Uber, Amazon : de l’emploi mais un risque sur les conditions de travail ?

Olivier Robillart
Publié le 25 octobre 2015 à 11h55
Uber et Amazon sont pris en exemples comme d'importants pourvoyeurs d'emploi. Leurs services proposent des tâches répétitives, parfois sans réel contrat de travail. De quoi nourrir les craintes des spécialistes.

Uber et autres services de véhicules avec chauffeurs ou même Amazon, lors de périodes de forte activité, sont perçus comme d'importants pourvoyeurs d'emplois. Dans une optique de transformation de leur activité, d'autres secteurs sont également touchés par l'émergence de concurrents et doivent prendre des mesures, en fermant des agences (bancaires) ou des centres d'accueil du public.

Face à ce phénomène d'ampleur mondiale, les spécialistes s'interrogent afin de déterminer si la multiplication de ces activités peut, ou non, conduire à des créations d'emplois fixes. Organisations du travail, spécialistes en gestion des ressources humaines et institutions tentent de répondre à la question avec une inquiétude en trame de fond.

Celle de voir les entreprises concurrentes s'adapter avec difficulté à ces changements ou, pour les plus pessimistes, d'anticiper la disparition d'un modèle social. Une modification des paradigmes dont certains rapports affichent déjà les conséquences, à savoir une porosité plus grande entre le temps de travail et la vie personnelle.

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Un « contournement » des protections sociales

Pour l'Ugict, la CGT des Ingénieurs, Cadres et Techniciens, le risque sur l'emploi est avéré. Le syndicat s'inquiète de la poussée de deux mouvements majeurs, l'automatisation des tâches en entreprise et la paupérisation des employés. L'organisme considère que le développement de ce type d'emplois doit s'accompagner d'un meilleur encadrement.

A l'occasion d'un rendez-vous organisé avec la presse, Marie-José Kotlicki, secrétaire générale de l'Ugict-CGT s'inquiète du « contournement de la protection sociale dont bénéficient les salariés. A l'image des chauffeurs d'Uber, le nombre d'auto-entrepreneurs, notamment chez les jeunes et les salariés qualifiés, ne cesse d'augmenter et atteint 1 million en 2015 ».

A titre d'exemple, dans sa communication, Uber joue la carte de la flexibilité du travail. Il précise : « Vous conduisez quand vous le souhaitez, sans aucune contrainte, de façon libre et flexible. Vous pouvez choisir de faire votre propre emploi du temps. L'inscription est très simple et vous commencerez à gagner de l'argent immédiatement ».

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Si l'idée de pouvoir obtenir rapidement un emploi est attirante, il ne faut toutefois pas oublier que le chauffeur devra retrancher 10 % de TVA à l'ensemble de ses courses. Uber prend également 20 % de commission sur le hors taxe. Reste ensuite à la charge du chauffeur l'éventuelle location du véhicule, l'essence, les bouteilles d'eau et autres frais (smartphone et forfait téléphonique, pressing...).

Un manque de sécurité pour les travailleurs et une situation préoccupante selon la CGT, d'autant que des mouvements de revendication ont commencé à se développer. Il est ainsi probable que des protestations de chauffeurs, qui voudront transformer leur situation en contrats réels (CDI ou CDD) se multiplient dans les mois à venir.

Demain tous freelances ?

Aux Etats-Unis, des conducteurs d'Uber commencent en effet à revendiquer des droits. Certains d'entre eux ont lancé un recours collectif, réclamant que leur soit reconnu le statut de salarié. En France, un syndicat de chauffeurs de VTC a même été créé, afin que leurs revendications soient davantage entendues.

Au-delà des chauffeurs, c'est donc la question de la reconnaissance du travail salarié qui est mise sur la table. Bruno Mettling, DRH d'Orange et auteur d'un rapport sur les impacts du numérique sur le travail nous précise : « Le risque est de voir à terme se généraliser les freelances et autres délocalisations. De nouvelles formes d'emplois apparaissent et les travailleurs indépendants sont de plus en plus nombreux car les entreprises ont besoin de compétences qu'elles n'ont pas en interne. La part des consultants et de sous-traitants risque de croitre ».

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Face à ces changements, le responsable estime qu'il ne convient pas d'ériger de barrières en imposant des conditions lourdes à ces services. Il soutient toutefois l'idée selon laquelle « les personnes, même hors du salariat, doivent avoir des droits sociaux reconnus. Peut-être faut-il remplacer les critères juridiques établissant un lien de subordination entre employeur et salarié par des notions plus économiques ».

Bruno Mettling milite donc pour une adaptation de notre économie aux modèles actuellement utilisés. Son rapport a été remis au ministère du Travail, libre à présent à lui d'en suivre ou non les préconisations.

Comment équilibrer création et suppression d'emplois ?

Le Conseil Economique et Social et Environnemental (CESE) s'est également saisi de la question. Auteur d'un rapport adopté la semaine dernière, l'organisme propose son analyse et ses solutions. Il appelle ainsi à la vigilance : « Si nous n'y prenons garde, le développement des outils numériques peut conduire à une intensification du travail, accroître la durée de connexion, percuter l'équilibre des temps de vie, dans et hors du travail ».

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Le CESE ajoute que la « révolution numérique » risque de permettre l'émergence de gains de productivité et paradoxalement d'une « paupérisation du système social voire économique ». C'est pourquoi il demande instamment à ce que des sociétés comme Uber ou Airbnb soient soumis aux mêmes lois que l'ensemble des entreprises de leurs secteurs, notamment en ce qui concerne leur assiette de taxation en France.

L'organisme souhaite ainsi éviter les tactiques d'esquive fiscale organisées par plusieurs sociétés étrangères menant une activité sur notre territoire. Un vœu qui dépasse actuellement nos frontières, et pour qu'il aboutisse, il devra être pris en compte par l'Union européenne.

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