Pour moins de 10€/mois, la plupart des plateformes de streaming musical donnent accès à des millions de titres. 10€, c'est à peine le prix d'un CD d'une quinzaine de titres... Dès lors, combien peuvent espérer gagner les artistes qui tentent l'aventure du numérique ? Voici quelques éléments de réponse.
Spotify, Deezer, Apple Music... Une poignée d'entreprises se partagent le juteux marché du streaming musical et présentent d'importants résultats financiers (pas toujours à l'équilibre !). Mais combien rémunèrent-elles les artistes qui font vivre leurs plateformes ?
Streaming musical : un marché qui explose
En 2006 naissait Spotify, un service d'un nouveau genre. La proposition : écouter de la musique de façon illimitée contre un abonnement d'une dizaine d'euros. Ou gratuitement, mais avec de la publicité.Avec la commercialisation du premier iPhone en 2007, ce nouveau mode d'écoute connait vite un succès fulgurant. La France tente même l'aventure avec Deezer la même année, suivi par divers concurrents dont les GAFAM.
La concurrence est rude, mais la demande réelle, au point que le marché de la musique reprend du poil de la bête. En effet, la musique va mal : depuis 2002, les revenus du secteur musical français ne cessent de chuter. Ils passent de 1302 millions d'euros en 2002 à 426 millions en 2015. Le piratage est souvent pointé comme le responsable de cette chute.
Mais ces dernières années, la musique a de nouveau le vent en poupe. Le marché des smartphones a explosé en une décennie, et le streaming musical est entré dans les mœurs. Il représente à lui seul pas moins de 26% des revenus de la musique française en 2016. Mais le marché physique ne tire pas sa révérence pour autant. Les bons vieux vinyles connaissent en effet un regain d'intérêt ces dernières années. C'est malgré tout insuffisant pour relancer le marché de la musique physique.
Le numérique est-il donc la solution idéale ? Représentant un tiers du marché de la musique, il semble bien que le streaming soit un atout pour relancer une machine musicale essoufflée.
Des artistes sous-payés et de grosses pertes financières
Qui dit nouveau mode de fonctionnement, dit nouveau mode de rémunération. Si auparavant la rétribution des artistes était proportionnelle aux ventes d'albums physiques, ces derniers ont dû s'adapter aux règles du numérique.Si le calcul de la rémunération des plateformes de streaming musical reste obscur, plusieurs artistes n'ont pas tardé à faire savoir leur mécontentement, en particulier auprès de Spotify. En cause : des revenus ridicules, surtout pour les auteurs indépendants les moins connus.
En 2014, l'Adami - l'organisme de gestion des droits des artistes français - calculait que sur un abonnement mensuel de 9,99€, les artistes écoutés se partageaient... 0,46€ seulement ! Face à la grogne, Spotify avait d'ailleurs révélé en 2013 les sommes reversées aux utilisateurs de sa plateforme : entre 0,006$ et 0,008$ par morceau écouté.
Pourquoi donc les revenus sont-ils si bas ? Tout simplement parce que chaque service de streaming musical fonctionne selon un pourcentage simple : le nombre de morceaux écoutés d'un artiste par rapport au nombre total de morceaux écoutés par l'ensemble des utilisateurs du service. On voit vite qu'une Rihanna aura plus de chances de percer qu'un obscur groupe indépendant...
Plus grand, plus radin ?
Il s'agit là de la théorie, parce qu'il s'avère vite que les plateformes les plus visitées ne sont pas forcément les plus rémunératrices. Les utilisateurs préfèrent les services gratuits, YouTube en tête.D'après une étude menée par le site Information Is Beautiful, le célèbre service vidéo de Google a la côte, totalisant plus d'un milliard de visiteurs en 2017. Mais les revenus sont inversement proportionnels : seulement 0,0007$ par morceau diffusé. Ouch !
Au final, les plateformes les plus rémunératrices sont aussi les moins populaires. Avant son abandon, Groove Music de Microsoft reversait pas moins de 0,027$ par écoute. Mais avec seulement 0,65% de parts de marché, le géant de Redmond a vite abandonné la partie, au grand dam des artistes.
Tidal, racheté par Jay-Z, fait aussi de beaux efforts avec une somme de 0,0125$ par morceau streamé. Mais la plateforme accuse de sérieux soucis d'argent ces dernières années, laissant planer le doute sur son avenir.
Apple Music et Google Play Music, détenus par les géants américains bien connus de la tech, reversent respectivement 0,0074$ et 0,0068$ aux artistes plébiscitant leurs services.
Au final, la plateforme la plus généreuse actuellement est Napster avec 0,019$ pour chaque morceau écouté. Mais avec seulement 5 millions d'utilisateurs, le service est loin de rencontrer autant de succès que ses homologues implantés depuis plus longtemps sur le marché.
Il faut aussi préciser que chaque année, les géants du streaming musical accusent de grosses pertes financières. Spotify perd ainsi 426 millions de dollars annuellement. YouTube, malgré son milliard d'utilisateurs, est déficitaire de 174 millions de dollars par an. Et ainsi de suite, aucun service de streaming n'étant rentable actuellement...
Le streaming doit-il être repensé ?
Pour espérer vivre du streaming musical, un artiste doit donc batailler ferme. Les gains potentiels sont très limités, les indépendants sont rarement mis en avant et à moins de générer des millions d'écoutes, il semble impossible de vivre décemment de la musique numérique...Malgré tout, le streaming musical a relancé un marché en chute libre depuis des années en bouleversant radicalement notre façon d'écouter la musique. Un simple smartphone, une connexion Internet et nous sommes partis pour des heures d'écoute.
Tout n'est donc pas à jeter dans le streaming. Certains artistes n'ont même que cette façon pour se faire connaitre. Il semble cependant que le système doive être repensé afin de ne pas léser la création musicale.
Face à la grogne des artistes, le français Deezer a ainsi lancé des réflexions avec la Sacem afin de revenir à un mode de diffusion proche de ce qu'on trouvait à la belle époque des CD. Les auteurs seraient ainsi rémunérés proportionnellement aux titres écoutés, et non pas par rapport au taux d'écoute total d'une plateforme.
Le chemin risque malheureusement d'être encore long pour trouver le bon équilibre entre une juste rémunération des artistes et la bonne rentabilité des plateformes de streaming.