C'est le retour des missions habitées depuis la Floride ! Pour la mission Demo-2, deux astronautes vont prendre place au sein de la capsule Crew Dragon.
Petit guide de ce qui va se passer jusqu'à l'arrivée sur l'ISS, 24h après le décollage !
On ne pouvait pas passer à côté d'un tel événement : connectez-vous ce mercredi 27 mai à partir de 19h30 sur notre page dédiée pour suivre en direct la préparation et le décollage de Crew Dragon, commenté par nos experts Arthur Carpentier et Eric Bottlaender. Vous y découvrirez des interviews de l'astronaute Jean-François Clervoy et de Xavier Pasco, docteur en science politique spécialisé dans les stratégies et la géopolitique spatiale.
La préparation arrive à son terme
Ils se préparent à ce moment depuis des années. Douglas Hurley et Bob Behnken ont aidé au développement de la capsule Crew Dragon depuis la sélection de SpaceX en 2014. Leur décollage sur la mission Demo-2 (ou DM-2) est annoncé depuis août 2018... Ils ont eu le temps de s'y préparer !Pourtant, ces derniers mois ont été chargés avec les derniers préparatifs. La NASA a par exemple décidé de changer son fusil d'épaule et d'étendre la durée de leur vol prévu initialement pour quelques jours jusqu'à la fin de l'été. Bob Behnken s'est donc entraîné à de possibles sorties en scaphandre au cours de son séjour sur l'ISS. Il y a eu bien d'autres contraintes à cause de la crise sanitaire liée au COVID-19, ce qui est ennuyeux pour des astronautes perpétuellement en voyage entre la Californie (siège de SpaceX et lieu de préparation de la capsule Crew Dragon), Houston (où sont basés les astronautes NASA) et le Centre Spatial Kennedy en Floride... Mais depuis mercredi dernier, après une période de quarantaine renforcée, ils sont sur place.
Ils ont assisté aux derniers essais du lanceur, aux dernières validations de l'équipe de la NASA. Se sont assis dans leur capsule qu'ils connaissent déjà par cœur. Et ont répété plusieurs fois ce lent compte à rebours... Mais le jour du décollage, ce n'est pas la même chose !
Le jour se lève en Floride...
Après une dernière nuit à Terre (et sans doute un brin de nervosité), ils prendront un brunch au Centre Spatial Kennedy. Ce sera peut-être l'occasion d'inaugurer une nouvelle tradition, puisque Ivette Jones, qui cuisinait depuis 2006 des enchiladas pour les équipages des navettes spatiales, est partie à la retraite... C'est aussi le moment de rencontrer les officiels, de manger avec Jim Bridenstine, leur famille, et peut-être de croiser le chemin de Donald Trump, le Président des Etats-Unis ayant annoncé qu'il participerait à l'événement. Ils iront ensuite se soumettre à une dernière visite médicale avant de recevoir un briefing sur la météo de leur vol, et d'être transférés aux équipes de SpaceX. Viendra ensuite le moment d'enfiler leur combinaison de vol, quatre heures avant le décollage.Tout ceci a été répété des dizaines de fois, jusqu'à leur trajet vers la Tesla Model X qui les embarquera vers le pas de tir après quelques dernières photographies. A un moment encore indéfini, ils prendront la parole pour donner un surnom à leur capsule, reprenant la tradition des astronautes des années 60. Pour l'instant, le secret est jalousement gardé.
Sur le pas de tir
Après un voyage de 13,6 km (oui c'est grand, le Kennedy Space Center), Doug et Bob arriveront au pied de leur fusée. Traditionnellement, ils ont le droit d'en faire un peu le tour pour une dernière inspection avant de prendre l'ascenseur et de grimper environ 50 mètres plus haut. Une équipe complète les attend sur place.A T-2h35, ils auront traversé le bras d'accès vers la capsule et leurs assistants commenceront à les sangler au sein de Crew Dragon. Sous eux, la fusée est encore vide... sauf pour la capsule, dont les systèmes liés au vol et au support vie sont déjà en route et sous pression. Pendant que les équipes seront encore avec eux, les astronautes testeront les communications avec les différents centres au sol, et l'état de leur capsule.
Puis les sièges seront basculés en position de vol et... au revoir tout le monde ! 1 heure et 55 minutes avant le décollage, l'écoutille de la capsule Crew Dragon est fermée. Immédiatement après, tout le personnel présent quitte le pas de tir en bon ordre.
Compte à rebours final
Vous sentez la tension qui monte ? Douglas Hurley (qui « commande » la capsule) et Bob Behnken aussi.45 minutes avant le décollage, l'autorisation est donnée de remplir les réservoirs du lanceur Falcon 9. A peu près au même moment, la passerelle d'accès à la capsule est rétractée et le système d'évacuation d'urgence de Crew Dragon est basculé en mode actif. A partir de ce moment, si un danger important est détecté pour les deux astronautes, les huit moteurs SuperDraco intégrés dans ses flancs peuvent permettre d'évacuer le pas de tir en sécurité en quelques fractions de seconde.
A T-5 minutes, l'ordinateur de bord de la capsule prend le contrôle des opérations de vol sur le pas de tir. Les liaisons et communications physiques avec le sol sont coupées.
A T-1 minute, tous les réservoirs sont pressurisés pour le vol. Passé ce point, Falcon 9 doit être prête à décoller, et les opérations qui ont lieu sont toutes automatisées.
A T-45 secondes, le directeur de vol déclare que Falcon 9 est « Go » pour son lancement.
Le système de déluge, qui inonde la zone sous les moteurs pour éviter une onde de choc sonique, est activé quelques secondes avant l'allumage des moteurs, qui a lieu à T-3 secondes.
Jusqu'à la dernière fraction de seconde, l'ordinateur de bord de Falcon 9 peut décider d'annuler le décollage et d'éteindre les moteurs en cas de problème, sans avoir à évacuer la capsule. Il s'agit d'une dernière sécurité, car pendant leur montée en puissance, les neuf Merlin 1D transmettent des centaines d'informations à l'ordinateur de bord, qui jauge les paramètres et permet ou non au décollage d'avoir lieu.
Le décollage
Les astronautes ont compris à la vibration sous leurs sièges que le décollage avait bien lieu.A T-0, c'est parti, Falcon 9 s'élance vers le ciel.
Quelques secondes plus tard, le pas de tir LC-39A, qui a vu décoller avant eux les astronautes d'Apollo et de nombreux lancements de navettes STS, est derrière eux.
En moins d'une minute, ils vont dépasser le mur du son, et Max-Q, c'est-à-dire le moment de leur vol où la pression atmosphérique est maximale sur le lanceur en fonction de sa vitesse.
Puis en une minute supplémentaire, ils vont passer de Mach 1 à presque Mach 7 !
A T+2m33s, il vaudra mieux que Doug et Bob aient gardé leur ceinture : les neuf moteurs du premier étage s'éteignent, puis le second étage se détache et allume son propre moteur.
Quelques secondes encore et ils auront dépassé la Ligne de Karman. Les deux astronautes seront suffisamment concentrés pour ne pas savoir que le premier étage tentera de se poser sur la barge « Of Course I Still Love You » à peu près au moment où ils profiteront de leurs premières secondes d'impesanteur.
Nous y sommes : T+8 minutes et 47 secondes. Le moteur Merlin 1D spécialement adapté au vide s'est éteint.
Ce n'est que trois minutes plus tard que la capsule Crew Dragon s'éjecte doucement de ce qui reste de sa fusée pour entamer son lent voyage vers l'ISS, qui vole devant eux avec quelques centaines de kilomètres d'avance.
24h vers l'ISS
Quelques secondes après la séparation, avant même que les astronautes soient repassés en configuration « de croisière », le nez de la capsule Crew Dragon se sera ouvert pour révéler le système d'amarrage et l'écoutille avant. Toutefois, le vol sera essentiellement de longues périodes d'attente, ponctuées par plusieurs allumages de moteurs et corrections de trajectoire pour pouvoir rattraper efficacement la station spatiale internationale et passer très lentement sous cette dernière lors de l'approche finale. Les astronautes alterneront entre les séquences de direct, un repos et des repas bien mérités, et les premiers retours d'expérience de leur vol (pour évaluer par exemple l'efficacité des toilettes de bord ou bien gérer une urgence).Après moins de 18 h de vol, Crew Dragon sera en attente à seulement 400 m de la station. Lorsque les autorisations seront données, elle s'en rapprochera par l'avant à très basse vitesse, et patientera une deuxième fois à 220 m. Les équipes internationales et les occupants de la capsule donneront alors le « go » pour l'amarrage.
Lors de l'approche, les astronautes prendront d'ailleurs le contrôle manuel de la capsule (l'amarrage automatisé a déjà été validé lors du vol précédent), mais cela ne devrait pas avoir d'incidence. Enfin, à 20 mètres de la station, après une énième et dernière validation, Crew Dragon viendra s'amarrer à la Station Spatiale Internationale. Les astronautes ne pourront toutefois y entrer qu'environ deux heures plus tard, le temps d'équilibrer les pressions entre les véhicules, de valider les connexions électriques, etc.
La check-list sera longue... Mais le jeu en vaut la chandelle !