Notre série Science et Fiction s'intéresse aux prouesses technologiques aperçues dans le cinéma, à la télévision ou dans la littérature, et se questionne sur le positionnement, possible ou non, dans la réalité.
Les voitures volantes que l'on peut voir dans Le Cinquième élément, de Luc Besson, sorti en 1997, s'inspirent directement de celles que l'on peut voir dans l'album de la BD Valérian, Les Cercles du pouvoir, sorti en 1994. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard, puisque Jean-Claude Mézière, le dessinateur de la série, a participé à la production du film. Mais si les voitures volantes de Besson sont emblématiques, elles sont loin d'être les seules, notamment au cinéma : Blade Runner en 1982, Retour vers le Futur 2 en 1989, Repo Man en 1984, Judge Dredd en 1994... La liste est très longue.
Dans la plupart des cas, la voiture volante telle que l'imagine la science-fiction est sensiblement la même : il s'agit d'un véhicule à l'esthétique arrondie tout en étant proche de celle d'une voiture roulante. Si son mode de propulsion est rarement détaillé, elle a toujours tendance à s'élever à la verticale d'une manière très fluide. Elle monte plus ou moins haut et circule comme une voiture normale, dans les airs, avec une conduite qui diffère à peine. Plus rapide, la voiture volante est également un moyen d'éviter les bouchons et d'élever symboliquement le héros...
Dans la réalité, la voiture volante est très différente... car elle existe bel et bien, sous la forme de concepts et de prototypes qui volent depuis des années. Cependant, de là à imaginer voir un jour ce type de véhicule sur les « routes », avec les homologations nécessaires, il y a un pas qui ne sera vraisemblablement pas franchi de sitôt. En page suivante, nous vous proposons de découvrir certaines des voitures volantes les plus prometteuses, mais également les limites de la science-fiction qui rendent la réalité parfois bien décevante !
Une voiture volante, c'est quoi ?
Les prototypes et concepts de voitures volantes sont plus nombreux qu'on pourrait le croire... Seulement, lorsqu'on les découvre, on se rend compte que la définition de ce qu'est une voiture volante est finalement très large (voir : La voiture volante, un fantasme bientôt réalité ?). Si l'on prend l'exemple du Transition, développé par l'entreprise Terrafugia, on se retrouve avec davantage un petit avion aux ailes pliables qu'une voiture. « Le Transition apporte un nouveau niveau de liberté, de flexibilité et de plaisir à l'aviation personnelle, en combinant la conduite et le vol dans un véhicule à la pointe » explique le site de Terrafugia. « Etre capable de rouler et de conduire résout non seulement le problème du dernier kilomètre, mais évite aux intempéries d'être un frein au voyage. » Le Transition roule avec la même essence qu'une voiture normale, on peut donc aller faire son plein à la station-service avant de décoller.Mais à la théorie vient se rattacher une pratique un peu plus complexe : s'il suffit de déplier les ailes pour passer en mode avion, il faut disposer d'une véritable piste de décollage pour s'envoler dans les airs. C'est assez compliqué à avoir sous la main. Par ailleurs, bien que les concepteurs du véhicule aient fait en sorte que sa largeur ne dépasse pas celle d'une voiture standard, sa longueur est quant à elle imposante. On se voit assez mal garer le Transition sur un parking avant d'aller faire ses courses. S'il est bien présenté comme un hybride de voiture et d'avion, le Transition est loin de la vision futuriste que l'on a de la voiture volante. Toujours en développement depuis 2010, il aurait cependant déjà été précommandés plusieurs dizaines de fois autour de 155 000 euros.
Des modèles aussi déroutants que le Transition, il y en a à la pelle : on peut citer l'Aeromobil, de l'ingénieur slovaque Stefan Klein, qui peut, comme le Transition, rouler normalement sur une route et voir ses ailes se déplier pour s'envoler depuis une piste de décollage. L'entreprise strasbourgeoise Vaylon mise quant à elle sur le parapente accroché à un buggy léger, propulsé dans les airs par une hélice : il s'agit du Pégase, classé dans la catégorie des ULM avec une double homologation aéro/route. De son côté, le PAL-V Flying Car est un véhicule doté d'une hélice dépliable qui le fait ressembler à un petit hélicoptère, et qui est capable de rouler et de voler à 180 km/h, le tout avec une autonomie de 1 200 km.
Mais ces différents exemples ont tous un point commun : il faut disposer de plusieurs dizaines, voire centaines de mètres pour permettre à ses véhicules de décoller. La propulsion verticale telle qu'on la voit dans les films semble donc bien loin.
L'Xplorair, l'ambition de la propulsion verticale
Michel Aguilar est un ingénieur français, à la retraite depuis 2007. C'est à cette époque qu'il se lance dans la réalisation de « son rêve d'enfant » : la construction d'une voiture volante. Lorsque nous lui avions parlé en 2014, son objectif était simple : proposer un prototype fonctionnel de son véhicule à l'occasion du salon du Bourget 2017. La démarche est toujours dans les tuyaux.A la différence des autres véhicules qualifiés de voitures volantes, l'Xplorair décolle verticalement, et n'a donc pas besoin d'une longue piste de décollage. Pour ce faire, il utilise un système de propulsion nommé Thermoréacteur, développé par l'ingénieur toulousain. « La totalité des avions fonctionnent aujourd'hui selon un cycle thermodynamique à pression constante, grâce au carburant brûlé. On est arrivé à une telle perfection de cette technologie que les progrès sont désormais limités. Il fallait donc passer à un nouveau cycle, et c'est ce que propose le Thermoréacteur, qui réalise une combustion à volume constant » explique Michel Aguilar. « C'est une rupture technologique en termes de propulsion. Le Thermoréacteur a un encombrement tellement réduit qu'il peut être logé dans les ailes du véhicule, et permet une économie de carburant à hauteur de 20%. Ça modifie complètement la conception des avions. »
Les ambitions d'Xplorair s'affinent avec le temps. Néanmoins, la vision globale s'avère toujours la même, et bien que le véhicule puisse rouler, il est tout de même difficile d'y voir une voiture, d'autant qu'Xplorair ne peut compter qu'un seul et unique passager et que les espaces dédiés au stockage d'affaires semblent terriblement limités.
La démarche de l'Xplorair rappelle un autre véhicule présenté durant le CES 2016 : il s'agit de l'EHang 184. Ce quadricoptère à taille humaine s'inspire des drones que son constructeur propose au grand public, d'une taille largement plus modeste. L'EHang 184 décolle également à la verticale grâce à ses 4 grandes hélices et peut transporter un passager avec ses bagages. Tout comme le désire Michel Aguilar pour son Xplorair, il est entièrement automatisé : son trajet se programme via une tablette et l'appareil volant circule dans les airs selon le trajet planifié, guidé par son GPS.
Contrairement à de nombreux modèles évoqués dans cet article, l'EHang 184 n'a pas tardé à recevoir des autorisations pour voler. Après avoir reçu en mai l'autorisation de transporter des organes artificiels - sans personne à bord, donc - il a reçu le mois suivant l'autorisation d'être testé avec des passagers dans le désert du Nevada.
Reste néanmoins un point très important : l'EHang 184 ne roule pas. Il ne peut pas être considéré comme une voiture volante, bien que son petit gabarit et son décollage à la verticale puissent le rapprocher d'un véhicule personnel bon pour éviter les bouchons sur l'autoroute. Il s'agit peut-être d'une piste dont pourrait d'inspirer ceux qui rêvent de concevoir une vraie voiture volante.
Mais à l'heure où l'on commence tout juste à se familiariser avec les voitures autonomes, s'imaginer voler dans une voiture semble encore bien loin. D'autant que les premiers modèles disponibles en précommande sont juste abordables, et demandent de toute façon une logistique compliquée pour être exploitée. Et c'est sans compter sur les spectaculaires premiers accidents, forcément médiatisés : le crash, en 2015, d'un prototype d'Aeromobil 3.0 en Slovaquie avait beaucoup fait parler de lui. Le pilote avait cependant été sauvé par le parachute du véhicule qui s'était déclenché à 300 mètres d'altitude, démontrant qu'il était entièrement fonctionnel. Mais cela suffira-t-il pour pousser les futurs conducteurs dans ces voitures de demain ? Rien n'est moins sûr, et on va probablement fantasmer encore longtemps sur les voitures volantes présentes dans les oeuvres de science-fiction.