent, le phénomène du dématérialisé devrait croître pour devenir dominant, c'est en tout cas le souhait des éditeurs et des plates-formes de jeux en ligne : pour le client, l'avantage est qu'il accède de chez lui, immédiatement, au jeu acheté ; que les mises à jour sont automatiques ; qu'il n'a plus à jongler entre une dizaine de DVD et des codes d'activation ; et qu'il n'a plus à se soucier du rangement des boîtes de jeu. Subsiste le problème d'acquérir un jeu qu'il ne pourra jamais revendre...

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Pour l'éditeur, le dématérialisé implique des ventes directes, au même prix que le support physique bien souvent, mais sans les coûts engendrés par ce dernier (pressage, stockage, distribution, etc.) ; le court-circuitage du marché de l'occasion qui plombait les ventes ; une connaissance en temps réel du nombre de joueurs engagés sur un titre ; la possibilité de vendre du contenu supplémentaire en plus du jeu de base (les fameux DLC) ; et bien sûr un accès « direct » aux foyers des joueurs où l'impulsion d'achat est facile à générer.

On pourrait presque parler de bras de fer entre éditeurs/plateformes de jeux et joueurs. Mais les lignes bougent rapidement des deux côtés, et à terme David et Goliath trouveront un terrain d'entente et un point d'équilibre. Reste à savoir qui est David et qui est Goliath, et à quoi ressemblera l'équilibre en question : Press Start.
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