Un tour dans un petit commerce, un centre commercial ou un restaurant suffit à s'en convaincre : le smartphone n'est pas encore un moyen de paiement comme un autre. Considéré par nombre d'acteurs de l'écosystème comme prêt à remplir cette fonction, le terminal mobile tarde à s'installer dans les usages. « Les solutions sont disponibles depuis longtemps, mais le nombre de transactions reste encore faible » explique Albert Galloy, responsable marketing et innovation chez Visa Europe. « Malgré tout, le décollage du paiement par smartphone reste lent ».
En la matière, la France se place largement derrière des pays comme la Grande-Bretagne ou l'Espagne. Ces pays comptent respectivement 800 millions et 600 millions de transactions. Donc, bien loin des 130 millions de transactions de la France. Sans parler de sempiternel « retard », la situation française s'explique, notamment, par la présence d'une carte bancaire toujours bien vivante et encore largement utilisée par ses possesseurs. « La carte bancaire reste un produit fiable, elle fonctionne à 100% ».
Le smartphone ne propose pas aujourd'hui les mêmes garanties aux yeux des utilisateurs, ni aux yeux des acteurs de la chaîne de paiement. « Si on propose un autre produit, il faut être certain que ce produit fonctionne bien et partout », poursuit-il. Les premiers retours sur le terrain ne semblent, pour le moment, pas vraiment contredire Albert Galloy.
Combattre la fragmentation
Sur le plan technologique, une réponse a été apportée à la question de la fragmentation du « parc » de terminaux. De nombreux éditeurs de solutions déclinent désormais leurs applications pour les possesseurs de smartphones en version iOS et Android. Les acteurs de la chaîne de valeur ont mis en place différentes initiatives pour faciliter le paiement mobile. Orange Cash est l'une des dernières en date. La solution de l'opérateur, permet, grâce à une application, de payer ses courses dans des points de vente équipés d'un terminal de paiement compatible NFC.L'effort, remarquable, pourrait cependant ne pas suffire tant les freins sont nombreux. Albert Galloy en voit encore un certain nombre : « Les gens ne sont pas encore assez technophiles. De fait, la population susceptible d'adopter ce genre d'usage reste encore faible ». Pour le responsable, le vrai décollage du paiement via les smartphones ne devrait pas intervenir avant 2019.
Pratique mais long
Le paiement mobile s'installe cependant peu à peu sous nos latitudes. Plusieurs commerçants de petite taille se sont dotés, au cours de ces derniers mois, de solutions pour encaisser les paiements en sans contact avec les smartphones. Au Pousse Café de Boulogne-Billancourt, un serveur, interrogé sur le paiement avec smartphone, estime qu'il est « pratique mais long ». « Si dix clients veulent payer avec leur smartphone et qu'il faut une minute par personne c'est beaucoup trop long ». Ce restaurant a choisi d'installer la solution développée par le Crédit Mutuel : Fivory.« Le paiement sans contact est un vrai gain de temps », juge quant à lui Arnaud Parenti, cofondateur de Oh My Kitchen. « De fait, ce sont plutôt les utilisateurs avant-gardistes qui utilisent ce type de service. (...) Chez nous, le paiement par smartphone représente une transaction sans contact sur cinq ». Même son de cloche dans la boutique « L'heure du Thé », gérée par Sophie Graesslin. Cette dernière considère le paiement sans contact par smartphone comme « très pratique ». Chez ces deux derniers exemples, une constante apparaît cependant : les paiements sans contact avec le smartphone restent encore rares. Pour Sophie Graesslin, l'explication est simple : « Les utilisateurs ont peur qu'on leur vole leur données ».
Un tableau contrasté pour les grandes enseignes
Dans les grandes enseignes, le tableau est très contrasté. Parmi les entreprises contactées, une partie d'entre elles ont tout simplement refusé de s'exprimer. D'autres ont, en revanche, confirmé qu'elles travaillaient bien sur la question sans pour autant permettre à un porte-parole de fournir davantage de détails sur la stratégie de l'entreprise en matière de paiement avec les smartphones.Ainsi, chez Carrefour, une porte-parole a indiqué que l'entreprise « ne s'exprime pas sur ce sujet ». L'enseigne Monoprix a déployé « depuis le mois de février » Orange Cash dans ses différents magasins. « Pour le moment, nous ne faisons aucun commentaire sur ce chantier », a indiqué une source qui a demandé à rester anonyme. « Quand il y aura des déploiements, nous en reparlerons. Nous n'en sommes qu'au début du mouvement ». Chez Leclerc ou Système U, il n'a pas été possible, non plus d'avoir des informations sur le paiement avec smartphone.
L'exemple de Casino est quant à lui plus surprenant. La chaîne Casino avait déployé, il y a plusieurs années déjà, le paiement sans contact par smartphone dans l'une de ses boutiques parisiennes. « Les clients étaient satisfaits » assure, une salariée de l'entreprise. « Nous étions les seuls à le faire. Les clients venaient de loin pour essayer le paiement sans contact dans notre magasin ». Casino a, selon cette même source, fini par mettre fin à l'expérience, sans la généraliser dans son réseau de boutique.
Difficile, à travers ces différents exemples de tirer une conclusion. De l'avis général, le paiement à l'aide du smartphone deviendra bien, dans un futur proche, un outil de paiement supplémentaire dans les mains des utilisateurs. Personne n'est en mesure de dire quand.
A lire également