Fnac Jukebox : le service de streaming musical face aux poids lourds

Jérôme Cartegini
Publié le 12 mai 2014 à 18h24
Après l'échec de son site de vente de musique en ligne Fnacmusic, le distributeur de produits culturels et technologiques se lance sur le marché du streaming audio avec son nouveau service baptisé Fnac Jukebox. Malgré la concurrence qui fait rage dans ce secteur, l'enseigne compte sur son réseau de magasins et sa notoriété pour séduire les consommateurs, mais est-ce suffisant pour affronter des « vieux » routiers du streaming tels que Deezer, Spotify ou Qobuz ?


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Le streaming audio pourrait bien devenir à terme la principale source de revenus de l'industrie de la musique. Selon la SNEP (Syndicat National de l'Edition Phonographique), le streaming a enregistré une croissance de 4% l'année dernière et représente la moitié des ventes de musique numérique en France. Fin 2013, il y avait 1,4 million de Français abonnés à une offre de streaming payante. Bien qu'aucune plateforme ne soit encore rentable, ces chiffres attisent la convoitise de nouveaux acteurs comme Fnac Jukebox, mais aussi Beats Music, WiMP, ou encore Baboom (le nouveau projet de Kim Dotcom).

Le modèle économique des services de streaming repose presque entièrement sur les abonnements payants qui concentrent 80 % de leurs revenus. Depuis plusieurs années, les deux poids lourds du marché Spotify (6 millions d'abonnés payants dans le monde) et Deezer (5 millions) alignent les mêmes tarifs de 9,99 €/mois pour leurs forfaits illimités et proposent tous deux une offre d'écoute gratuite financée par la publicité. Le « petit » français Qobuz propose de son côté quatre forfaits, dont un à 19,90 €/mois pour une écoute illimitée en haute définition (FLAC non compressé). C'est sur le terrain des abonnements payants que la Fnac lance son offensive en proposant notamment deux formules aux tarifs agressifs, mais aucune offre gratuite.

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Les formules d'abonnements de Fnac Jukebox

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L'offre de la Fnac comprend deux abonnements : 2 €/mois pour une écoute illimitée de 200 titres au choix, et 4,99 €/mois pour un accès complet au catalogue. Les deux formules (sans engagement ni publicité) sont accessibles uniquement à partir d'un ordinateur connecté à Internet. Pour utiliser le service de streaming sur un terminal mobile, il faut ajouter une option de 5 €/mois, soit 7 €/mois ou 9,99 €/mois au total. Sachant que le forfait intégral est au même prix que celui de ses concurrents et que Deezer et Qobuz proposent tous deux une formule illimitée sur ordinateur à 4,99 €, l'enseigne ne se distingue finalement qu'avec son produit d'appel à 2 €.

Une période d'essai de 15 jours (30 jours pour les adhérents de la Fnac) est proposée avec un accès complet au catalogue et option mobile. Pour en profiter, il faut obligatoirement posséder ou créer gratuitement un compte Fnac, mais il n'est pas nécessaire d'enregistrer une carte de paiement. A noter que pour l'instant, le service est accessible uniquement sur le territoire français et les DOM-TOM.

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Présentation du service

Après nos précédents tests de Spotify, Deezer et Qobuz, voici donc venu le tour de Fnac Jukebox. En tant que premier disquaire de France (l'enseigne a écoulé 14 millions de disques en 2013), son entrée sur le marché du streaming suscite beaucoup de curiosité. Nous avons donc décidé de tester son nouveau service en le comparant à ses trois principaux concurrents en France sur les critères suivants : catalogue, qualité d'écoute, ergonomie, fonctionnalités, applis mobiles.

Contrairement à Spotify et Qobuz qui disposent d'un logiciel Mac et PC, Fnac Jukebox est accessible uniquement par le biais d'un site Web (en technologie Flash) et d'applications mobiles pour smartphones et tablettes (Android/iOS). Quels que soient le forfait choisi et le support utilisé, l'enseigne se targue de proposer la même qualité d'écoute avec des titres encodés au format MP3 en 320 Kbps. Pour rappel, Deezer propose un débit fixe de 320 Kbps en MP3 sur 80 % de son catalogue (128 Kbps sans abonnement), et Spotify un débit variable en 320 Kbps en Ogg (96 à 160 Kbps sans abonnement, et 160 Kbps en MP3 sur le Web player).

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Alors que ses concurrents clament fièrement le nombre de titres dont ils disposent (plus de 20 millions pour Deezer et Spotify), l'enseigne s'est contentée d'annoncer plusieurs millions de titres, sans donner plus de précisions. Nous avons interrogé le directeur de la musique de la Fnac, Olivier Garcia, pour tenter d'en savoir un peu plus sur ce point. La raison tiendrait au fait que l'enseigne n'aurait pas terminé les négociations avec toutes les maisons de disques (en dehors des quatre grandes majors) et qu'elle continuerait d'ajouter chaque jour de nouveaux morceaux. D'après le responsable, Fnac Jukebox disposera à terme d'un catalogue tout aussi fourni que celui de ses deux principaux concurrents. A suivre...

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Les spécificités de Fnac Jukebox

+Mon Jukebox : cette première section du menu latéral permet de regrouper tous les éléments que l'on souhaite : albums, artistes, playlists, DigiCopy (voir ci-après). Il s'agit en quelque sorte d'un espace personnel dans lequel on peut stocker ses découvertes pour y accéder rapidement.

  • Éclaireurs : à travers la section « Eclaireurs », la Fnac s'est fixé l'objectif de conseiller les utilisateurs sur Fnac Jukebox un peu comme elle le fait en magasin. Des spécialistes de la musique y divulguent leurs albums et leurs artistes préférés, ainsi que des playlists et des chroniques de leur cru. Les éclaireurs sont principalement des employés de l'enseigne (vendeurs, chefs de produit...), mais il y aussi des labels, des médias spécialisés, des personnalités comme Philippe Manœuvre (alias Philman)...

  • Contenu éditorial : à l'instar de Qobuz, le service propose un contenu éditorial riche issu de ses propres équipes de rédacteurs, de maisons de disques, et du prestataire Music Story (utilisé aussi par Deezer). Accessible sur les pages artistes/albums, il s'agit pour l'essentiel de biographies, de critiques d'albums, d'informations sur les producteurs, etc. Sur ces mêmes pages, différents onglets permettent de visualiser la discographie, les artistes similaires, et les photos des interprètes. Dans le menu de gauche, la section « News » regroupe quant à elle des articles sur l'actualité musicale.

  • DigiCopy : ce service permet d'obtenir des copies numériques des albums CD et vinyles achetés en magasin ou sur fnac.com depuis le 1er janvier 2012. Seuls les albums éligibles (signalés par un pictogramme DigiCopy) selon des accords passés avec les maisons de disques peuvent être transférés sur Fnac Jukebox. Il est possible de les récupérer depuis un ordinateur et de les transférer sur des appareils compatibles (smartphones, tablettes, baladeurs...). Pour rappel, Qobuz propose le même service avec « Qobuz in the cloud », mais sans aucune restriction (sur Fnac Jukebox, il ne s'agit que des morceaux achetés depuis le 1er janvier 2012), tandis que Deezer et Spotify permettent d'indexer votre bibliothèque personnelle respectivement sur le cloud et le client desktop.

  • Achat de musique : bien que la Fnac ait abandonné son site de vente de musique numérique au profit d'un partenariat avec iTunes depuis le mois de janvier 2013, elle offre la possibilité de commander des albums physiques (CD, vinyles...) sur Fnac Jukebox via son site Internet. Pas sûr que cette possibilité intéresse vraiment les utilisateurs.

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Ergonomie du service

L'interface du service reprend les codes couleur bien connus du distributeur. D'un point de vue esthétique, il répond aux canons du genre avec une interface graphique particulièrement proche de celle de Deezer. La disposition des menus se révèle d'ailleurs quasi-identique avec un bandeau supérieur comprenant les commandes (lecture, volume, barre de progression, moteur de recherche...), une zone latérale avec les menus (playlists, news, éclaireurs, radios...) et une zone centrale affichant tous les contenus : albums, titres, biographies d'artistes, etc.

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Fnac Jukebox vs Deezer


Bien que simple à prendre en mains, l'interface manque parfois de fluidité et de cohérence. C'est le cas de l'accès aux playlists qui nécessite par exemple plusieurs clics, là où il n'en faut qu'un sur Deezer ou Spotify. Sur Fnac Jukebox, celles-ci sont en effet regroupées dans la zone centrale au lieu de la barre latérale, ce qui oblige à d'incessants allers-retours pour passer d'une playlist à une autre, visualiser leur contenu, sélectionner un morceau, etc.

Autre détail regrettable, il n'est pas possible comme sur Deezer ou Spotify de faire un clic droit sur un morceau pour accéder à différentes commandes bien pratiques : partage sur les réseaux sociaux, copier l'URL d'un titre, créer une nouvelle playlist, lancer une radio, etc. Sur Fnac Jukebox, un bouton « + » (sur la droite des morceaux) donne accès à des commandes comme « Ajouter un titre à une playlist » ou « Ajouter à la file d'attente » qui varient en fonction de la page sur laquelle on se trouve, tandis que d'autres options de partage et d'achat sont dispersées plus haut.

De manière générale, chaque section -Mon Jukebox, Mes Playlists, Genres, Éclaireurs, Radios, etc.- dispose de commandes plus ou moins différentes, ce qui a tendance à nuire à l'homogénéité de l'ensemble. Exemples parmi d'autres : il est possible d'ajouter des titres à « Mon Jukebox » depuis la section « Genres », mais pas depuis la section « Radios », ou dans un autre style, il faut obligatoirement se trouver dans la zone « Éclaireurs » pour pouvoir partager un morceau via l'option « Ajouter à ma communauté ». Difficile de comprendre pourquoi ces commandes qui mériteraient pourtant d'être accessibles partout ont été ainsi éparpillées. Certaines fonctions comme « lancer une radio à partir d'un titre » manquent cruellement à l'appel.

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Des fonctions perfectibles

Fnac Jukebox est un service encore jeune qui, on l'espère, sera amené à évoluer au fil du temps. Pour le moment, certaines fonctions comme la recherche pour trouver un artiste, un album, ou un titre sont loin d'être satisfaisantes. En saisissant au hasard des noms parfaitement orthographiés comme Eric Clapton ou Sting (rien de très exotique), ces derniers n'arrivent qu'en troisième position. Avec celui d'un album comme « To the sea » de Jack Johnson ou d'un titre comme « Like a king » de Ben Harper, il ne trouve aucune correspondance... A titre de comparaison, Spotify affiche les deux résultats en tête de liste, tandis que Deezer trouve le titre de Ben Harper, mais pas celui de l'album de Jack Johnson. Des interprètes moins connus comme 77 Jefferson ou Regan Perry bien représentés sur les catalogues des deux leaders du streaming sont introuvables sur Fnac Jukebox.

On regrette également le manque de choix de la recherche par « Genres » musicaux. World, reggae, BOF (bandes originales de films), dance, country ou encore pour les enfants répondent aux abonnés absents, dommage. Gageons que l'enseigne rectifie rapidement le tir comme elle l'a fait pour les radios thématiques qui étaient limitées au départ à une écoute de cinq morceaux par heure. Fort heureusement, cette limitation a depuis été levée.

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Les applications mobiles

En souscrivant à l'option Mobile, il est possible de profiter de Fnac Jukebox sur les smartphones et les tablettes (Android et iOS). A noter qu'une application spécifique aux tablettes sera lancée dans les prochaines semaines, car il s'agit pour l'instant d'une version pour smartphone dont on peut agrandir l'affichage.

A l'usage, l'application se révèle plutôt agréable et intuitive. Il suffit de glisser le doigt de droite à gauche ou inversement sur l'interface pour accéder à un menu regroupant les principales fonctions : paramètres, recherche dans le catalogue, radios thématiques, gestion de listes de lecture, genres musicaux, etc. Pour écouter de la musique en mobilité sans connexion Internet, l'application comprend un mode hors connexion permettant de transférer (en Wi-Fi ou 3G/4G) des morceaux en local sur le terminal. Étrangement, deux qualités d'écoute, « Normale » ou « Haute », sont proposées en mode hors connexion, mais pas lorsque vous êtes connecté au réseau mobile, comme sur l'appli de Spotify.

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La version mobile pour smartphone fait l'impasse sur les fonctions les plus innovantes du service Web. C'est le cas des pages consacrées aux artistes/albums et de leur contenu éditorial, mais également de la section « Éclaireurs » (seuls les éclaireurs enregistrés au préalable sur le Web sont listés dans la partie « Mes éclaireurs »). Un choix surprenant, d'autant que la version pour tablette promise d'ici quelques semaines sera la réplique exacte du service Web avec l'intégralité de ses fonctionnalités.

Fnac Jukebox sur iPhone
Fnac Jukebox sur iPhone
Fnac Jukebox sur iPhone
Fnac Jukebox sur iPhone
Fnac Jukebox sur iPhone
Fnac Jukebox sur iPhone
Fnac Jukebox sur iPhone


Conclusion

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En tant que premier disquaire de France, la Fnac compte bien peser de tout son poids sur les maisons de disques pour proposer des contenus exclusifs sur son service de streaming. Depuis son lancement, le distributeur a présenté en avant-première les albums de Metronomy, Jean-Louis Aubert, Kylie Minogue, etc. Mais même sur ce terrain-là, il se trouve confronté à la montée en puissance et au rayonnement international de Spotify et Deezer qui multiplient eux aussi moult exclusivités : sessions live, albums en avant-première, playlists et commentaires d'artistes, etc.

En ce qui concerne l'aspect purement technique, Fnac Jukebox devra fournir encore de gros efforts pour se hisser au niveau de ses concurrents. Le manque de pertinence de son moteur de recherche et les incohérences ergonomiques ne plaident vraiment pas en sa faveur. Il s'agit toutefois d'une toute première mouture, et l'enseigne promet d'améliorer très rapidement l'interface de son service. Des accords ont également été signés avec Bose, Sonos et Samsung, visant à proposer un accès à Fnac Jukebox sur leurs produits multiroom. Un critère indispensable pour concurrencer Deezer et Spotify déjà présents dans les produits hi-fi, les systèmes embarqués des voitures, ou encore les écrans TV.

On apprécie particulièrement le contenu éditorial (en français) de qualité comme on en trouve sur Qobuz et dans une moindre mesure sur Deezer. A condition qu'elle se développe, la rubrique « Éclaireurs » est sans doute celle qui caractérise et différencie le mieux le service de la Fnac. Il faudrait toutefois qu'elle soit mieux structurée avec un affichage systématique des genres musicaux abordés par les prescripteurs, ce qui n'est pas toujours le cas. Reste qu'en l'état actuel, ses chances d'imposer son service sur le marché du streaming nous semblent bien minces. L'enseigne, qui cible avant tout les internautes non initiés au streaming, aura sans doute bien du mal à les convaincre avec un modèle économique à contre-courant, basé uniquement sur des formules payantes...
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