Bataille des technologies : iBeacon va-t-il détrôner le NFC ?

Jean-Pierre Soulès
Publié le 27 mars 2014 à 12h54
Dans le domaine des communications de proximité sans contact, NFC semblait régner sans partage. Or Apple n'a jamais adopté cette technologie et répond avec iBeacon, un système qui s'appuie sur Bluetooth 4.0 basse consommation. De quoi semer le doute dans plusieurs secteurs, notamment ceux du commerce et les banques. Mais la bataille entre ces deux technologies ne fait, semble-t-il, que commencer.

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iBeacon, comment ça marche?

Comme souvent, Apple fait bande à part. Alors qu'un consensus se dessine autour de NFC (Near Field Communication) comme la norme de fait des communications de proximité sans contact, la marque à la pomme a annoncé une autre solution : iBeacon. Elle est intégrée dans iOS 7 et elle est compatible avec les iPhone 4S et suivants.

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NFC et iBeacon se basent sur des technologies de transmission différentes. NFC utilise le RFID (Radio Frequency IDentification), système entièrement passif, qui limite sa portée à quelques centimètres. Pour qu'un marqueur fonctionne, un lecteur, un smartphone par exemple, doit fournir à distance de l'énergie à une étiquette placée en rayon ou sur un produit.

Pour sa part, iBeacon s'appuie sur Bluetooth 4.0, ratifié en 2011, également connu sous le nom de Wibree. Depuis ses débuts laborieux au milieu des années 90, Bluetooth, au fil des versions, a fait des progrès considérables. Cette dernière version baptisée Bluetooth BLE, basse consommation, assure à la balise (Beacon) une autonomie d'au moins un an avec une simple pile bouton pour montre. Apple l'a retenue pour son offre iBeacon. BLE porte à une cinquantaine de mètres au maximum. C'est ce qui fait toute la différence avec NFC et ouvre des perspectives beaucoup plus larges.

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La fonction de base de l'iBeacon porte sur la localisation intérieure. La balise émet en permanence un signal qui lui est spécifique. A la réception de celui-ci, le terminal compatible sait avec quel Beacon il est en contact et estime la distance en fonction de la puissance du signal reçu. Par triangulation, on arrive à une précision supérieure à celle d'un GPS utilisé en extérieur.

Pour guider le client, connaître la règle des trois zones

Les promoteurs de cette technologie définissent trois zones, chacune étant propice à un type d'application. Dans la première zone, dite « Immédiate », inférieure à 50 cm, et même de quelques centimètres, selon Apple, la localisation est très précise et les usages se rapprochent de ceux de NFC, par exemple pour le paiement.

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Mais iBeacon est un système actif : dès que la balise a détecté et localisé précisément un récepteur compatible, elle peut envoyer des informations sur un produit situé à proximité de l'utilisateur, sans que ce dernier n'ait à intervenir. Dans un autre domaine, celui de l'hôpital, l'arrivée d'un médecin auprès du lit d'un patient déclenche l'affichage du dossier médical de celui-ci sur la tablette du praticien.

La deuxième zone, dite de « proximité », s'étend sur quelques mètres. On utilise alors surtout les notifications via le mode « push » : par exemple pour informer le client des offres sur une gamme de produits placés dans un rayon proche de lui; ou encore pour guider le visiteur vers sa place dans un stade ou une salle de spectacle.

CRM, accueil personnalisé...

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Dans le même esprit, il permet d'aider un voyageur, dans une gare ou un aéroport, à trouver le bon quai ou la porte d'embarquement. Enfin, dans la troisième et dernière zone, dite « éloignée », la localisation est imprécise. Dans un magasin, par exemple, on saura qu'un client approche, mais on ne lui enverra que des informations générales, telles qu'un message de bienvenue ou une liste des promotions.

Toutefois, on peut encore aller plus loin. Si, par exemple, une chaîne de magasins, de restaurants ou d'hôtels développe une application spécifique, et si l'utilisateur l'a lancée, alors l'accueil sera personnalisé. Ses précédentes visites auront été enregistrées dans une base de données. Dès que le client franchit le seuil d'une enseigne, un choix de nouveaux produits en rapport avec ses anciens achats s'affiche. Il en va de même au restaurant où l'application lui suggérera des plats à la carte se rapprochant de ses commandes antérieures. Ou encore, à l'hôtel, une offre similaire à son précédent séjour lui sera proposée.

Autre exemple : si un client a dressé sa liste de courses sur l'application développée par sa grande surface favorite, cette liste se réorganise automatiquement en fonction des rayons qu'il traverse, sans qu'il ait besoin de les chercher.

Apple, Paypal : ces géants qui roulent pour iBeacon

L'un des tout premiers utilisateurs d'iBeacon est Apple lui-même qui en dote ses 254 magasins outre-Atlantique, dès la fin 2013. Les balises iBeacon sont des iPhones ou des iPad, les équipements iOS jouent ainsi les deux rôles (émetteur et récepteur). La grande distribution s'y est mise à son tour, notamment les cent magasins de la chaîne American Eagle à travers le pays, ainsi que les galeries commerciales Macy's de San Francisco et de New York.



iBeacon a aussi traversé l'Atlantique et s'est installé au musée Rubens d'Anvers (Belgique) et au Parc de la Tulipe, aux Pays-Bas. En France, il a fait son entrée dans la grande distribution chez Auchan, à Lille, début 2014, avec la collaboration de Phoceis, dans le cadre du projet New Shopping Experience du Picom. Quant à PayPal, il marque nettement son hostilité à l'égard de NFC, ayant requalifié le sigle : « Not For Commerce ».

En revanche, la société de paiement en ligne s'intéresse à la technologie iBeacon, avec sa solution PayPal Beacon. Un petit dongle USB, contenant une puce Bluetooth 4.0, est inséré dans l'ordinateur du commerçant. Le client doit avoir téléchargé l'application PayPal. Lorsqu'il s'approche pour payer, le smartphone est détecté par iBeacon et le paiement peut s'effectuer.

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Apple n'est donc pas seul face au consortium NFC. Cependant, la bataille sera rude pour que iBeacon s'impose, car la solution rivale est largement déployée et disponible en standard sur de nombreux terminaux, sauf ceux d'Apple. Les applications ne manquent pas non plus.

Parmi elles, on peut citer : le paiement, soit en utilisant une carte bancaire sans contact, soit un smartphone sur un terminal de paiement adapté, les titres de transport dématérialisés, les coupons de réductions ou points de fidélisation, le démarrage d'un véhicule de location, le contrôle d'accès à des locaux, les échanges de profils entre 2 utilisateurs (le beam qui existait en IRda).... D'ailleurs, Orange, qui reste muet sur le iBeacon, vient d'annoncer Tag Pro, un service NFC destiné aux professionnels et aux TPE.

Le NFC occupe déjà le terrain

Il ne faudrait donc pas enterrer trop vite le NFC. D'abord, en raison de son large déploiement dans le commerce, les sociétés de transport, les banques... En France, on recense déjà 17 millions de cartes à puces NFC. Dans ce domaine, cette solution a une bonne longueur d'avance. Quelques observateurs imaginent même, qu'un jour, Apple pourrait se rallier à cette technologie, faisant observer qu'il fait partie depuis longtemps du consortium NFC et qu'il lui faudra bien y venir s'il veut séduire le marché chinois (en particulier China Mobile, qui a fait le choix de la technologie concurrente).

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En outre, on peut se demander si les balises iBeacon seront ouvertes ou non, Apple jouant souvent la carte « propriétaire ». Enfin, se pose la question de la gestion de la vie privée mise en œuvre dans iBeacon. La position de la CNIL, ainsi que celles de ses homologues européens, est à prendre en compte.

Comme dans beaucoup de domaines, où des technologies concurrentes coexistent, iBeacon et NFC pourraient se partager le marché, chacune d'elles ayant des spécificités les destinant plus à un type d'usage que sa rivale. D'autant que d'autres terminaux que ceux animés par iOS intègrent Bluetooth 4.0 : cette technologie se trouve également en standard sur Android depuis la version 4.3.

Reste à savoir si l'utilisateur verra d'un bon œil, une fois l'application lancée et le tracking accepté, que tous ses déplacements dans le magasin et ses achats soient transmis au commerçant. En somme, acceptera-t-il d'être traqué comme un gibier.
Jean-Pierre Soulès
Par Jean-Pierre Soulès

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