Treebal, c’est un peu l’Ecosia de la messagerie instantanée. Animé par un double objectif, protéger à la fois les données personnelles des utilisateurs et la planète, David Godest a cocréé une messagerie éco-responsable amoureuse de la nature. Clubic est allé à sa rencontre.
À l’heure où les messageries électroniques et instantanées sont réputées consommatrices d’énergie, David Godest a eu l’idée de créer Treebal. On parle ici d’une messagerie instantanée, disponible sur Android et iOS, qui présente un double avantage. D'abord, elle plante des arbres : ce n'est pas du greenwashing, mais bien le modèle économique de la messagerie qui réinvestit la moitié de ses revenus dans la reforestation. Ensuite, elle se veut protectrice des données personnelles de ses utilisateurs.
Pour en savoir plus sur ce projet d'origine bretonne, qui ambitionne de planter un milliard d'arbres d'ici à 2030, nous avons discuté avec son créateur David Godest.
Interview de David Godest, cofondateur de Treebal
Clubic : Comment est venue l'idée de Treebal ?
David Godest : L'idée est venue de la génération qui pousse derrière moi, à savoir mes enfants. Il y a un peu plus d'un an et demi, l'une de mes filles m'a demandé si je savais que mon métier (les activités numériques) pollue la planète, et si je connaissais le moteur de recherche Ecosia. J'étais bien embêté car je ne connaissais pas Ecosia, dont le modèle économique est basé sur la reforestation. Tout ça m'a fait réfléchir à l'intérêt d'une plateforme de communication en local, en mode SaaS. Je me suis demandé comment on pouvait proposer quelque chose dans cette lignée, qui permettrait d'embarquer les utilisateurs vers un changement de leurs usages du digital.
Je me suis aperçu que dans les outils qu'on utilise tous les jours dans l'univers du digital, il y a les moteurs de recherche (et la réponse Ecosia), et toutes les messageries instantanées où l'on retrouve nos amis, nos proches, les associations que l'on soutient, tout ce qui touche au monde professionnel. Le phénomène s'est accéléré avec le confinement. L'entreprise que j'ai pu fonder il y a quelques années, Dolmen, a vocation à aider à mieux communiquer en faisant en sorte que les données soient traitées de façon transparente et éclairée pour les consommateurs et citoyens.
"Les messageries sont rentrées par effraction dans le monde professionnel, ce qui pose des problèmes d'efficacité et de sécurité des données"
Nous en avons conclu que la messagerie instantanée était l'un des outils qu'on pouvait utiliser tous les jours pour partager avec ses communautés, ses « tribus » comme on les appelle dans l'application, pour être encore plus près de la planète et pour s'engager à changer, à notre échelle et avec notre tribu de planteurs d'arbres, l'avenir de la planète.
La moitié des budgets issus de l’usage de Treebal est réinvestie dans des projets de reforestation à travers le monde. Cela symbolise le concept de l'application et votre idée de départ ?
Tout à fait. Ce qui est important, c'est d'avoir un maximum d'utilisateurs, à la fois grand public et professionnel. Pour le grand public, la majeure partie des fonctionnalités habituelles des messageries instantanées (envoyer des photos, des messages, des vidéos) est gratuite. Certaines fonctionnalités sont spécifiques au monde professionnel. Pour un utilisateur professionnel, le tarif est de 4€ par mois et par utilisateur. Sur ce tarif, la moitié (soit 2€ par mois) sert à la reforestation, avec des partenaires comme EcoTree, basé en Bretagne, et Planète Urgence, qui nous permet de planter dans d'autres pays.
Avec les messageries instantanées américaines que l'on connaît, on mélange nos vies personnelles, associatives ou professionnelles, et on retrouve ça dans des fils de discussions qui se croisent et qui ne sont pas très efficaces. Les messageries sont entrées par effraction dans le monde professionnel, ce qui pose des problèmes d'efficacité et de sécurité des données. Leur modèle, de ciblage publicitaire, pose problème à plusieurs égards. Quand on est à la tête d'une multinationale issue de l'aéronautique, par exemple, et qu'on travaille sur l'avion du futur, on échange avec un écosystème industriel en Europe et au-delà, et la question de l'utilisation des données transitant par messagerie est cruciale. L'intelligence économique est un véritable enjeu.
"Avec Treebal, on propose une véritable alternative européenne pour sécuriser tout ce qui concerne l'échange des données"
Avec Treebal, on propose une véritable alternative européenne pour sécuriser tout ce qui concerne l'échange des données, puisqu'il n'y pas d'utilisation à des fins publicitaires ni de conservation des données. Globalement, les entreprises européennes, par rapport au changement climatique, ont davantage pris conscience qu'il était possible d'agir concrètement.
A-t-on une idée du nombre d'utilisateurs de Treebal aujourd'hui ?
La version disponible est uniquement grand public, et cela représente plusieurs dizaines de milliers de Français. L'application sera disponible très bientôt dans toute l'Europe, et à partir de cet été au niveau international.
La version professionnelle, elle, sera disponible au début du mois de septembre. On a déjà beaucoup de demandes d'entreprises et entrepreneurs qui souhaitent quitter les messageries grand public comme WhatsApp ou Signal, pour une messagerie européenne qui protège données et planète.
La semaine prochaine, il sera possible de se préinscrire directement pour les entreprises qui le souhaitent. Il y a une vraie dimension BtoB aujourd'hui, avec une prise de conscience du fait que les messageries instantanées sont certes rapides à mettre en place, mais qu'elles sont comparables à donner les clés d'un coffre-fort à quelqu'un qu'on ne connaît pas vraiment.
"Chez Treebal, la seule information dont on dispose, c'est le numéro de téléphone"
Treebal n'accède pas aux messages de ses utilisateurs. Côté chiffrement, on est sur du E2EE (End-to-End Encryption). Quelle est la différence au niveau sécurité entre une application comme Treebal et des applications comme WhatsApp ou Signal, que vous citiez tout à l'heure ?
La première différence, c'est que l'ensemble des données sont chiffrées et stockées en Europe et que la technologie est décentralisée, contrairement à beaucoup d'autres messageries qui sont centralisées.
Le second point, c'est que Treebal ne conserve aucune information concernant les utilisateurs. Si vous envoyez un message depuis Treebal à vos amis, nous réalisons uniquement le transport de l'information, chiffrée, avec une information qui ne fait que transiter très brièvement par les serveurs. Il n'y a pas non plus d'informations de type métadonnées (avec qui vous échangez ? Pendant combien de temps ? A quelle fréquence ?). Si vous vous connectez avec telle ou telle personne, cette information est conservée par nombre de messageries américaines. De notre côté, nous ne conservons ni les données personnelles, ni les métadonnées.
L'application demande pourtant l'accès aux contacts, aux photos et aux vidéos de l'appareil sur lequel elle est utilisée. Quel est l'objectif de cette autorisation ?
Les gens se posent de plus en plus cette question, ce qui est positif car cela signifie qu'il y a une prise de conscience des utilisateurs. Chez Treebal, la seule information dont on dispose, c'est le numéro de téléphone. Il permet de mettre en lien deux utilisateurs. Je rappelle que dans certaines messageries, vous pouvez facilement obtenir le numéro d'une personne que vous ne connaissez pas et la contacter directement alors qu'elle n'a pas donné son consentement, quand sur Treebal cette information n'est utilisée que pour mettre en contact des personnes qui se connaissent déjà.
En outre, le contenu échangé n'est pas présent sur nos serveurs. Images, vidéos et autres documents ne sont présents que sur les téléphones des utilisateurs. Par défaut, les messages sont conservés durant une semaine avant d'être automatiquement supprimés. C'est bien pour l'utilisateur, mais c'est aussi avantageux pour nous : cela libère de l'espace de stockage, et de faire des économies d'énergie.
"On fait en sorte que les arbres qui sont plantés le soient de façon pérenne"
Il faut 250 feuilles en moyenne, sur l'application, pour planter un arbre. Comment gonfler son capital de feuilles, sachant que la seule inscription octroie déjà 10 feuilles à l'utilisateur ?
Ce qu'il faut dire, c'est que ce n'est pas du greenwashing, c'est bien une réalité : avec 250 feuilles, on plante un arbre, en France ou à l'étranger. Nous atteignons déjà les 20 000 arbres plantés grâce à l'application Treebal et à ses utilisateurs.
En plus des feuilles offertes à l'inscription, chaque message échangé dans l'application compte pour une feuille supplémentaire. Dans les semaines qui viennent, quand on aura déployé le partage avec des personnes qui rejoindront la tribu sur l'application, il y a aura une sorte de gamification permettant de gagner des feuilles supplémentaires.
On considère que pour faire quelque chose de positif pour la planète, il faut engager un maximum de personnes. Toutes ne vont pas contribuer de façon équivalente. Aujourd'hui, ce modèle économique fonctionne bien et nous permet de nous assurer que toutes les personnes contribuent à cette plantation d'arbres. Ces arbres sont plantés de façon pérenne, de façon à ce qu'ils vivent des dizaines d'années ; ainsi ils ne contribuent pas seulement à la compensation carbone, mais aussi à la décarbonisation de l'atmosphère.
"Nous avons l'ambition d'avoir plusieurs millions d'utilisateurs à horizon début 2022"
L'application Treebal soutient plusieurs projets en Indonésie, à Madagascar, au Cameroun ou même celui d'EcoTree, dont nous parlions tout à l'heure, avec la forêt de châtaigniers, chênes, douglas et épicéas du Faouët, dans le Morbihan. Cette liste est-elle destinée à s'étoffer ?
Oui, tout à fait. De nombreux acteurs sont venus spontanément vers nous en nous disant qu'ils voulaient contribuer à faire du bien à la planète. Le nombre de partenaires avec lesquels nous allons travailler va en effet s'épaissir. Ces partenaires cherchent des financements, et nous partagerons la moitié de nos revenus avec eux.
L'application n'est aujourd'hui pas dotée d'une fonctionnalité permettant de supprimer son compte. Il faut pour cela envoyer un SMS à un numéro de téléphone dédié. Allez-vous revoir cela ?
C'est une option qui sera intégrée dans les prochaines semaines.
En guise de conclusion et d'ouverture prospective sur l'avenir, est-ce que vous avez des objectifs particuliers en nombre d'utilisateurs, revenus et arbres plantés pour l'année 2021 et pour les prochaines ?
Nous avons l'ambition d'avoir plusieurs millions d'utilisateurs à horizon début 2022. Notre ambition globale, qui est un peu plus lointaine mais qui est importante pour nous, est de faire le maximum, avec nos partenaires, pour planter 1 milliard d'arbres à l'horizon 2030. Et je pense que c'est possible.
Ce qu'il faut savoir :
La messagerie Treebal a été cofondée par David Godest, Samuel Le Port et Sophie Leclercq. Elle est née en Île-et-Vilaine et est développée par la société Dolmen, elle-même créée par David Godest.
31 octobre 2024 à 20h19